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14/11/2024 | FRANCE | N°23PA01527

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 14 novembre 2024, 23PA01527


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée F'errarie a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2015.



Par un jugement n° 2000815/1-2 du 14 février 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure

devant la Cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 avril 2023, 8 janvier 2024 et 8 avril ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée F'errarie a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2015.

Par un jugement n° 2000815/1-2 du 14 février 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 avril 2023, 8 janvier 2024 et 8 avril 2024, la société F'errarie, représentée par Me Krief, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 février 2023 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens.

Elle soutient que :

- les conséquences financières de la vérification de comptabilité sur le résultat d'ensemble du groupe ne lui ont pas été communiquées en méconnaissance de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le service a réintégré à son résultat le mali affecté à son droit au bail d'une boutique située avenue des Champs-Elysées à Paris dès lors que ce mali ne porte pas sur un actif de la société MG Girls transmis dans le patrimoine de la société F'errarie.

- l'enregistrement d'une provision pour dépréciation du droit au bail concernant des locaux situés rue Réaumur à Paris était justifié dès lors que la perte de valeur de ce droit était clairement identifiée à la clôture de l'exercice 2015 et qu'elle était nettement précisée quant à son montant ;

- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré n'est pas motivée, ni justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 octobre 2023, 22 mars 2024 et 12 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 8 septembre 2014 portant homologation du règlement de l'Autorité des normes comptables n° 2014-03 du 5 juin 2014 relatif au plan comptable général ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société F'errarie, qui exerce une activité de commerce de gros dans le secteur de l'habillement et des chaussures, est la société mère d'un groupe fiscalement intégré. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en sa qualité de société membre de ce groupe au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt au titre de l'exercice clos en 2015. Un avis de mise en recouvrement de ces impositions, émis le 15 avril 2019, a été notifié à la société F'errarie en tant que seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe dont elle fait partie. Après avoir vainement réclamé, la société F'errarie a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de ces impositions mises à sa charge. Elle fait appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article R*. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts ou de l'article 223 A bis du même code la société mère d'un groupe (...) qui s'est constitué seul redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats d'un groupe est amené à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'un ou de plusieurs membres du groupe, l'administration adresse à cette société mère (...), préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle ou il est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document ".

3. La société F'errarie soutient, pour la première fois en appel, qu'en méconnaissance des dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article R*. 256-1 du livre des procédures fiscales, les conséquences financières de la vérification de sa comptabilité en tant que société intégrée sur le résultat d'ensemble du groupe ne lui ont pas été communiquées en tant que société intégrante avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Toutefois, le ministre produit en appel la copie d'un courrier modèle 751 du 15 janvier 2019, adressé à la société requérante en sa qualité de " représentante et redevable de l'impôt sur les sociétés dû par le groupe fiscal intégré F'ERRARIE ", soit avant la mise en recouvrement intervenue le 15 avril 2019, par lequel le service indique lui transmettre " ci-joint : / - le tableau récapitulatif des rectifications maintenues chez la [société F'errarie en tant que membre du groupe fiscalement intégré] et les sanctions correspondantes, ainsi que la liste des rectifications maintenues chez celle-ci qui ont une incidence sur le résultat fiscal d'ensemble ", ce courrier étant accompagné d'une liste des rehaussements apportés aux résultats déclarés par la société F'errarie ainsi que d'un tableau retraçant les conséquences financières du contrôle de cette société. Si la société requérante fait valoir que les conséquences financières n'étaient pas effectivement annexées au courrier du 15 janvier 2019, elle n'établit cependant pas, alors qu'elle ne conteste pas avoir reçu ce courrier, qu'elle aurait accompli en vain les diligences nécessaires pour obtenir en temps utile une copie des conséquences financières supposées manquantes. Dans ces conditions, et alors même que le courrier d'information du 15 janvier 2019 ne fait pas explicitement mention des conséquences financières, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant justifié de l'envoi à la société contribuable des conséquences financières, étant relevé que la requérante a, en tant que société redressée, reçu une proposition de rectification datée du 10 avril 2017 comportant en annexe les conséquences financières du contrôle. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article R*. 256-1 du livre des procédures fiscales doit être, en tout état de cause, écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la remise en cause de la déduction d'un mali de fusion :

4. D'une part, aux termes de l'article 1844-5 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société (...) / (...) / En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation (...) ".

