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31/10/2024 | FRANCE | N°23PA03546

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 31 octobre 2024, 23PA03546


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Europe services déchets a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le contrat passé entre l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et la société Sepur au titre du lot n° 5 du marché relatif à la collecte en porte-à-porte des déchets ménagers et assimilés, d'enjoindre avant dire droit à l'établissement public territorial de lui communiquer les pièces mentionnées dans l'avis du 7 juin 2022 émis par la commission d'accès aux d

ocuments administratifs et de condamner cet établissement à lui verser la somme de

2 766 784,3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europe services déchets a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le contrat passé entre l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et la société Sepur au titre du lot n° 5 du marché relatif à la collecte en porte-à-porte des déchets ménagers et assimilés, d'enjoindre avant dire droit à l'établissement public territorial de lui communiquer les pièces mentionnées dans l'avis du 7 juin 2022 émis par la commission d'accès aux documents administratifs et de condamner cet établissement à lui verser la somme de

2 766 784,32 euros au titre du préjudice subi du fait de son éviction illégale de ce marché.

Par un jugement n° 2203703,2210660 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction et a rejeté le surplus des demandes de la société Europe services déchets.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 août 2023, 10 juin, 1er et 8 juillet et

6 et 23 août 2024, la société Europe services déchets (ESD), représentée par la SELARL Cabinet Cabanes avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'enjoindre, avant dire droit, à l'établissement public territorial Grand-Orly

Seine Bièvre de produire le rapport d'analyse des offres, la fiche achat et le document

" estimation ", relatifs à la valeur estimée du marché 2100034-038 ;

3°) d'annuler, ou à défaut de résilier, le marché conclu entre l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et la société Sepur ;

4°) de condamner l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi en raison de son éviction illégale de ce marché en lui versant une somme de 2 766 784,32 euros assortie des intérêts de retard à compter de la réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et de la société Sepur une somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur la demande présentée contre la société Sepur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- il est irrégulier en ce qu'il n'a pas analysé son mémoire enregistré le 27 mai 2023 ;

- il est irrégulier en ce qu'il a écarté de manière insuffisamment motivée son moyen tiré de ce que la société Sepur n'avait pas justifié de la régularité de sa situation au regard de la lutte contre l'emploi irrégulier de travailleurs étrangers ;

- il est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas exercé son pouvoir d'instruction en ne demandant pas la communication des pièces qu'elle sollicitait ;

- la commission d'appel d'offres a été irrégulièrement convoquée, était irrégulièrement composée, et le contexte contentieux relatif à l'emploi d'étrangers en situation irrégulière par la société Sepur lui a été volontairement caché ;

- il n'est pas établi que la liste nominative des salariés étrangers employés et soumis à autorisation de travail produite par la société Sepur date de moins de six mois ;

- elle a été transmise après le rejet de son offre ;

- elle comporte des renseignements erronés ;

- l'utilisation de centièmes par la méthode de notation crée artificiellement des écarts entre candidats ;

- le pouvoir adjudicateur a défini ses attentes en fonction de l'offre de la société Sepur pour la favoriser ;

- l'appréciation portée sur son offre est entachée d'erreur manifeste s'agissant des

sous-critères relatifs à l'organisation de chaque prestation tenant compte des procédures et modalités organisationnelles, de la continuité du service, des modalités de contrôle qualité durant la collecte et de moyens techniques affectés à l'exécution du marché en matière de communication et de remontée d'informations ;

- l'établissement public territorial a modifié ses attentes relatives à la gestion des rendez-vous pour la collecte des encombrants ;

- il ne pouvait dégrader sa note relative au sous-critère " moyens techniques affectés à l'exécution du marché en matière de communication et de remontée d'informations " en raison d'un manque de précisions sur les logiciels de GMAO et de stock de pièces, qui n'ont pas de rapport avec l'objet du sous-critère ;

- au regard de son taux de marge, elle est fondée à demander à être indemnisée à hauteur de 2 766 784,32 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 19 mars, 21 juin et 13 août 2024, l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre, représenté par la SELAS Seban et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société ESD une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les irrégularités invoquées relatives à la commission d'appel d'offres ne sont pas susceptibles d'avoir exercé une influence sur le consentement du pouvoir adjudicateur, et donc sur l'attribution du marché, et ne sont dès lors pas susceptibles d'avoir lésé la société ESD ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 juillet 2024 et 1er août 2024, la

