Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2302341 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Kremer, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 de la préfète du Val-de-Marne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est illégal compte tenu de l'illégalité de la décision du 21 avril 2022 rejetant la demande d'autorisation de travail ;
- il remplissait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " lorsqu'il était placé sous récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a été formé en France et qu'il était titulaire d'un contrat de travail avec une société de service numérique en qualité d'ingénieur de production.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2024, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juillet 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 1er avril 2021 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier ;
- les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien, né le 23 septembre 1988, est entré en France le 10 septembre 2018 muni d'un visa long séjour " étudiant ". Il a été mis en possession, le 29 décembre 2020, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " valable jusqu'au 6 décembre 2021. A l'issue de la durée de validité de ce titre de séjour, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions des articles L. 421-1, L. 422-11 et L. 433-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 20 juin 2022, il a été mis en possession d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler valable jusqu'au 19 septembre 2022, puis d'un second récépissé valable du 23 août au 22 novembre 2022. Par un arrêté du 17 février 2023, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a décidé qu'il serait éloigné à destination du pays dont il possède la nationalité. Par un jugement du 19 décembre 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 433-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle sur un autre fondement que celui au titre duquel lui a été délivré la carte de séjour ou le visa de long séjour mentionné au 2° de l'article L. 411-1, se voit délivrer le titre demandé lorsque les conditions de délivrance, correspondant au motif de séjour invoqué, sont remplies, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-1 du même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ". Aux termes de l'article L. 422-11 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsque la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " est délivrée en application du 1° de l'article L. 422-10, son titulaire est autorisé, pendant la durée de validité de cette carte, à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation ou ses recherches, assorti d'une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le niveau de diplôme concerné. / A l'issue de cette période d'un an, l'intéressé pourvu d'un emploi ou d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées au 1° de l'article L. 422-10 se voit délivrer la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " prévue aux articles L. 421-1 ou L. 421-3, ou la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent ", " passeport talent-carte bleue européenne " ou " passeport talent-chercheur " prévue aux articles L. 421-9, L. 421-10, L. 421-11, L. 421-14 ou L. 421-20, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " I.- Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code (...) / II.- La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur (...) ". En outre, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 1er avril 2021 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail : " Pour le recrutement d'un ressortissant dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée d'un étranger résidant régulièrement en France, l'employeur qui sollicite une autorisation de travail sur le fondement de l'article R. 5221-1 du code du travail, verse les pièces justificatives suivantes : / 1° Une copie recto verso du titre de séjour en cours de validité du ressortissant étranger (...) ".
4. En premier lieu, M. A... doit être regardé comme soulevant, par voie d'exception, le moyen tiré de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'une autorisation de travail. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de travail déposée à son bénéfice le 21 avril 2022 par la société Eurofins Biomnis a été rejetée par une décision du même jour au motif que " le ressortissant étranger sollicitant une autorisation de travail doit présenter un titre de séjour en cours de validité. Après instruction de la demande d'autorisation de travail, il ressort des pièces du dossier que le titre de séjour/récépissé joint à la demande d'autorisation de travail n'est plus en cours de validité (...) la présente demande d'autorisation doit être clôturée (...) ". Si M. A... soutient qu'il disposait d'un titre de séjour dont la validité a été prolongée jusqu'au 22 novembre 2022, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont le titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " expirait le 6 décembre 2021, a seulement été mis en possession, à titre purement dérogatoire, compte tenu de son implication pendant la crise sanitaire de la covid-19, d'un récépissé valable du 20 juin 2022 au 19 septembre 2022 puis d'un second récépissé valable du 23 août 2022 au 22 novembre 2022. Ces récépissés n'ont eu ni pour objet ni pour effet de régulariser la situation de M. A... pour la période du 7 décembre 2021 au 19 juin 2022. Dans ces conditions, et dès lors qu'à la date de la décision de rejet de l'autorisation de travail, M. A... ne disposait pas d'un titre de séjour en cours de validité, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la demande d'autorisation de travail déposée le 21 avril 2022 a été rejetée. Par suite le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions dirigées contre l'arrêté du 17 février 2023 de la préfète du Val-de-Marne, doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il est constant qu'à la date de la décision contestée, M. A... ne justifiait pas d'une autorisation de travail. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a exercé un emploi en qualité d'opérateur de saisie au sein d'un laboratoire d'analyses médicales en contrat à durée déterminée du 4 août 2020 au 7 février 2021 renouvelé mois par mois jusqu'au 30 avril 2022, qu'il s'est inscrit à Pôle Emploi à l'issue de cette expérience professionnelle et qu'il a suivi une formation " Filière administrateur système Linux " du 12 septembre au 2 décembre 2022 dans le cadre de la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle, formation qui n'a pas donné lieu à un recrutement, il n'est pas contesté que l'intéressé ne justifiait pas, à la date de la décision en litige, d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail dans un emploi en relation avec sa formation en administration et sécurité des systèmes informatiques. Enfin, la circonstance qu'il justifie, pour la première fois en appel, d'un contrat à durée indéterminée à temps complet conclu le 28 février 2023, soit postérieurement à la date de la décision en litige, avec la société Infodis IT pour un emploi d'ingénieur de production, est sans incidence sur la légalité du refus contesté, qui s'apprécie à la date à laquelle il a été pris. Dans ces conditions, et alors qu'il est loisible au requérant, s'il s'y croit fondé, de déposer une nouvelle demande de titre de séjour " salarié " en faisant valoir son nouveau contrat de travail, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation de la situation de M. A... que la préfète du Val-de-Marne a pu lui refuser la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la seule circonstance que M. A..., entré en France le 10 septembre 2018 sous couvert d'un visa long séjour " étudiant ", ait obtenu une licence professionnelle " métiers de l'informatique : administration et sécurité des systèmes - parcours Administration des systèmes informatiques " à l'université de Perpignant au titre de l'année universitaire 2019/2020 n'est pas de nature à démontrer que la préfète du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation. Pour le même motif que celui énoncé au point 5, la circonstance qu'il était titulaire d'un contrat à durée indéterminée à temps complet conclu le 28 février 2023 avec la société Infodis IT pour un emploi d'ingénieur de production est sans incidence sur cette appréciation.
7. Enfin, la situation que connaît Haïti, notamment depuis le second semestre de l'année 2023, se caractérise par un climat de violence généralisée se traduisant notamment par des affrontements opposant des groupes criminels armés entre eux et ces groupes à la police haïtienne et cette violence atteint, à Port-au-Prince ainsi que dans les départements de l'Ouest et de l'Artibonite, un niveau d'une intensité exceptionnelle, entraînant un grand nombre de victimes civiles et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement, M. A... serait en mesure de traverser notamment Port-au-Prince. Dans ces conditions, la situation qui prévaut en Haïti à la date du présent arrêt est de nature à faire obstacle à l'exécution de la décision fixant cet Etat comme pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
La rapporteure,
V. LarsonnierLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00406