Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Vers'o a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 2002174 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SAS Vers'o.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, et un mémoire, enregistré le 12 juillet 2024 et non communiqué, la société Vers'o, représentée par la SELARL JTBB Avocats, demande à la Cour :
1°) d' annuler le jugement n° 2002174 du tribunal administratif de Paris en date du 14 février 2023 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et de fait ;
- les quotes-parts de marges réalisées lors des opérations de revente des lots acquis par la société Aréas Investissement Immobilier ne sont pas imposables à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elles correspondent à la répartition des bénéfices entre les associés d'une société créée de fait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Vers'o ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemaire,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Cros, représentant la SAS Vers'o.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Vers'o, qui exerce notamment une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2016 et 2017. Elle relève régulièrement appel du jugement en date du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
2. En premier lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SAS Vers'o ne peut utilement soutenir que le jugement est entaché d'erreurs de droit et de fait pour en obtenir l'annulation.
3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". Aux termes de l'article 256 A de ce code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités (...) de prestataire de services (...) ".
4. D'autre part, l'existence d'une société créée de fait pour l'exploitation d'une entreprise résulte tant des apports faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes, que de la participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire, ainsi qu'aux bénéfices et aux pertes.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 11 décembre 2018, que, par un acte conclu sous seing privé le 25 juin 2014 avec la société Aréas Investissement Immobilier (" Aréas "), intitulé " Contrat de partenariat sur opérations marchand de biens ", les sociétés Plurimmo, Vers'o et Corade, qui appartiennent à un groupe fiscalement intégré et exercent toutes les trois l'activité de marchand de biens, se sont engagées à identifier des lots immobiliers à acquérir, à les présenter à la société Aréas en vue de leur acquisition par cette société et de leur revente à court ou moyen terme, puis à coordonner et contrôler leur gestion et leur exploitation en vue de cette revente. En application de ce " contrat de partenariat ", la société Vers'o a d'abord perçu des honoraires de gestion en contrepartie d'une " mission générale d'optimisation de la valeur des lots acquis ", ayant consisté notamment, pour les lots acquis occupés par la société Aréas, à négocier d'éventuels avenants aux baux en cours, voire des indemnités de départ anticipé, et, pour les lots libérés ou acquis libres, à proposer et coordonner la réalisation de travaux de valorisation. Ces honoraires de gestion ont été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. La société Vers'o a également perçu, à raison de chaque opération de revente d'un lot ayant été présenté à la société Aréas et acquis par celle-ci dans le cadre du " contrat de partenariat ", une somme correspondant à 50 % de la marge nette réalisée, calculée conformément aux stipulations de ce contrat. A l'issue de la vérification de comptabilité dont la société Vers'o a fait l'objet, le service vérificateur a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes que lui avait versées la société Aréas au cours de la période couvrant les années 2016 et 2017 au titre de cette " quote-part de marge ".
6. La société Vers'o soutient que les quotes-parts de marge qu'elle a perçues de la société Aréas en application du " contrat de partenariat " du 25 juin 2014 et à raison desquelles les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont ainsi été mis à sa charge, correspondent à la répartition des bénéfices réalisés par la société créée de fait qu'elle avait entendu constituer avec les sociétés Aréas, Plurimmo et Corade.
