Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux, ensemble celle des pénalités afférentes, mis à sa charge au titre des années 2011 et 2013.
Par un jugement commun n° 1914217 et n° 2013032 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des mémoires et des pièces complémentaires, enregistrés les 23 mars 2023, 25 janvier 2024, 29 janvier 2024 et 6 mars 2024, M. A..., représenté par Me Nesa, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 25 janvier 2023 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros et les entiers dépens.
Il soutient que :
- au titre de l'année 2011, il justifie, par un faisceau d'indices suffisants, que les sommes de 25 000 euros, 10 000 euros, 85 000 euros et 25 000 euros correspondent au règlement du prix de cession d'un bien immobilier détenu par la SCI AGL dont il est associé ;
- les sommes de 20 000 euros et 5 000 euros créditées les 6 et 7 décembre 2011 correspondent à la vente de mobiliers aux enchères ;
- la somme de 4 400 euros créditée le 24 mai 2011 correspond à la vente de biens aux collectionneurs consorts B... ;
- les sommes de 6 000 euros, 1 000 euros et 2 500 euros créditées les 21 mars, 14 avril et 17 juin 2011 correspondent à la vente de son logement détenu par la SCI Olisia ;
- les sommes de 4 800 euros et de 20 000 euros créditées le 1er avril et le 1er juillet 2011 correspondent à des " mouvements intra-familiaux " ;
- le chèque d'une valeur de 600 euros crédité le 31 août 2011 constitue un présent d'usage consenti par sa mère ;
- le chèque d'une valeur de 1 400 euros correspond à un prêt amical ;
- au titre de l'année 2013, les versements en espèces constituent des aides familiales en provenance de son père ;
- les chèques signés de M. B... correspondent à la vente de biens à ce collectionneur ;
- les virements émanant de la SCI AGL correspondent à des sommes détenues sur son compte courant d'associé ;
- le versement en espèces de 7 700 euros crédités le 27 juin 2013 provient de la vente de biens mobiliers.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mai 2023, 20 février 2024 et 26 mars 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., gérant et associé de plusieurs sociétés, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle (ESFP) portant sur les revenus perçus au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013 à l'issue duquel le service vérificateur lui a notifié, par quatre propositions de rectifications, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour les années 2011 à 2013. Les impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2012 ont fait l'objet d'une décision de dégrèvement total en date du 24 février 2017. Une deuxième réclamation du 26 décembre 2017 tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2013, a été rejetée par l'administration fiscale le 2 mai 2019. Par une requête du 3 juillet 2019, M. A... a demandé la décharge de l'ensemble des impositions supplémentaires auxquels il a été assujetti pour les années 2011 et 2013. Par une ordonnance n° 1914217 du 4 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a prononcé le rejet de cette requête. Par un arrêt n° 19PA03490 du 12 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Paris. Parallèlement, l'administration fiscale a rejeté le 18 juin 2020 une nouvelle réclamation contentieuse de M. A... qui a contesté cette décision par une seconde requête déposée devant le tribunal administratif de Paris. Par la présente requête, M. A... relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir joint les deux requêtes, a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2011 et 2013.
Sur le bien-fondé des impositions au titre de l'année 2011 :
2. En application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe au contribuable " à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à M. A..., régulièrement taxé d'office, d'établir le caractère exagéré des impositions auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011.
3. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus. Dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause.
4. En premier lieu, M. A... soutient que les sommes de 25 000 euros, 10 000 euros, 85 000 euros et 25 000 euros, créditées les 29 novembre 2011 et 12 décembre 2011 sur son compte bancaire personnel correspondent au règlement du prix de cession d'un bien immobilier détenu par la société civile immobilière (SCI) AGL dont il est associé. Pour justifier l'origine de ces sommes, M. A... produit les statuts de cette société, l'acte de vente du bien cédé pour la somme de 230 000 euros établi le 13 mars 2012 et précisant que la somme de 166 000 euros a été préalablement payée en dehors de la comptabilité de l'office notarial, une lettre de l'un des acquéreurs en date du 6 février 2012 récapitulant la dette de 166 000 euros due sur la vente, ainsi que la copie des quatre chèques émis par les trois acquéreurs à hauteur de sommes en litige
ci-dessus énoncées. Contrairement à ce que fait valoir l'administration, ces pièces constituent un faisceau d'indices suffisants et concordants pour établir l'origine et la nature de ces sommes portées au crédit du compte courant de l'intéressé à hauteur de 145 000 euros, sans que n'ait d'incidence la circonstance que M. A... ne démontrerait pas le paiement de l'intégralité de la somme de 166 000 euros ou qu'il aurait perçu les sommes en litige en lieu et place de la société. Les sommes en cause ne pouvaient par suite être imposées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.
