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08/11/2024 | FRANCE | N°23PA00921

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 08 novembre 2024, 23PA00921


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... B... agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure A... B..., Mme K..., Mme E... B... épouse H... et M. C... I... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) André Grégoire à leur verser la somme totale de 697 840 euros en réparation des préjudices subis en raison du décès de Mme D... B... au sein de cet établissement.



Par un jugement n° 210

2985 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a condamné le CHI André Grégoire à ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure A... B..., Mme K..., Mme E... B... épouse H... et M. C... I... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) André Grégoire à leur verser la somme totale de 697 840 euros en réparation des préjudices subis en raison du décès de Mme D... B... au sein de cet établissement.

Par un jugement n° 2102985 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a condamné le CHI André Grégoire à verser à M. B... la somme de 38 000 euros en sa qualité d'ayant-droit de son épouse, la somme de 23 750 euros en sa qualité de représentant légal de son enfant et la somme de 23 750 euros en sa qualité de victime indirecte, à Mme I... la somme de 4 750 euros, à Mme B... épouse H... la somme de 2 090 euros et la somme de 4 750 euros à M. I....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2023, M. G... B..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure A... B..., et Mme E... B... épouse H..., représentés par Me Parastatis, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montreuil du

5 janvier 2023 en ce qu'il a limité le montant des indemnisations qui leur a été accordé ;

2°) de condamner le CHI André Grégoire à verser à M. G... B..., en sa qualité d'ayant droit de Mme D... B... la somme de 45 000 euros, en réparation de ses préjudices propres la somme de 85 000 euros et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, A... F..., la somme de 320 000 euros, sommes assorties des intérêts aux taux légal à compter de la décision à intervenir ;

3°) de condamner le CHI André Grégoire à verser à Mme E... B... épouse H... la somme de 10 000 euros, assortie des intérêts aux taux légal à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du CHI Angré Grégoire la somme de 15 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les préjudices qu'ils ont subis doivent faire l'objet d'une plus juste évaluation que celle qui a été effectuée par les juges de première instance ;

- la responsabilité du centre hospitalier n'est pas remise en cause, pas plus que l'ampleur de la perte de chance retenue de 95% ;

- les souffrances endurées par Mme B... doivent être indemnisées à hauteur de

45 000 euros ;

- le préjudice d'affection de M. B... doit être indemnisé à hauteur de 85 000 euros ;

- le préjudice d'affection de A... Mélyna doit être indemnisé à hauteur de

320 000 euros ;

- le préjudice de Mme B... épouse H... doit être indemnisé à hauteur de

10 000 euros ;

- les frais de funérailles de 2 200 euros doivent être remboursés à la succession de

Mme B....

Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2023, le centre hospitalier intercommunal André Grégoire et la société Relyens Mutual Insurance, représentés par la Sarl Le Prado-Gilbert, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- l'évaluation des souffrances endurées par Mme B... est excessive ;

- la demande de majoration du préjudice d'affection sera rejetée ;

- Mme B... épouse H... ne justifie d'aucun préjudice d'affection.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis qui n'a produit aucune écriture.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J...,

- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., enceinte depuis le 28 décembre 2017 a été suivie d'abord en Algérie, puis en France où elle est arrivée en juillet 2018. Le 22 septembre 2018, elle s'est présentée au service des urgences du centre hospitalier de Bondy à 15 heures 40 après avoir rompu la poche des eaux. Faute de place au sein de cet établissement, elle a été transférée au centre hospitalier intercommunal (CHI) André Grégoire de Montreuil le 23 septembre à

18 heures 45. Il a été décidé à son arrivée, compte tenu de l'avancement du travail, de procéder à un déclenchement avec mise en place de Syntocinon et pose d'une péridurale. Le 24 septembre à 12 heures 44, Mme B... a débuté les efforts expulsifs qui n'ont pas permis l'engagement du fœtus. Il a alors été décidé de procéder à une césarienne à 12 heures 59. Mme B... a donné naissance à une petite fille à 13 heures 19, A... Mélyna. A 15 heures 10, soit près de deux heures après l'intervention, il a été constaté des saignements avec d'importants caillots et une chute de la tension de Mme B.... Elle a en conséquence reçu deux culots globulaires à

15 heures 30 et 15 heures 56. A 16 heures, il a été pratiqué une exploration par voie basse sous anesthésie générale pour réalisation d'une révision utérine au cours de laquelle les déchirures constatées ont été suturées. Mme B... a bénéficié d'une transfusion sanguine et de plasma. Alors que cette intervention était terminée depuis quinze minutes, une récidive des métrorragies a été constatée à 18 heures 30. Une deuxième intervention a été réalisée à 18 heures 45 par voie haute au cours de laquelle il a été procédé à une ligature des artères hypogastriques et une suture du trait de refend et d'une déchirure vaginale. Mme B... a, une nouvelle fois, bénéficié d'une transfusion sanguine et de plasma. A 22 heures 15, elle a été admise en réanimation, consciente. Le 25 septembre 2018 vers 1 heure, Mme B... a présenté une tachycardie jusqu'à 180 battements par minute. Une échographie et une numération globulaire ont été effectuées sans montrer d'anomalies. A 2 heures 30 un nouveau bilan sanguin a été effectué qui a fait suspecter une récidive de l'hémorragie. A 2 heures 50, Mme B... a présenté un arrêt cardio-respiratoire. Malgré une réanimation intensive et une transfusion massive, Mme B... est décédée à

4 heures 05.