7. Toutefois, il résulte des stipulations du " contrat de partenariat " du 25 juin 2014 que la société Aréas a souhaité " optimis[er] l'externalisation des prestations induites " par son activité d'achat de lots immobiliers en vue de leur revente à court ou moyen terme, en recourant à l'assistance des sociétés Plurimmo, Vers'o et Corade, dénommées " Plurimmo ", pour l'acquisition, la valorisation et la revente de ces lots. Par ce contrat, la société Aréas a confié à ces sociétés " les missions générales de qualifier, identifier des lots à acquérir pour ensuite coordonner et contrôler la gestion et l'exploitation desdits lots en vue de leur revente, et plus généralement de fournir tous les services requis au titre du contrat, dans le but de finaliser les opérations entrant dans le champ de l'objet d'Aréas ", cette société s'étant engagée pour sa part à fournir à Plurimmo " tous les documents, informations et moyens nécessaires à la parfaite exécution de ses missions " et, en particulier, " à répondre à toute demande de Plurimmo dans des délais raisonnables et compatibles avec l'exécution des missions qu'elle lui confie ", à savoir, aux termes de l'article 1er du contrat, " des services de conseil, de supervision et de contrôle, de reporting, et plus généralement d'assistance à Aréas ". Ces services ont consisté, s'agissant de l'acquisition des lots, à prospecter la clientèle de vendeurs, à présenter à la société Aréas " des dossiers de biens de qualité à acquérir ", à charge pour la société Aréas de " produire toutes pièces justificatives de son habilitation à acquérir des biens ", " informer Plurimmo de tous éléments nouveaux pouvant modifier les conditions ou critères d'acquisition " et " confirmer à Plurimmo sa volonté d'acquérir ou non le bien présenté dans les 72 h de transmission de la fiche de présentation (...) sous réserve de sa conformité ou d'une éventuelle négociation des conditions d'acquisition ". Les missions confiées à Plurimmo ont ensuite consisté, " une fois obtenu l'accord d'Aréas pour l'acquisition du lot ", à procéder " pour le compte de cette dernière à l'ensemble des formalités préalables et nécessaires à l'acquisition du lot, et plus particulièrement : - La vérification de la conformité de la documentation avec la qualité du bien et les termes de la négociation / - La collation de toutes les pièces nécessaires à la régularisation des compromis et des actes ". A cet effet, la société Aréas a confié à Plurimmo " les relations avec les prestataires extérieurs aux fins d'effectuer l'ensemble des formalités et vérifications susvisées (notaires, avocats, économistes, géomètres-experts, bureaux de contrôle, administrateur de biens, architecte...), la fixation de leurs conditions d'intervention et de rémunération, ainsi que l'analyse et la synthèse de leurs études et rapports ". S'agissant de la vente des lots, le " contrat de partenariat " prévoit que " toute décision d'arbitrage et de revente d'un des lots acquis par Aréas dans le cadre du présent contrat pourra être confiée à Plurimmo, sans qu'il puisse toutefois se prévaloir d'une quelconque exclusivité au titre du présent contrat. / Un mandat de vente propre à chaque opération sera alors régularisé, fixant les droits et obligations de chacun (...) ". Le contrat précise par ailleurs que, dans l'hypothèse où la marge nette réalisée par la société Aréas à l'occasion de la revente d'un bien présenté par Plurimmo en application de ses stipulations s'avérerait négative, " Plurimmo s'engage à faire abandon de son honoraire de gestion et à prendre en charge 50 % de ladite perte. Le débit éventuel ainsi constitué, viendra s'imputer par compensation sur les montants dus au titre des opérations suivantes ".
8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que seule la société Aréas peut décider d'acquérir un bien, que les formalités d'acquisition ne sont réalisées par les sociétés Plurimmo, Vers'o et Corade que pour le compte et sous le contrôle de la société Aréas, à laquelle elles sont tenues de fournir, " a minima une fois par quinzaine, (...) des informations sur la situation de chacun des actifs acquis ou à acquérir ", et que ces sociétés ne peuvent prendre des décisions d'arbitrage et de revente d'un lot acquis par la société Aréas que sous réserve d'une décision préalable de cette société de leur confier une telle mission, sans disposer d'une quelconque exclusivité. Dans ces conditions, en l'absence de toute pièce de nature à établir que les opérations réalisées dans le cadre de cette activité n'ont pas été réalisées conformément aux stipulations du " contrat de partenariat " du 25 juin 2014, la société Vers'o ne peut être regardée comme ayant participé à la direction et au contrôle de l'affaire. Par suite, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme ayant réalisé un apport en industrie par la mise à disposition d'une compétence, d'une expérience et d'une notoriété particulières en sa qualité de marchand de biens et comme participant aux bénéfices et aux pertes de l'activité d'achat-revente prévue par le contrat du 25 juin 2014, elle ne peut pas être regardée comme ayant la qualité de membre d'une société créée de fait constituée avec les sociétés Aréas, Plurimmo et Corade. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que les quotes-parts de marge qu'elle a perçues de la société Aréas en application du " contrat de partenariat " du 25 juin 2014 ne constituent pas la contrepartie de prestations de services qu'elle a effectuées à titre onéreux.
9. Au demeurant, il est constant que la société Vers'o a souscrit ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée sans jamais révéler son appartenance à une société créée de fait. Dans ces conditions, le ministre est fondé à opposer à la société requérante la situation apparente qu'elle a elle-même créée.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 que la société Vers'o n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les quotes-parts de marge qu'elle a perçues de la société Aréas en application du " contrat de partenariat " du 25 juin 2014.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vers'o n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2016 et 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Vers'o est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Vers'o et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 15 novembre 2024.
Le rapporteur,
O. LEMAIRE
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA01528