Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informée de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2210885 du 17 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2024, Mme B..., représentée par Me Mopo Kobanda, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 17 août 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informée de son signalement aux fins de
non-admission dans le système d'information Schengen ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet des Hauts-de-Seine s'est estimé à tort en situation de compétence liée par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ;
- cet arrêté a été pris en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français qui lui est opposée n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lorin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 octobre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a fait obligation à Mme B..., de nationalité ivoirienne née le 13 juin 1985, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informée de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pendant la durée de cette interdiction. Mme B... relève régulièrement appel du jugement du 17 août 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. D'une part, l'arrêté vise les textes applicables, notamment les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application. Il mentionne également les éléments de fait propres à la situation personnelle de Mme B..., en énonçant en particulier que la demande d'asile qu'elle avait présentée a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile prises respectivement les 31 mai 2021 et 26 novembre 2021 et que sa demande de réexamen a également fait l'objet de décisions de rejet en date des 13 avril 2022 et 30 juin 2022. Il précise que la mesure d'éloignement prononcée ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B..., dont la cellule familiale composée de son compagnon et deux de leurs enfants dont les demandes d'asile ont également été rejetées, peut se reconstituer dans son pays d'origine et ne contrevient donc pas à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, l'arrêté, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Enfin, cet arrêté qui vise les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise la durée du séjour de Mme B... présente en France depuis le 1er janvier 2019 et mentionne les éléments de fait relatifs à sa situation personnelle en relevant que la cellule familiale peut se reconstituer dans son pays d'origine et que ses attaches sur le territoire français ne sont pas intenses. Il énonce également que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce et en l'absence de circonstances humanitaires, la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il précise ainsi les considérations de droit sur lesquelles se fonde la décision interdisant à Mme B... de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an et mentionne les éléments de fait au vu desquels cette décision a été prise, tant dans son principe que dans sa durée. Par suite, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, l'arrêté contesté répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier, que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... avant de prendre l'arrêté en litige ou se serait estimé en situation de compétence liée par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
6. Mme B..., qui a déclaré être entrée en France le 1er janvier 2019, ne démontre pas que le centre de ses intérêts privés et familiaux serait durablement établi sur le territoire français où la durée de son séjour n'excède pas quatre années à la date de l'arrêté attaqué, l'ancienneté de sa résidence habituelle n'étant au demeurant attester par aucune pièce justificative. Par ailleurs, elle ne démontre pas que sa cellule familiale, composée de son compagnon et de leurs trois enfants, nés en 2015, 2020 et 2022, ne pourrait pas se reconstituer hors de France, notamment dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. D'une part, la demande d'asile présentée par Mme B... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ainsi qu'il a été précédemment énoncé, la demande de réexamen ayant également été rejetée. D'autre part, en se bornant à soutenir qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à un risque de subir des traitements prohibés par les stipulations énoncées ci-dessus, en raison de l'opposition de sa famille à son union et la volonté de ses proches de la soumettre à un mariage forcé, elle n'apporte aucune précision, ni aucune pièce justificative susceptible d'établir la réalité des risques actuels et personnels qu'elle encourrait en cas de retour en Côte d'Ivoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est opérant qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.
9. En cinquième lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'arrêté attaqué doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés aux points 6 et 8 du présent arrêt.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
11. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a pris une décision portant interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de Mme B... en retenant que la cellule familiale de l'intéressée, présente en France depuis le 1er janvier 2019, pouvait se reconstituer dans son pays d'origine et qu'elle ne disposait pas d'attaches sur le territoire français d'une particulière intensité. Au regard de ces circonstances qui ne sont pas utilement contredites, alors même que Mme B... n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement du territoire et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet des Hauts-de-Seine n'a commis aucune erreur d'appréciation en lui interdisant de revenir sur le territoire français et en fixant la durée de cette interdiction à un an. Par suite, ce moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent par suite être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 novembre 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00685