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19/11/2024 | FRANCE | N°24PA01350

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 19 novembre 2024, 24PA01350


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2023 par lequel le préfet de police de Paris a procédé au retrait de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il peut être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2325745/8 du 28 février

2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2023 par lequel le préfet de police de Paris a procédé au retrait de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il peut être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2325745/8 du 28 février 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2024, M. B..., représenté par Me Keufak Tameze, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son avocat, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le retrait de son titre de séjour est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que son comportement ne représente pas une menace grave pour l'ordre public ;

- ce retrait, ainsi que la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle portant interdiction de retour pour une durée de trois ans, méconnaissent son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête de M. B....

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais, né le 24 décembre 1994, entré en France le 20 octobre 2012 sous couvert d'un visa de long séjour " famille de français ", a été mis en possession d'une carte de résident valable jusqu'au 20 décembre 2022, sur le fondement de l'article L. 412-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 25 novembre 2022, il en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 30 octobre 2023, le préfet de police a procédé au retrait de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M B... demande l'annulation du jugement du 28 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant retrait de titre de séjour :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 314-11 de code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, dans leur rédaction en vigueur à la date à laquelle une carte de résident a été délivrée à M. B..., le 20 décembre 2012 : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; ". Selon les dispositions de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, sous réserve des dispositions des articles L. 411-5 et L. 432-3, qui prévoient, respectivement, la péremption d'une carte de résident après plus de trois années d'absence du territoire français et l'impossibilité de délivrer une telle carte à un étranger en état de polygamie ou qui a été condamné pour avoir commis sur un mineur de quinze ans l'infraction de violences ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente, ou s'être rendu coupable de celle-ci, une carte de résident est renouvelable de plein droit.

3. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". " Selon l'article L. 432-4 du même code : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Et aux termes de l'article L. 432-5 du même code : " Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. (...) ".

4. Enfin, aux terme de l'article R. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de résident peut être retirée et remplacée de plein droit par une carte de séjour temporaire dans les cas suivants : / 1° L'étranger, titulaire d'une carte de résident, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application des articles L. 631-2 ou L. 631-3 et a été condamné de manière définitive sur le fondement des articles 433-3,433-4, des deuxième à quatrième alinéas de l'article 433-5, du deuxième alinéa de l'article 433-5-1 ou de l'article 433-6 du code pénal ; (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., enfant étranger d'un ressortissant français, s'est vu délivrer une carte de résident, valable du 21 décembre 2012 au 21 décembre 2022, sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 2° de l'article L. 314-11 de code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, reprises à l'article L. 423-12 de ce même code. Le 25 novembre 2022, M. B... a été reçu par les services de la préfecture dans le cadre d'une demande de renouvellement de sa carte de résident. Dans ces conditions, par la décision attaquée du 30 octobre 2023, date à laquelle M. B... n'était plus titulaire d'une carte de résident en cours de validité pouvant, le cas échéant être retirée, et alors au surplus qu'à cette même date, ni les dispositions de l'article L. 432-4 ou encore celles de l'article L. 432-5, lues en combinaison avec celles de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre disposition, ne prévoyaient le retrait d'une carte de résident pour un motif tiré d'une menace à l'ordre public, le préfet de police doit être regardé comme ayant entendu refuser à M. B... le renouvellement de sa carte de résident. Il résulte toutefois des dispositions, citées au point 2, de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ce alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué que M. B... entrait dans le champ de l'article L. 411-5 ou dans celui de l'article L. 432-3 du même code, que ce renouvellement était de plein droit et ne pouvait pas être refusé au motif que son comportement représentait une menace à l'ordre public.

6. Par ailleurs, si le préfet de police de Paris sollicite, en défense, une substitution de base légale, en demandant l'application des dispositions, citées au point 4, de l'article R. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, ainsi qu'il a déjà été dit, il ne pouvait pas retirer un titre dont la période de validité avait expiré et, d'autre part et en tout état de cause, ces disposions prévoient soit l'expulsion de l'étranger soit, si celui-ci ne peut pas faire l'objet d'une telle mesure, la délivrance d'une carte de séjour temporaire. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle carte de séjour temporaire aurait été délivrée à M. B.... Par suite, et alors même qu'il ressort des pièces du dossier que c'est bien sur le fondement de ces dispositions qu'une procédure de retrait a initialement été engagée à l'encontre de M. B..., avant qu'il ne soit finalement décidé de lui refuser tout titre de séjour et de l'obliger en conséquence à quitter le territoire français, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale sollicitée par le préfet de police de Paris.

Sur les autres décisions :

7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le préfet de police ne pouvait pas obliger M. B... à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, en conséquence, prendre à son contre une interdiction de retour sur le territoire français.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2023 du préfet de police de Paris.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Le présent arrêt implique nécessairement qu'une carte de résident soit délivrée à M. B... et que son signalement dans le système d'information Schengen soit effacé. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de délivrer une carte de résident à M. B... et d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espère, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Keufak Tameze de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2325745/8 du 28 février 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 30 octobre 2023 du préfet de police de Paris sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une carte de résident et d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Keufak Tameze, avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01350
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : KEUFAK TAMEZE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;24pa01350 ?
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