2. L'époux de Mme B..., M. G... B..., sa mère, son frère, sa sœur et sa belle-sœur, Mme B... épouse H..., ont saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France qui a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été remis le 6 novembre 2019. Par un avis du 16 janvier 2020, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux a estimé que la responsabilité du CHI André Grégoire était engagée et qu'il devait indemniser les préjudices subis par les consorts B... à hauteur de 95%. Faute d'accord avec l'assureur de l'établissement, ces derniers ont saisi le tribunal administratif de Montreuil le 3 mars 2021 qui, par un jugement du 5 janvier 2023 a condamné le centre hospitalier à leur verser la somme totale de 97 090 euros. M. B... et Mme B... épouse H... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de l'indemnisation de leurs préjudices extra patrimoniaux.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

3. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, et non contestés par le CHI André Grégoire de retenir que ce dernier a commis une faute dans la prise en charge de la complication hémorragique post opératoire de césarienne de Mme B... et que cette faute lui a fait perdre une chance de survie de 95%.

4. M. B... et Mme B... épouse H... contestent l'évaluation qui a été faite par les premiers juges afin d'indemniser les souffrances endurées par Mme D... B... avant son décès ainsi que le préjudice d'affection de M. B... et de sa fille A... et l'absence d'indemnisation du préjudice subi par Mme B... épouse H..., belle-sœur de la défunte.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que les souffrances endurées par Mme D... B... entre la réalisation de la césarienne à 13 heures 19, le 24 septembre 2018 et son décès à 4 heures 05, le 25 septembre 2018, doivent être évaluées à 7 sur une échelle allant de 0 à 7. Compte tenu de l'importance des souffrances endurées par Mme B..., il en sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme totale de 40 000 euros, soit 38 500 euros après application du taux de perte de chance de 95%.

6. En deuxième lieu, compte tenu des conditions dans lesquelles le décès de Mme B... est survenu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par

M. G... B..., son époux, en l'évaluant à la somme de 30 000 euros, soit 28 500 euros après application du taux de perte de chance.

7. En troisième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par la fille de Mme B..., A..., qui a perdu sa mère à la suite de sa naissance, en l'évaluant à la somme de 35 000 euros, soit 33 250 euros après application du taux de perte de chance.

8. En dernier lieu, Mme B... épouse H... se prévaut d'un préjudice, qu'elle ne qualifie pas, lié au fait qu'elle élève la petite A... pendant que M. B... travaille et qu'elle bénéfice d'une délégation d'autorité parentale sur l'enfant avec laquelle elle a noué un lieu affectif. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... épouse H... s'occuperait effectivement de A... depuis sa naissance. Aucun préjudice lié à la nécessité de garder la petite fille n'est établi. Par ailleurs, comme l'ont relevé les premiers juges, Mme B... épouse H... ne se prévaut pas d'un préjudice d'affection lié au décès de sa belle-sœur mais se borne à évoquer les liens affectifs qu'elle a noués avec sa nièce. Par suite, aucune indemnisation ne lui sera accordée en réparation de ce poste de préjudice.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les sommes que le CHI André Grégoire est condamné à verser à M. B... doivent être portées à 38 500 euros, au titre de la réparation des souffrances endurées par Mme D... B..., à 28 500 euros au titre de la réparation de son préjudice d'affection et à 33 250 euros au titre de la réparation du préjudice d'affection de sa fille A... et que le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure.

Sur les intérêts :

10. Les sommes mises à la charge du CHI André Grégoire au profit de M. B... doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2023, date du jugement du tribunal administratif de Montreuil.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHI André Grégoire la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le centre hospitalier intercommunal André Grégoire est condamné à verser à

M. B... une somme de 38 500 euros en réparation des souffrances endurées par son épouse, une somme de 28 500 euros en réparation de son préjudice d'affection et une somme de 33 250 euros en réparation du préjudice d'affection de sa fille mineure A.... Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2023.

Article 2 : Le jugement n°2102985 du 5 janvier 2023 du tribunal administratif de Montreuil est reformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal André Grégoire versera une somme de

1 500 euros à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B..., à Mme E... B... épouse H..., au centre hospitalier intercommunal André Grégoire et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Julliard, présidente,

Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

La rapporteure,

Mélanie J...

La présidente,

Marianne JULLIARD

La greffière,

Nassima DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00921


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00921
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Mélanie PALIS DE KONINCK
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23pa00921 ?
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