5. D'autre part, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes du 1 de l'article 39 de ce code, également rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ". Aux termes du 1 de l'article 210 A du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés / Il en est de même de la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation des actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit ou qui correspondent à ses droits dans la société absorbée / L'inscription à l'actif de la société absorbante du mali technique de fusion consécutif à l'annulation des titres de la société absorbée ne peut donner lieu à aucune déduction ultérieure / (...) ".

6. Enfin, une opération de dissolution par confusion de patrimoine entraîne la transmission à la société confondante de l'actif et du passif de la société confondue ainsi que l'annulation des titres de cette société détenus par la société confondante, en l'espèce inscrits à l'actif de la requérante pour une valeur de 525 497 euros. Lorsque cette opération est placée sous le régime de faveur de l'article 210 A du code général des impôts, la transmission de l'actif net de la société confondue est réalisée à la valeur comptable et l'éventuel boni de fusion correspondant à la différence positive entre la valeur comptable de l'actif net de la société confondue et la valeur comptable des titres annulés n'est pas imposable ; de même, l'éventuel mali technique ne peut donner lieu à déduction.

7. Il résulte de l'instruction que la société F'errarie a acquis le 31 janvier 2012 la totalité du capital de la société MG Girls avant de décider le 21 avril 2015 de procéder à sa dissolution sans liquidation avec effet rétroactif au 1er janvier 2015, la transmission universelle de patrimoine qui en a résulté étant placée sous le régime de faveur prévu à l'article 210 A du code général des impôts. Cette opération a donné lieu au constat par la société F'errarie d'un mali technique de fusion d'un montant de 3 270 679 euros qu'elle a comptabilisé à son actif le 21 avril 2015. Cette société, qui avait conclu le 30 mars 2012 un bail commercial relatif à une boutique située avenue des Champs-Elysées à Paris (8ème arrondissement) et qui avait inscrit à son actif un droit au bail correspondant pour une valeur comptable de 460 000 euros, a affecté la totalité du mali à ce droit au bail le 21 avril 2015. La société F'errarie a cédé le 9 janvier 2015 son droit au bail pour un prix de 11 500 000 euros, cette cession ayant été inscrite en comptabilité le 30 juin 2015.

8. Le vérificateur a tout d'abord considéré que le mali technique constaté comptablement comme une charge par la société contribuable n'est pas fiscalement déductible et aurait dû faire l'objet d'une réintégration extracomptable au motif que les dispositions précitées de l'article 210 A du code général des impôts font obstacle à ce que ce mali technique, inscrit à l'actif de la société F'errarie, société absorbante, résultant de l'annulation des titres de la société MG Girls, société absorbée dont l'actif net comptable était négatif à hauteur de 2 745 182 euros, puisse être fiscalement déduit du résultat de la société requérante, le service relevant en outre l'existence d'une plus-value latente de 11 040 000 euros, soit la différence entre 11,5 millions d'euros, prix de cession de ce droit au bail, et 460 000 euros, valeur comptable à laquelle ce droit était inscrit à son actif, puis a réintégré extra-comptablement la totalité du mali technique au résultat imposable de la société F'errarie au titre de l'exercice clos en 2015.