5. En deuxième lieu, M. A... soutient que les sommes de 20 000 euros et 5 000 euros créditées les 6 et 7 décembre 2011 sur son compte bancaire personnel correspondent à la vente de biens mobiliers aux enchères. Il produit au soutien de ses allégations une lettre d'une étude de commissaires-priseurs du 2 août 2012 précisant que ses lots ont été enregistrés sous le n° 30143 et mentionnant notamment l'encaissement d'un chèque de 5 000 euros deux jours après la vente et d'un chèque de 2 000 euros. Il présente également la couverture du catalogue de la vente qui s'est tenue le 3 décembre 2011, une liste d'objets présentés ainsi que le résultat de la vente des lots mis aux enchères notamment sous le n° 30143 " vente Corse ". M. A... justifie ainsi l'origine et la nature des chèques émis à son profit par la SARL " Etudes de Provence " dans la limite de 5 000 euros et 2 000 euros et non de 20 000 euros ainsi qu'il le présente.
6. En troisième lieu, si M. A... soutient que la somme de 4 400 euros créditée le 24 mai 2011 provient de la vente de biens à des collectionneurs d'armes anciennes, les pièces produites au dossier et en particulier les deux attestations établies les 5 juillet 2011 et 27 octobre 2014 par M. B... qui se présente comme acquéreur de ce type de biens, ne permettent pas d'établir que la somme créditée sur son compte bancaire corresponde effectivement à une vente d'armes de collection, compte tenu des termes particulièrement imprécis dans lesquelles elles sont rédigées.
7. En quatrième lieu, pour justifier que les sommes de 6 000 euros, 1 000 euros et 2 500 euros créditées les 21 mars, 14 avril et 17 juin 2011 proviennent de la vente de son habitation principale détenue par la SCI Olisia, M. A... produit les statuts de la société dont il est associé à hauteur de 40 % avec son ex-compagne et sa mère, l'acte de vente de ce bien immobilier conclu le 8 novembre 2010 pour la somme de 415 000 euros dont 393 268 euros au bénéfice de la SCI, des remises de chèques datées mais non complétées pour deux d'entre elles et les relevés bancaires de la société Olisia. Si la concordance des dates des remises de chèques et les relevés bancaires de la SCI permettent de déterminer l'émetteur de ces versements, aucune de ces pièces ne permet en revanche d'établir que les sommes créditées sur le compte bancaire de l'intéressé correspondent effectivement à la vente de ce bien immobilier compte tenu de l'objet de cette société figurant dans ses statuts et dont les activités variées ne se sont pas limitées à la seule acquisition du bien immobilier cédé.
8. En cinquième lieu, M. A... soutient que les sommes de 4 800 euros et de 20 000 euros créditées le 1er avril et le 1er juillet 2011 lui ont été versées par son ex-compagne et correspondent à des " mouvements intra-familiaux ". Il fait notamment valoir que la somme de 4 800 euros correspond au remboursement d'assurance d'un véhicule qui lui a été reversé par son ex-compagne, dans la mesure où il avait pris en charge l'intégralité des frais des véhicules du couple avant leur séparation. D'une part, il résulte de l'instruction que l'intéressé a varié dans ses explications sur la provenance de ces sommes en indiquant devant l'administration qu'elles correspondaient à des acomptes perçus au titre de la vente du bien immobilier qu'il avait acquis avec son ex-compagne au travers de la SCI Olisia, puis devant les juges de première instance qu'elles correspondaient à une soulte en règlement du partage amiable de leurs biens communs. D'autre part, si les pièces produites en appel permettent d'identifier l'auteur des versements, la cause ou la nature de ces crédits bancaires reste indéterminée. En particulier, M. A... ne démontre ni la prise en charge financière des dépenses liées au véhicule objet d'un remboursement, ni le versement préalable de cette somme à son ex-compagne.
