Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler deux arrêtés du 17 août 2021 par lesquels le préfet de police a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement avant dire droit du 8 octobre 2021, le tribunal administratif, a sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris se fût prononcé sur la nationalité de l'intéressé. Par un jugement n° RG 22/08225 du 11 janvier 2024, le tribunal judicaire de Paris s'est prononcé sur cette question.
Par un jugement n° 2117695 /6-3 du 21 février 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée les 21 mars 2024, M. A..., représenté par Me Loques, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 février 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir par la cour d'appel de Paris sur le contentieux de la nationalité ;
3°) d'annuler les arrêtés du 17 août 2021 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
La clôture de l'instruction a été fixée au 26 juillet 2024 par une ordonnance 25 juin 2024.
Les parties ont été informées le 19 septembre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le juge d'appel était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale, la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français trouvant sa base légale, non dans les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celles du 2° du même article.
Le préfet de police de Paris a produit des écritures le 18 octobre 2024 qui ne répondent pas au moyen d'ordre public et qui, enregistrées postérieurement à la clôture de l'instruction, n'ont pas été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure civile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 6 décembre 1945, a fait l'objet, d'une part, d'un arrêté du 17 août 2021 par lequel le préfet l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et fixé le pays de destination, d'autre part, d'un autre arrêté du même jour portant interdiction de retour en France pour une durée de 24 mois. M. A... fait appel du jugement du 21 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer :
2. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement avant dire droit du 8 octobre 2021, le tribunal administratif a sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris se fût prononcé sur la nationalité de M. A.... Par un jugement n° RG 22/08225 du 11 janvier 2024, le tribunal judicaire de Paris a débouté M. A... de sa demande tendant à voir qu'il est Français et a jugé qu'il n'est pas de nationalité française. Le requérant demande à ce que la cour sursoie à statuer " dans l'attente de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris sur le contentieux de la nationalité ".
3. Aux termes de l'article 126-15 du code de procédure civile qui figure dans son Titre V ter relatif à la procédure sur question préjudicielle de la juridiction administrative : " La juridiction statue à bref délai. Le jugement est rendu en premier et en dernier ressort. Le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours à compter de la notification du jugement ".
4. D'une part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le requérant aurait contesté le jugement du 11 janvier 2024 du tribunal judiciaire de Paris. D'autre part, ce jugement doit être regardé comme ayant été rendu en premier et dernier ressort et, contrairement à ce que soutient le requérant, la voie d'appel n'est pas ouverte. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 août 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de la décision attaquée, le préfet a notamment pris en compte le fait que le requérant est né le 6 décembre 1945 à Kolea, est de nationalité algérienne et ne peut justifier d'un titre de séjour pour se maintenir sur le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et dès lors que M. A... n'est pas de nationalité française ainsi que la jugé le tribunal judiciaire de Paris, que le préfet aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'une précédente mesure portant obligation de quitter le territoire français en date du 6 juin 2019 qui n'a pas été exécutée, que le requérant a été condamné à douze reprises entre 1972 et 2019 pour notamment des faits de vol, vol aggravé, vol avec violence, usurpation de la qualité de dépositaire de l'autorité publique, port prohibé d'arme. Par suite, eu égard à la gravité des faits reprochés, la répétition et le caractère récent des dernières condamnations, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public.
8. M. A... indique être entré en France en 1962 à l'âge de 16 ans avec sa famille et n'avoir jamais quitté le territoire français, qu'il a été en concubinage pendant 25 ans et qu'il a eu deux enfants devenus majeurs. Le requérant ne produit toutefois aucun élément de nature à démontrer l'intensité des liens qu'il aurait avec sa fratrie ou avec ses enfants. Il n'apporte également aucun élément démontrant une intégration personnelle en France. Par suite, et eu égard aux nombreuses condamnations sur plus de quarante ans, le requérant ne saurait uniquement se prévaloir de l'ancienneté de son séjour en France. Par suite, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
9. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait actuellement et personnellement exposé à un risque d'être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Algérie en se bornant à soutenir que sa famille a fui l'Algérie en 1962.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 août 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
13. Il ressort des termes mêmes des dispositions citées au point précédent que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
14. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
15. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans en procédant à l'examen d'ensemble de la situation de l'intéressé. En particulier l'arrêté attaqué indique la date d'entrée en France de l'intéressé, en 1962 selon ses déclarations, sa situation familiale, le fait qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait et que son comportement a été signalé par les services de police le 17 mars 2021. Le préfet de police, qui a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. A... et exposé de façon précise les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour, a suffisamment motivé cette décision au regard des exigences posées par les dispositions citées au point 12. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté.
16. Enfin, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation, à le supposer soulevé, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.
17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 août 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Emmanuel Laforêt, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
Le rapporteur,
E. LAFORETLe président,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01326 2