La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2024 | FRANCE | N°23PA04149

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 19 novembre 2024, 23PA04149


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Alden 5 a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa et la commune de Nouméa à lui verser 42 500 000 francs CFP en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de la réalisation du réseau de transport en commun " A... " ainsi que lors des travaux visant à la mise en séparatif du réseau d'assainissement et au renforcement du r

éseau eaux pluviales réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la commune de Nouméa.



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Alden 5 a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa et la commune de Nouméa à lui verser 42 500 000 francs CFP en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de la réalisation du réseau de transport en commun " A... " ainsi que lors des travaux visant à la mise en séparatif du réseau d'assainissement et au renforcement du réseau eaux pluviales réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la commune de Nouméa.

Par jugement n° 2300092 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2023, la société Alden 5, représentée par Me Elmosnino, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300092 du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de condamner le syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa (SMTU) et la commune de Nouméa à lui verser 42 500 000 francs CFP en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de la réalisation du réseau de transport en commun " A... " ;

3°) de mettre à la charge du SMTU du Grand Nouméa et de la commune de Nouméa les dépens pour un montant de 750 000 francs CFP ;

4°) de mettre à la charge du SMTU du Grand Nouméa et de la commune de Nouméa la somme de 500 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que sa requête était dirigée à la fois contre le SMTU du Grand Nouméa et la commune de Nouméa et que seul le SMTU du Grand Nouméa a été appelé à la cause ;

- les gênes et nuisances qu'elle a subies lors de la réalisation du réseau de transport en commun " A... " excédent celles que les riverains des voies publiques sont normalement tenus de supporter et ont entraîné une baisse très substantielle de son activité ;

- elle a subi un préjudice anormal et spécial entraînant une perte de marge brute de 15 000 000 francs CFP et une diminution de son attractivité et de sa viabilité économique à hauteur de 27 500 000 francs CFP compte tenu de la configuration modifiée des lieux de la zone de chalandise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2024, le syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa, représenté par la SELARL Royanez conclut, à titre principal, au rejet de la requête de la société Alden 5, à titre subsidiaire, à ce que soit réduite à de plus justes proportions l'indemnisation sollicitée et à ce que la somme de 250 000 francs CFP soit mise à la charge de la société Alden 5 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Alden 5 ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2024, la commune de Nouméa, représentée par Me Lazennec, conclut au rejet de la requête de la société Alden 5 et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel de la société Alden 5 est irrecevable dès lors qu'elle méconnaît les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative puisqu'elle ne demande pas l'annulation de la décision implicite de rejet née le 24 décembre 2022 du silence gardé par la commune de Nouméa sur sa demande indemnitaire et de la décision du 13 décembre 2022, par laquelle le SMTU a rejeté sa demande indemnitaire ;

- elle n'a subi aucun préjudice anormal et spécial du fait de la réalisation des travaux litigieux ni en raison de la nouvelle configuration des lieux à l'achèvement des travaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gabriel, pour la commune de Nouméa.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 14 décembre 2010, la commune de Nouméa a approuvé son schéma directeur d'assainissement dans lequel a été notamment décidée la réalisation d'une opération d'aménagement urbain de la rue de l'Alma - André Ballande et sur les rues adjacentes comprenant notamment la rue d'Austerlitz. La commune de Nouméa a confié la réalisation des études et des travaux concernant les réseaux d'assainissement et d'eaux pluviales ainsi que la réfection des trottoirs à la société d'économie mixte de la baie de la Moselle " SODEMO " par un contrat de représentation et d'assistance à caractère administratif et technique du 4 octobre 2011. Parallèlement, par délibération du 12 août 2010, la province Sud de Nouvelle-Calédonie a approuvé les orientations générales du schéma de cohérence de l'agglomération nouméenne et du plan de déplacement de l'agglomération nouméenne et par délibération du 24 mai 2012, le syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa a approuvé le programme du transport en commun en site propre du Grand Nouméa. Après une phase de concertation et le déroulement de l'enquête publique, par arrêté du 31 décembre 2015, la première phase du transport en commun du site propre du Grand Nouméa dit " A... " a été déclaré d'utilité publique et le projet " A... " a été intégré dans l'opération d'aménagement notamment de la rue d'Austerlitz par la commune de Nouméa. Par convention du 25 juin 2018, le syndicat mixte des transports urbains (SMTU) du Grand Nouméa a été désigné comme maître d'ouvrage par la commune de Nouméa pour les travaux de réaménagement de la rue d'Austerlitz s'agissant des réseaux, de la réfection de la voirie et de la réalisation de la plate-forme " A... ".

2. La SARL Alden 5 a pris à bail un local commercial le 17 janvier 2011 au 5 rue d'Austerlitz à Nouméa pour y exploiter un commerce de maroquinerie et de bagagerie. Suite à la réalisation de ces travaux dans la rue d'Austerlitz, elle indique avoir mis un terme à son activité. A la demande de la société Alden 5, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a ordonné une expertise et les rapports de l'expert ingénieur de génie civil et de son sapiteur expert-comptable ont été déposés les 3 et 4 juin 2021. La société Alden 5 a formé deux demandes préalables d'indemnisation des préjudices anormaux et spéciaux qu'elle estime avoir subis lors desdits travaux, auprès du SMTU, d'une part, et de la commune de Nouméa, d'autre part, qui les ont reçues le 24 octobre 2022 et qui les ont respectivement rejetées par décision du 13 décembre 2022 et par décision implicite. Par jugement du 22 juin 2023, dont la société Alden 5 relève appel, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation du SMTU du Grand Nouméa et de la commune de Nouméa à lui verser 42 500 000 francs CFP en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de la réalisation du réseau de transport en commun " A... ".