9. En dernier lieu, si l'intéressé soutient que le chèque d'une valeur de 600 euros crédité le 31 août 2011 constitue un présent d'usage consenti par sa mère, il ne le démontre pas dès lors que ce chèque a été émis par la SCI Bastia Sud. Enfin, il ne justifie pas davantage le prêt qui lui aurait été concédé par un ami par le versement de la somme de 1 400 euros créditée le 12 mai 2011 par la seule production d'une attestation et en l'absence de tout autre justificatif sur les modalités de ce prêt.
Sur le bien-fondé des impositions au titre de l'année 2013 :
10. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Les impositions en litige établis au titre de l'année 2013 ayant été notifiées selon la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, M. A... a en application des dispositions précitées de l'article L. 193 du même livre, la charge d'apporter la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste au titre de cette année.
11. En premier lieu, si M. A... soutient que les versements d'espèces crédités sur son compte bancaire les 25 avril, 7 mai et 20 septembre 2013 d'une valeur respective de 8 000 euros, 12 500 euros et 8 400 euros correspondent à des aides financières de son père, il ne produit aucun justificatif permettant de déterminer l'auteur des versements et l'origine de ces sommes.
12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus au point 6, les deux attestations produites au dossier établies par M. B... ne permettent pas d'établir que les sommes de 11 000 euros, 5 000 euros et 600 euros créditées sur le compte bancaire de M. A... les 2 janvier 2013 et 12 mars 2013 correspondraient effectivement à des ventes d'armes de collection.
13. En troisième lieu, l'intéressé soutient que le versement en espèces de 7 700 euros crédités le 27 juin 2013 correspond au produit de ventes aux enchères qui se sont tenues les 19 et 29 mai 2013. Il résulte des pièces du dossier et en particulier des bordereaux d'acquéreur établis à son profit le 14 juin 2013 par la SARL Prado Falque Enchères que ces ventes ont donné lieu à un paiement en espèces à hauteur de la somme globale de 7 240 euros. Compte tenu de ces justificatifs et de la concordance de date entre ces règlements et les encaissements d'espèces sur son compte personnel, M. A... justifie ainsi l'origine et la nature de ces crédits bancaires à hauteur de la somme ci-dessus mentionnée.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". L'octroi d'un avantage sans contrepartie doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens de ces dispositions, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet apparent et l'identité du destinataire, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause.
15. M. A... soutient que les sommes de 1 400 euros et 1 445,75 euros créditées les 18 janvier 2013 et 8 février 2013, constituent des mouvements depuis son compte courant d'associé détenu dans la SCI AGL vers son compte bancaire personnel. Pour justifier de ces sommes, il produit le détail de ce compte courant d'associés faisant apparaître au débit ces sommes payées par chèques les 20 janvier et 7 février 2013, un contrat de prêt entre la société MGL et la banque Record dont il indique avoir assuré le remboursement justifiant une somme figurant sur son compte courant d'associé le 3 septembre 2012, un ordre de virement de 2012 et un extrait de son compte bancaire personnel. Toutefois, aucune de ces pièces ne permet de justifier que les sommes en cause constitueraient des remboursements de dettes dont la société lui serait redevable par les apports financiers qu'il aurait personnellement consentis à son profit. Par ailleurs, dès lors que le compte courant d'associé n'est pas ouvert à son seul nom mais est un compte indivis dont les associés de la société sont titulaires, M. A... ne démontre pas que les sommes en litige lui reviendraient en propre.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris n'a pas réduit la base des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2011 d'une somme de 152 000 euros et au titre de l'année 2013 d'une somme de 7 240 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, dès lors que M. A... ne justifie pas avoir exposé des dépens dans la présente instance, ses conclusions tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Etat doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu de M. A... est réduite d'une somme de 152 000 euros au titre de l'année 2011 et de 7 240 euros au titre de l'année 2013.
Article 2 : Il est accordé à M. A... la décharge des impositions et des pénalités correspondant aux réductions de base d'imposition définies à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 25 janvier 2023 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF).
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 novembre 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01215