9. La société requérante soutient en appel que la somme en litige constitue, non pas un mali technique insusceptible de déduction en vertu des dispositions précitées de l'article 210 A du code général des impôts, mais en réalité une charge fiscalement déductible au sens des dispositions précitées de l'article 39 du même code au motif que, pour céder son droit au bail, elle a dû préalablement absorber la société MG Girls qui était, selon elle, co-titulaire du droit au bail et que, comme il a déjà été dit, cette opération d'absorption s'est soldée pour la société F'errarie par une perte de 3 270 679 euros, compte tenu de l'annulation des titres de la société absorbée, inscrits à l'actif de la société requérante pour 525 497 euros, et de la transmission d'un actif net comptable négatif à hauteur de 2 745 182 euros. Ce faisant, la société F'errarie n'établit toutefois pas que la charge en litige, résultant de la transmission universelle du patrimoine de la société MG Girls à son profit, aurait été engagée dans l'intérêt direct de l'entreprise et, par suite, serait déductible de ses résultats imposables dès lors qu'elle n'établit, ni même n'allègue, avoir vainement, au préalable, tenté de négocier la cession du droit au bail litigieux avec la société MG Girls, le cas échéant moyennant une indemnité d'éviction. En outre, il résulte de l'instruction qu'à la date de la transmission universelle de patrimoine, la société requérante était non seulement l'associée unique de la société MG Girls, mais encore que les deux sociétés avaient le même dirigeant. Par ailleurs, à supposer qu'en cause d'appel, la société requérante puisse être regardée comme soutenant, à titre subsidiaire, que le droit au bail lui a toujours appartenu, même après la sous-location qu'elle a consentie le 2 juillet 2012 à la société MG Girls, de sorte que cet élément d'actif n'aurait pas pu lui être transféré à l'occasion de la transmission universelle du patrimoine de la société MG Girls à son profit, une telle circonstance faisait en tout état de cause obstacle à ce qu'elle affecte le mali technique litigieux au droit au bail en cause. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a remis en cause la déduction du mali technique, puis a, en conséquence, rectifié la plus-value de cession déclarée, qu'il a ainsi portée de 7 769 321 euros à 11 040 000 euros.

S'agissant de la remise en cause d'une provision pour dépréciation d'un droit au bail :

10. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise.

11. Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2005, le plan comptable général, et notamment ses articles 214-16 et suivants, impose aux entreprises d'apprécier, à chaque clôture des comptes et à chaque situation intermédiaire, s'il existe un indice quelconque montrant qu'un ou plusieurs de leurs actifs ont pu perdre de leur valeur. Lorsqu'un tel indice existe, un test de dépréciation consistant à comparer la valeur nette du bien considéré et sa valeur actuelle doit être effectué afin de confirmer ou non la perte de valeur. En présence d'une telle perte de valeur, l'entreprise peut, le cas échéant, déprécier l'actif concerné en fonction de sa valeur actuelle.

12. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

13. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'exercice clos en 2015, la société F'errarie louait des locaux situés rue Réaumur à Paris (2ème arrondissement), à savoir un local commercial dont le bail a été renouvelé le 8 juin 2009 pour une durée courant du 13 janvier 2009 au 12 janvier 2018 et un ensemble de bureaux dont le bail a été conclu le 5 juillet 2012 pour une durée s'étendant du 1er août 2012 au 31 juillet 2021. A la date de clôture de cet exercice, la société F'errarie a comptabilisé une provision de 533 194 euros pour dépréciation du droit au bail concernant ces locaux, ce droit ayant été inscrit en comptabilité pour un montant de 693 795,48 euros. Le vérificateur a remis en cause la déductibilité de cette provision au motif que la perte de valeur de ce droit ne résultait pas d'événements en cours à la date de clôture de l'exercice en cause et qu'elle n'était pas nettement précisée dans son montant.