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte de l'instruction qu'alors que la société Alden 5 a dirigé sa requête de première instance sans équivoque contre le SMTU du Grand Nouméa et la commune de Nouméa, les conclusions de la requête ont été interprétées par les premiers juges comme étant uniquement dirigées contre le SMTU du Grand Nouméa, de sorte qu'ils ne se sont pas prononcés sur les conclusions de la société Alden 5 dirigées contre la commune de Nouméa. Par suite, la société Alden 5 est fondée à soutenir que, dans cette mesure, le jugement attaqué, qui n'a statué que sur une partie des conclusions dont il était saisi, est irrégulier.

4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer sur les conclusions dirigées contre la commune de Nouméa par la voie de l'évocation et sur les autres conclusions par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la responsabilité :

5. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

6. Il résulte de l'instruction que si la société Alden 5 soutient que les travaux ont été réalisés du 3 juillet 2017 au 30 novembre 2018 dans les rues de l'Alma et d'Austerlitz par le SMTU et ont impacté pendant cette période son activité, il ressort, au contraire, des deux rapports d'expertise précités que la rue d'Austerlitz n'a été impactée par ces travaux qu'à compter du 31 juillet 2017, en étant fermée à la circulation des véhicules excepté pour les riverains et les livraisons, à compter du 8 janvier 2018 jusqu'au mois d'août 2018, au moment du remplacement des réseaux d'eau, et que les travaux de revêtement de la chaussée ont eu lieu du 14 juillet 2018 au 4 décembre 2018. L'expert a relevé que l'accessibilité piétonnière du commerce de la société requérante a été assurée par un cheminement sécurisé et que des barrières de protection et des tapis de confort de marche ont été installés pendant toute la durée du chantier. Par ailleurs, l'expert relève, concernant les travaux de revêtement de la chaussée, que " le magasin a été quasiment " accessible " pendant tout le chantier, excepté pendant la phase de reprise des trottoirs devant le magasin (...), qui a duré moins de deux semaines pour la réalisation des trottoirs et de deux jours pour le revêtement en pavés devant l'entrée du magasin. Le 23 mai, tout le revêtement de trottoirs était fini côté Alden 5 ". Si la société Alden 5 soutient que pendant la période de travaux, il était impossible de se rendre en véhicule sur une grande portion de la route desservant l'entreprise et qu'ont été supprimés des accotements et des places de stationnement au droit de l'entreprise, elle n'apporte aucun élément, à l'appui de ses allégations, permettant d'établir l'incidence de cette desserte uniquement piétonnière et de la suppression de ces places de stationnement et accotements sur l'activité du magasin, dès lors qu'il était loisible de se rendre dans son commerce par d'autres moyens que des véhicules et que d'autres possibilités de stationnement à proximité dans les rues non concernées par les travaux pouvaient accueillir les visiteurs motorisés. Ainsi, dès lors qu'il n'est pas établi que ces circonstances, pour gênantes qu'elles aient pu être, puissent être regardées comme ayant rendu extrêmement difficile l'accès au magasin de la société Alden 5, cette dernière n'établit pas le caractère exceptionnel des difficultés d'accès dont elle se prévaut. Le préjudice allégué à ce titre par la société requérante ne peut donc pas être regardé comme étant anormal. De plus, si le chiffre d'affaires de ce magasin a effectivement baissé pendant la période des travaux, cette baisse doit être mise en regard de la tendance baissière constante de son chiffre d'affaires ayant débuté dès 2014 et ne peut ainsi être imputée principalement à la gêne occasionnée à la clientèle par les travaux litigieux, de sorte qu'il ne résulte pas de l'instruction que les circonstances invoquées aient eu une influence sur la fréquentation du magasin. Il s'ensuit que si la société Alden 5 a subi un préjudice spécial du fait des travaux effectués dans la rue d'Austerlitz à Nouméa, dans laquelle elle exploite son commerce, ce préjudice, qui n'a pas excédé les sujétions pouvant être imposées sans indemnité aux riverains des voies publiques, ne présente pas un caractère anormal. Enfin, si la société Alden 5 se prévaut d'une diminution de son attractivité et de sa viabilité économique compte tenu de la configuration modifiée des lieux de la zone de chalandise après travaux, elle n'apporte là encore pas d'élément permettant d'établir un lien significatif entre son activité de maroquinerie et de bagagerie ni ne démontre la nécessité pour sa pérennité de bénéficier d'un accès immédiat pour les clients motorisés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Alden 5 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation du SMTU du Grand Nouméa à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de la réalisation du réseau de transport en commun " A... ". Pour les mêmes motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nouméa en défense, les conclusions à fin d'indemnisation de la société Alden 5 dirigées contre la commune de Nouméa doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le SMTU du Grand Nouméa et la commune de Nouméa, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à verser à la société Alden 5 la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Alden 5 les sommes que demandent le SMTU du Grand Nouméa et la commune de Nouméa en application des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2300092 du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur les conclusions de la société Alden 5 dirigées contre la commune de Nouméa.

Article 2 : La demande de la société Alden 5 tendant à la condamnation de la commune de Nouméa à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de l'opération de réfection des réseaux présentée devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du SMTU du Grand Nouméa et de la commune de Nouméa, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alden 5, au syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa et à la commune de Nouméa.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04149
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ELMOSNINO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;23pa04149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award