société Sepur, représentée par la SELARL Drai associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société ESD une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société ESD ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pezin, représentant la société Europe services déchets, Me Larmet substituant Me Gauch, représentant l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre, et Me Margaroli substituant Me Drai, représentant la société Sepur.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis publié le 12 mai 2021 au Journal officiel de l'Union européenne, l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un accord-cadre portant sur la collecte en porte-à-porte des déchets ménagers et assimilés, décomposé en cinq lots géographiques. Par un courrier du 17 décembre 2021, le président de l'établissement public a informé la société Europe services déchets (ESD) que son offre portant sur le lot n° 5 avait été classée en seconde position par la commission d'appel d'offres et que ce marché serait attribué à la société Sepur. Par un courrier du 19 janvier 2022, il l'a informée que la commission d'appel d'offres s'était de nouveau réunie en raison d'une erreur entachant le rapport d'analyse des offres et que son offre restait classée en seconde position. Par un courrier réceptionné le 2 septembre 2022 par l'établissement public territorial, cette société a demandé à être indemnisée à hauteur de 2 766 784,32 euros en raison du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de son éviction irrégulière de ce marché. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation du marché relatif au lot n° 5 et à la condamnation de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre à l'indemniser du préjudice que lui aurait causé son éviction irrégulière.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance de la demande enregistrée sous le n° 2203703 que la société ESD a présenté, dans ce dossier, une demande tendant à ce que soit mise à la charge de la société Sepur une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à laquelle le tribunal a omis de répondre.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) ".

4. Dans le dossier de première instance enregistré sous le n° 2210660, la société ESD a produit un mémoire enregistré le 27 mai 2023, avant la clôture de l'instruction, qui a été visé sans être analysé par le jugement attaqué. Le tribunal a toutefois répondu, dans ses motifs, au nouveau moyen qui y était présenté, et n'a ainsi pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

6. Il ressort du dossier de première instance enregistré sous le n° 2210660 que la société ESD a soulevé un moyen tiré de ce que la société Sepur n'avait pas justifié de la régularité de sa situation au regard de " la lutte contre l'emploi d'étrangers ". En écartant ce moyen au motif qu'il n'était pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, le tribunal a suffisamment motivé son jugement.

7. En dernier lieu, la seule circonstance que le tribunal n'a pas fait droit à la mesure d'instruction sollicitée par la société ESD tendant à la communication de nombreuses pièces, dont certaines lui ont au demeurant été communiquées, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant seulement qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la société ESD dirigées contre la société Sepur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement, par voie d'évocation, sur ces conclusions, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions.

Sur le bien-fondé du surplus du jugement :

En ce qui concerne la contestation de la validité du contrat :

9. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

S'agissant de la procédure devant la commission d'appel d'offres :

10. Aux termes de l'article L. 1414-12 du code général des collectivités territoriales : " Pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée dont la valeur estimée hors taxe prise individuellement est égale ou supérieure aux seuils européens qui figurent en annexe du code de la commande publique, à l'exception des marchés publics passés par les établissements publics sociaux ou médico-sociaux, le titulaire est choisi par une commission d'appel d'offres composée conformément aux dispositions de l'article L. 1411-5 (...) ". Aux termes du II de l'article L. 1411-5 du même code : " II.-La commission est composée : / a) Lorsqu'il s'agit (...) d'un établissement public, par l'autorité habilitée à signer la convention (...) ou son représentant, président, et par cinq membres de l'assemblée délibérante élus en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste (...) / Le quorum est atteint lorsque plus de la moitié des membres ayant voix délibérative sont présents ".

11. D'une part, si la société ESD soutient que la commission d'appel d'offres qui s'est réunie le 13 janvier 2022 était irrégulièrement composée, il résulte de l'instruction que le quorum de quatre membres était atteint et que son président avait, par un arrêté du 21 septembre 2020, reçu délégation du président de l'établissement public territorial de Grand-Orly Seine Bièvre pour assurer la présidence de la commission d'appel d'offres. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission d'appel d'offres était irrégulièrement composée n'est pas fondé, comme l'a d'ailleurs admis la société ESD en première instance.

12. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les modalités de convocation des membres de la commission d'appel d'offres auraient été irrégulières, la société ESD n'indiquant d'ailleurs pas quels textes auraient été méconnus. En tout état de cause, les vices tirés du délai de convocation et du défaut de mention de l'objet de la réunion ne peuvent être utilement invoqués dès lors qu'ils ne sont pas d'une particulière gravité. Si la société ESD soutient également que le contexte relatif à l'emploi d'étrangers en situation irrégulière par la société Sepur aurait dû être porté à la connaissance des membres de la commission, elle se borne à produire des articles de journaux, lesquels n'avaient pas à être communiqués et n'étaient au demeurant pas susceptibles d'avoir une incidence sur la recevabilité de la candidature de la société Sepur. Dans ces conditions, aucun défaut d'information susceptible d'affecter les modalités selon lesquelles l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a donné son consentement ou de nature à mettre en cause son impartialité n'est de nature à entacher la validité du contrat en litige.

