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20/11/2024 | FRANCE | N°23PA02322

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 20 novembre 2024, 23PA02322


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.



Par un jugement n° 1904760/2 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a prononcé la décharge partielle de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle M. B... a été

assujetti au titre de l'année 2012 à concurrence d'une réduction de sa base imposable de 49 785 euros,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1904760/2 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a prononcé la décharge partielle de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle M. B... a été assujetti au titre de l'année 2012 à concurrence d'une réduction de sa base imposable de 49 785 euros, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2023, 7 février et 17 mai 2024, M. B..., représenté par la SELAS Abocap Conseil, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 1904760/2 du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le directeur départemental des finances publiques a abandonné la somme de 3 161 euros, correspondant aux pénalités sur la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de 2012, par sa lettre du 21 mars 2019 ;

- la proposition de rectification du 18 août 2015 est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ;

- les revenus tirés de son activité artisanale de monteur téléphonique ne sont pas occultes et n'entrent donc pas dans le champ des dispositions du c) de l'article 111 et du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts ;

- des dépenses professionnelles doivent être déduites de ses revenus professionnels ;

- le tribunal a omis de se prononcer sur ce moyen ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 septembre 2023 et 3 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, les sommes imposées sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts peuvent être imposées, par substitution de base légale, sur le fondement de l'article 34 du même code ;

- à titre subsidiaire, les sommes imposées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée peuvent être imposées, par substitution de base légale, sur le fondement de l'article 34 du code général des impôts.

Par une ordonnance du 18 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segretain,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle à la suite duquel il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 et 2013 ainsi qu'à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de l'année 2012. M. B... relève appel du jugement du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte de l'instruction que, par la décision du 21 mars 2019, l'administration a rejeté dans sa totalité la réclamation formée par M. B.... Par suite, elle ne peut être regardée comme ayant accordé un dégrèvement de la somme de 3 161 euros, la circonstance qu'elle ait commis une erreur dans un tableau récapitulant les sommes dues par M. B... n'ayant pas d'incidence sur le montant des sommes mises en recouvrement.

Sur la régularité du jugement :

3. Si le requérant soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que des dépenses professionnelles devraient être déduites des revenus d'origine professionnelle, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges y ont répondu au point 15 du jugement. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la régularité de la procédure :

4. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que le service a indiqué, dans la proposition de rectification du 18 août 2015, qu'après avoir adressé une demande à M. B..., sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, portant sur la nature et l'origine de sommes reçues par lui en 2012 et 2013, restée sans réponse, celles-ci ont été regardées comme des revenus d'origine indéterminée, taxés d'office en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales. Ainsi, d'une part, la procédure de taxation d'office était indiquée dans la proposition de rectification, contrairement à ce que le requérant fait valoir, la circonstance que les revenus d'origine indéterminée aient été également mentionnés par erreur dans son préambule dans lequel était annoncée l'application de la procédure contradictoire aux revenus de capitaux mobiliers étant à cet égard sans incidence. En tout état de cause, il n'établit ni même n'allègue qu'il aurait été privé du fait d'une telle omission de l'une des garanties dont il était en droit de bénéficier. D'autre part, le service a ainsi porté à sa connaissance les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination conformément aux dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscale, applicables en matière de revenus d'origine indéterminée taxés d'office, la circonstance qu'il n'ait pas été précisé que les revenus imposés pour ce motif l'étaient sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts étant à cet égard sans incidence. Par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 18 août 2015 était insuffisamment motivée doit être écarté dans toutes ses branches.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. D'une part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) " Il n'est pas contesté que M. B... n'a pas répondu à la proposition de rectification du 18 août 2015 qui lui a été régulièrement notifiée. Par suite, la charge de prouver le caractère exagéré de l'imposition mise à sa charge selon la procédure contradictoire lui incombe en application des dispositions précitées. D'autre part, en application de l'article L. 192 du livres procédures fiscales, M. B... supporte la charge de la preuve en matière de revenus d'origine indéterminée, taxés d'office sur le fondement de l'article L. 69 du même livre.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 18 août 2015, que l'administration a imposé entre les mains de M. B... comme revenus d'origine indéterminée les sommes de 211 848 euros en 2012 et 22 512 euros en 2013 encaissées sur ses comptes bancaires ouverts chez LCL et à la Banque postale sous la forme de chèques ou d'espèces. Si le requérant soutient que ces sommes constituent des recettes professionnelles, il ne produit aucune pièce de nature à l'établir. Le moyen doit, par suite, être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. (...) " Aux termes de l'article 111 du même livre : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...). " L'article 158 du même code dispose : " (...) 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par un coefficient de 1,25. Ces dispositions s'appliquent : (...) 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ; (...). ".