14. S'agissant du principe même de la provision, il n'est pas établi qu'au cours de l'exercice en litige, le bailleur aurait fait connaître à la société F'errarie son intention de ne pas renouveler les baux commerciaux afférents aux locaux situés rue Réaumur. Si la société F'errarie produit en appel, comme en première instance, un tableau retraçant l'évolution à la baisse, entre 2012 à 2015, du chiffre d'affaires hors taxes dégagé par l'exploitation de son fonds de commerce au sein du local commercial situé rue Réaumur, le ministre établit que la baisse du chiffre d'affaires et des résultats de l'exercice clos en 2015 résulte essentiellement d'une nette augmentation de ses charges d'exploitation alors qu'au cours des trois exercices précédents, la société F'errarie était parvenue à contenir ses charges malgré les variations de son chiffre d'affaires. Si la société requérante produit en appel, comme en première instance, des constats d'huissier de justice établissant la présence de plusieurs locaux vides ou à louer dans le voisinage de son local commercial, ces éléments, qui peuvent faire présumer une perte d'attractivité commerciale et un déclin économique du quartier où se situe le local commercial en litige, ne sont toutefois pas suffisants pour établir que la baisse du chiffre d'affaires de la société F'errarie serait nécessairement liée à la commercialité déclinante du quartier, dès lors que les commerces de vente en gros, comme en l'espèce celui exploité dans le local commercial en litige, sont moins concernés que les commerces de vente au détail. Enfin, si la société F'errarie établit qu'un fonds de commerce voisin de son local commercial, mis à prix à 40 000 euros, a été finalement adjugé 21 000 euros, il résulte de l'instruction que cette adjudication est intervenue le 29 juin 2018, soit à une date postérieure à la clôture de l'exercice en litige, et qu'en tout état de cause, le ministre indique, sans être contesté sur ce point, que la vente aux enchères est intervenue à la suite de la liquidation judiciaire de la société exploitant ce fonds de commerce et que cette société était déficitaire depuis 2009.

15. S'agissant de la détermination du montant de la provision, il résulte de l'instruction que la société F'errarie a pris en considération le bail concernant son local commercial venant à expiration le 12 janvier 2018, puis s'est fondée sur la période du bail restant à courir à la date de clôture de l'exercice 2015, soit vingt-cinq mois. Toutefois, la durée du bail restant à courir ne saurait constituer en soi un indice pertinent de la perte de valeur du droit au bail alors qu'en tout état de cause, la société requérante ne justifie pas qu'elle aurait pratiqué un test de dépréciation consistant à comparer la valeur nette du droit au bail et sa valeur actuelle.

16. Dans ces conditions, dès lors que la société F'errarie ne pouvait, au titre de l'exercice clos en 2015, constituer une provision pour dépréciation du droit au bail correspondant aux locaux situés rue Réaumur à hauteur du montant en litige, c'est à bon droit que le service a remis en cause cette provision sur le fondement des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts et a réintégré son montant dans le résultat imposable de la société F'errarie au titre de cet exercice.

En ce qui concerne les pénalités :

17. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable / (...) ". Ces dispositions imposent à l'administration d'énoncer les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'infliger une sanction fiscale.

18. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 10 avril 2017 adressée à la société F'errarie mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de la pénalité de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts au titre de l'année 2015. Par suite, alors que la régularité de la motivation ne dépend pas du bien-fondé des motifs, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de lui infliger cette pénalité n'est pas motivée.

19. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration ".

20. Pour justifier l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré à la rectification portant sur la déduction d'un mali technique, l'administration fiscale a relevé que la société F'errarie avait procédé à cette déduction interdite par les dispositions précitées de l'article 210 A du code général des impôts, alors que, par une délibération de son assemblée générale ordinaire en date du 21 avril 2015, elle avait expressément placé la transmission universelle de patrimoine, dont un mali technique a résulté, sous le régime de faveur prévu à cet article et que, ce faisant, elle avait généré un gain fiscal de 1 090 226 euros en matière d'impôt sur les sociétés et de 35 977 euros en matière de contribution sociale à cet impôt sur la plus-value dégagée à l'occasion de la cession, en 2015, du droit au bail concernant les locaux commerciaux situés avenue des Champs-Elysées. Dans ces conditions, et eu égard aux éléments exposés aux points 8 et 9 du présent arrêt, l'administration fiscale doit être regardée, contrairement à ce que soutient la société requérante, comme établissant la volonté délibérée de celle-ci d'éluder l'impôt. Par suite, la société F'errarie n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts en litige.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société F'errarie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société F'errarie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, la présente instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens à la charge de la société F'errarie, les conclusions présentées par cette dernière, sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du même code, afin de condamner l'Etat au paiement des dépens ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société F'errarie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée F'errarie et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01527
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;23pa01527 ?
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