S'agissant de la recevabilité de la candidature de la société Sepur :

13. D'une part, l'article 6.3 5° du règlement de la consultation prévoyait : " En application de l'article D. 8254-2 du Code du travail, l'entrepreneur devra produire la liste nominative des salariés étrangers employés et soumis à autorisation de travail. Cette liste établie à partir du registre unique du personnel, précise pour chaque salarié sa date d'embauche, sa nationalité et le type et le numéro d'ordre du titre valant autorisation de travail ". Aux termes de l'article D. 8254-2 du code du travail : " La personne à qui les vérifications prévues à l'article L. 8254-1 s'imposent se fait remettre, par son cocontractant, lors de la conclusion du contrat, la liste nominative des salariés étrangers employés par ce dernier et soumis à l'autorisation de travail prévue à l'article L. 5221-2. / Cette liste, établie à partir du registre unique du personnel, précise pour chaque salarié : / 1° Sa date d'embauche ; / 2° Sa nationalité ; / 3° Le type et le numéro d'ordre du titre valant autorisation de travail ".

14. D'autre part, aux termes de l'article R. 2144-7 du code de la commande publique : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. / Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des candidatures recevables ou des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables ". La date de transmission de ces pièces est sans incidence sur la régularité de la procédure, pour autant qu'elle intervienne avant la signature du contrat.

15. En premier lieu, par un courrier du 2 février 2022, l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a demandé à la société Sepur de lui transmettre une liste des salariés étrangers qu'elle emploie, datant de moins de six mois. L'intéressée lui a transmis cette liste le même jour. Si la société ESD soutient qu'il n'est pas établi que cette liste datait de moins de six mois, ses allégations sont contredites par les dates d'embauche de certains des salariés qui y sont mentionnés, correspondant pour la plus récente au 31 janvier 2022.

16. En deuxième lieu, il ressort de l'avis d'attribution du marché en litige qu'il a été conclu le 16 février 2022, postérieurement à la transmission, par la société Sepur, de la liste des salariés étrangers qu'elle emploie. Par suite, la société ESD ne peut utilement se prévaloir de ce que cette liste a été transmise après le rejet de son offre, dont elle a été informée par un courrier du 19 janvier 2022.

17. En dernier lieu, si la société ESD produit des articles de journaux montrant que la société Sepur a été confrontée, antérieurement à l'attribution du marché, à des grèves de salariés en situation irrégulière et que cette dernière a admis avoir eu recours à des salariés intérimaires ayant usurpé des titres de séjour en cours de validité qui avaient été validés par la préfecture, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la liste de salariés qu'elle a transmise le

2 février 2022 comporterait des renseignements erronés.

S'agissant de la méthode de notation des offres :

18. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Toutefois, une méthode de notation est entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est, par elle-même, de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Cette méthode de notation n'a pas à être communiquée aux candidats.

19. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation de centièmes pour noter la valeur technique des offres, qui n'avait pas à être portée à la connaissance des candidats, ait été de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération.

20. D'autre part, la comparaison de la valeur technique respective des offres permettant d'attribuer la meilleure note à la meilleure offre, la circonstance que la société ESD ne se soit pas vu attribuer, sur certains sous-critères, la note maximale, au motif que l'offre de la société Sepur lui était supérieure, n'est pas de nature à révéler une volonté de favoriser l'offre de cette dernière, qui a d'ailleurs obtenu une note totale inférieure à celle de la société ESD pour le critère de la valeur technique.

S'agissant de la définition et de l'appréciation du critère de la valeur technique :

21. La valeur technique des offres, notée sur 45 points, était subdivisée en quatre sous-critères, relatifs à l'organisation générale de la prestation sur 22,5 points, aux moyens matériels sur 4,5 points, aux moyens humains sur 9 points et à la qualité sécurité sur 9 points. Le premier de ces sous-critères était lui-même subdivisé en trois sous-critères relatifs à l'organisation de chaque prestation tenant compte des procédures et modalités organisationnelles sur 15 points, la continuité du service sur 5 points et les modalités de contrôle qualité sur 2,5 points.