9. Il résulte de l'instruction que l'administration a imposé comme rémunérations et avantages occultes, sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, les sommes reçues en 2012 par M. B... sur son compte bancaire LCL par virements émis par les sociétés Constructel et Setelen. Le requérant soutient que ces virements constituent la contrepartie de services rendus dans le cadre de son activité professionnelle artisanale de monteur électrique et installateur exercée en 2011 et 2012. Il résulte de l'instruction que M. B... a exercé une telle activité du 24 janvier 2011 au 30 avril 2012, ressortant du certificat de radiation versé, et que, s'il ne produit pas de contrat le liant aux entreprises en cause, il a émis à leur destination des factures pour des prestations dont les montants coïncident avec les sommes reçues, et dont les numéros de factures apparaissent dans certains libellés de virements reçus. Par suite, et alors que l'administration ne conteste pas l'authenticité de ces factures, M. B... doit être regardé comme établissant que les sommes en cause ont été versées en rémunération de son activité professionnelle et ne constituent ainsi pas des rémunérations ou avantages occultes imposables sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. L'administration demande toutefois, en défense, pour fonder l'imposition, que soient substituées à ces dispositions celles de l'article 34 du code général des impôts. Il y a lieu de faire droit à cette demande de substitution de base légale qui ne prive le contribuable d'aucune garantie. Par ailleurs, dès lors que les sommes en cause reçues par virement sont regardées comme des recettes professionnelles ne présentant pas un caractère occulte, elles ne peuvent se voir appliquer le coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par les dispositions précitées du 2°) du 7 de l'article 158 du code général des impôts, et la base imposable à l'impôt sur le revenu de M. B... au titre de l'année 2012 doit être réduite à concurrence de l'application de ce coefficient, soit de 49 785 euros.

10. Enfin, le requérant soutient que doivent être déduites de ses recettes professionnelles des charges de même nature. S'il invoque des frais de déplacement, de télécommunication et des frais bancaires, il n'établit pas, comme il en a la charge, que les dépenses en cause ont été exposées au soutien de son activité professionnelle. M. B... se prévaut également de frais de sous-traitance. S'il n'invoque pas utilement, pour justifier certains d'entre eux, la seule mention d'une facture dans le libellé de virements au débit de ses comptes bancaires, il résulte de l'instruction qu'il produit également, pour la première fois en appel, huit factures, établies en 2011 et 2012, adressées à la marque commerciale de son activité artisanale, " ET ", relatives à des travaux d'installation et de réparation de réseaux de télécommunication, et que le paiement d'une seule d'entre elles, datée du 31 mars 2012, est attesté par un virement réalisé en mai 2012 au débit du compte LCL de M. B.... Par suite, cette dépense doit être regardée comme professionnelle et le montant hors taxe figurant sur cette facture, de 8 842 euros, doit entrer en déduction de ses recettes professionnelles imposées sur le fondement de l'article 34 du code général des impôts. Le requérant est, dès lors, fondé à demander la réduction de sa base imposable à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2012 à concurrence de la somme de 8 842 euros.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...). "

12. Alors que M. B... a déclaré n'avoir perçu aucun revenu au titre des années 2012 et 2013, il a reçu sur ses comptes bancaires près de 440 000 euros au cours de ces deux années, dont une partie en espèces, et près de la moitié constituée de revenus d'origine indéterminée. Il ne pouvait ignorer commettre ainsi un manquement en ne déclarant aucun de ces revenus. L'administration était dès lors fondée à appliquer aux sommes en cause la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander la réduction de ses bases imposables à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2012 de, respectivement, 58 627 euros et 8 842 euros et, pour le surplus, n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La base imposable de M. B... à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 est réduite à concurrence de 58 627 euros et sa base imposable aux contributions sociales au titre de l'année 2012 est réduite à concurrence de 8 842 euros.

Article 2 : M. B... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 à concurrence des réductions de base imposable prononcées à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1904760/2 du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2024.

Le rapporteur,

A. SEGRETAIN La présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02322 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02322
Date de la décision : 20/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : ABOCAP CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-20;23pa02322 ?
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