Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Par un jugement n° 2313286 du 3 avril 2024, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun, après avoir considéré à son article 1er qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle, a rejeté en son article 2 le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Lagrue, demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 3 avril 2024 ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 7 novembre 2023 ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil ou, à défaut, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, à la requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tiré de ce que, d'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la reconnaissance de la qualité de réfugié a un caractère recognitif et qu'elles font obstacle à l'éloignement de Mme A... dont la qualité de réfugiée a été reconnue par une décision n° 23057820 de la Cour nationale du droit d'asile en date du 20 juin 2024 et que, d'autre part, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, si elle devait être décidée par la Cour, entraînera l'annulation, par voie de conséquence, des décisions fixant un délai de départ volontaire de trente jours ainsi que le pays de destination.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne (République de Guinée) née le 14 septembre 2004, est entrée en France le 2 décembre 2022 selon ses déclarations afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juin 2023. Ayant constaté que Mme A... n'avait pas contesté cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Val-de-Marne, par un arrêté du 7 novembre 2023, l'a obligée à quitter le territoire français en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du même code, lui a octroyé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme A... fait appel du jugement du 3 avril 2024 en tant que le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président / (...) ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence (...) / [Elle] est accordée par la juridiction compétente ou son président (...), soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été statué ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui a sollicité l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle lors de l'enregistrement de sa requête d'appel, n'a accompli, depuis lors, aucune démarche auprès du bureau d'aide juridictionnelle en vue de la compléter. Dans ces circonstances, la situation d'urgence au sens de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 n'est pas caractérisée. Par suite, il n'y a pas lieu d'admettre à titre provisoire Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-6 de ce code : " Lorsque la qualité de réfugié (...) est reconnue (...) à un étranger ayant antérieurement fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative abroge cette décision. Elle délivre au réfugié la carte de résident prévue à l'article L. 424-1 (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'intervention de l'arrêté attaqué, la CNDA, saisie d'un recours contre la décision du directeur général de l'OFPRA du 30 juin 2023 rejetant la demande d'asile de Mme A..., lui a reconnu la qualité de réfugiée par une décision n° 23057820 du 20 juin 2024. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la suite de cette décision de la CNDA, la préfète du Val-de-Marne, qui n'a présenté aucune observation dans la présente instance, aurait abrogé l'obligation de quitter le territoire français contestée comme les dispositions précitées de l'article L. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le lui imposent. L'octroi de la qualité de réfugiée ayant un caractère recognitif qui est réputée rétroagir à la date d'entrée en France de Mme A..., soit, en l'espèce, à compter du 2 décembre 2022, la décision du 7 novembre 2023, par laquelle la préfète du Val-de-Marne a obligé la requérante à quitter le territoire français, est dépourvue de base légale et doit être annulée. Par voie de conséquence, les décisions fixant un délai de départ volontaire de trente jours ainsi que le pays de destination doivent également être annulées.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
8. L'exécution du présent arrêt qui annule l'arrêté du 7 novembre 2023 faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, implique seulement que le préfet du Val-de-Marne lui délivre, en application des dispositions précitées de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour, étant en outre relevé qu'en vertu des articles L. 613-6 et L. 424-1 du même code, il appartient à l'autorité préfectorale de tirer les conséquences de la décision précitée de la CNDA du 20 juin 2024 reconnaissant à Mme A... la qualité de réfugiée en délivrant à l'intéressée une carte de résident d'une durée de dix ans. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la requérante.
Sur les frais liés au litige :
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E:
Article 1er : Mme A... n'est pas admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2313286 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun du 3 avril 2024 et l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 7 novembre 2023 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer sans délai à Mme A... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la délivrance d'une carte de résident d'une durée de dix ans.
Article 4 : L'État versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01967