22. S'agissant de l'organisation de chaque prestation tenant compte des procédures et modalités organisationnelles, si la société ESD soutient que son offre comportait, pour chaque secteur de collecte des déchets et pour chaque flux de déchets, des informations chiffrées, il ne résulte pas de l'instruction que, conformément au règlement de la consultation, elle donnait des informations relatives à la méthodologie utilisée pour le dimensionnement des collectes, permettant de justifier du nombre de sorties de bennes en fonction des jours, des secteurs et des flux de déchets. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction qu'en retenant que l'offre de la société ESD ne comportait pas de trace écrite sur son engagement quant aux délais de réponse aux rendez-vous pris pour l'enlèvement des objets encombrants, le pouvoir adjudicateur ait modifié ses attentes, la circonstance qu'il fixe lui-même les dates de ces rendez-vous, à la suite de l'appel des administrés, n'étant pas de nature, à elle seule, à garantir l'enlèvement effectif des encombrants dans un délai de sept jours à compter de ces appels, comme l'exige le cahier des clauses techniques particulières du marché. En outre, la seule mention, dans l'offre de la société ESD, du nombre de rendez-vous réalisés par semaine pour chaque commune ne permettait pas d'appréhender la manière dont la candidate entendait honorer dans les délais requis l'ensemble des rendez-vous fixés par l'établissement public territorial. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'offre de la société ESD permettait d'apprécier l'optimisation du remplissage de ses véhicules, rendant inutile la production d'un récapitulatif sur cette question, et le défaut de production d'un tel récapitulatif a en tout état de cause également été retenu à l'encontre de la société Sepur et n'a, dès lors, pas été de nature à affecter le classement de l'offre de la société ESD.

23. S'agissant de la continuité du service, il ressort de l'extrait du mémoire technique produit par la société ESD que l'étape de la réception de la réclamation formée par la collectivité ne comportait pas de précisions quant à l'interlocuteur à contacter et à ses coordonnées par courrier électronique ou téléphone. De même, aucune précision n'était apportée quant aux véhicules disponibles et à leur localisation en cas de défaillance des véhicules utilisés par la société ESD, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle recoure à un contrat de maintenance.

24. S'agissant des modalités de contrôle qualité durant la collecte, il ne résulte pas de l'instruction que l'offre de la société ESD comportait des informations sur les modalités de contrôle qualité de déchets présentant des spécificités, tels les objets encombrants. En outre, si le rapport d'analyse des offres mentionne, à tort, qu'elle n'a proposé aucune solution d'amélioration dans le cadre des contrôles qualités effectués, les extraits de son mémoire technique montrent que ces solutions ne portaient pas ou peu sur l'amélioration de ses prestations, dans le cadre de l'autocontrôle exigé par l'article 8.4 du CCTP.

25. Enfin, s'agissant du sous-critère relatif aux moyens matériels et, au sein de celui-ci, aux moyens techniques affectés à l'exécution du marché en matière de communication et de remontée d'informations, si la société ESD soutient que l'établissement public territorial

Grand-Orly Seine Bièvre ne pouvait dégrader sa note en raison d'un manque de précisions sur les logiciels de gestion de la maintenance assistée par ordinateur et de stock de pièces dès lors qu'il n'est pas établi que ces logiciels présentent un rapport avec le sous-critère en cause, qui concerne la communication avec la collectivité, cette erreur, qui n'a pu avoir une incidence supérieure à 0,19 point sur l'appréciation de la valeur technique de l'offre de la société ESD, n'est en tout état de cause pas de nature à avoir eu une incidence sur le choix de l'attributaire du marché, compte tenu de l'écart de 0,62 point entre la note totale de 94,59 points obtenue par la société Sepur et celle de 93,97 obtenue par la société ESD.

En ce qui concerne la demande d'indemnisation :

26. Il résulte de ce qui précède que les vices entachant le contrat en litige allégués par la société ESD ne sont pas la cause directe de son éviction. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre à l'indemniser ne peuvent qu'être rejetées.

27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'enjoindre avant dire droit à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre de transmettre les pièces sollicitées par la société ESD, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Sur la demande présentée, devant le tribunal, contre la société Sepur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. La société Sepur n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme demandée par la société ESD sur ce fondement.

Sur les frais du litige :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et de la société Sepur, qui ne sont pas parties perdantes, les sommes que demande la société ESD sur son fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ESD la somme totale de 3 000 euros à verser à hauteur de 1 500 euros à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et à hauteur de 1 500 euros à la société Sepur, au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2203703,2210660 du 15 juin 2023 du tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la société ESD dirigées contre la société Sepur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Les conclusions de la société ESD dirigées contre la société Sepur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et sa requête devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La société ESD versera une somme de 1 500 euros à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et de 1 500 euros à la société Sepur sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Europe services déchets, à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et à la société Sepur.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente de chambre,

Mme Bruston, présidente-assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03546
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;23pa03546 ?
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