Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 du préfet de police de Paris, en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2309256/5-1 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 31 juillet 2023 sous le n° 23PA03471,
Mme A... B..., représentée par Me Place, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour sur laquelle elle se fonde, et qui en constitue la base légale ; elle est fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre, lequel est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il est fondé non pas sur les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, mais sur les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement aux mentions de l'avis du collège de médecins de l'OFII, une absence de prise en charge de sa pathologie aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et aucun traitement n'est disponible dans son pays d'origine, ce qu'avait reconnu ce collège lors de ses précédentes demandes de titres de séjour ; le refus de titre est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requérante n'est pas recevable à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour, lequel est devenu définitif faute d'avoir été contesté en première instance ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 31 juillet 2023 sous le n° 23PA03482 et des pièces complémentaires enregistrées le 4 août 2023, Mme A... B..., représentée par Me Place, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n°2309256/5-1 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris.
Elle soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont satisfaites.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston, présidente-rapporteure,
- et les observations de Me Chinouf substituant Me Place, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 23PA03471 et n° 23PA03482 présentées par Mme B... étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Mme A... B..., ressortissante algérienne née le 13 novembre 1989, est entrée en France le 30 mai 2019 selon ses déclarations. Elle a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étranger malade, dont le dernier était valable jusqu'au 6 décembre 2022. Le 26 octobre 2022, elle sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 31 mars 2023, le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance du titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français.
Sur la requête n° 23PA03471 :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes de l'article R. 611-2 du même code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ".
4. Dans son avis rendu le 23 mars 2023, dont le préfet de police s'est approprié les termes, le collège de médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une hypertension inter crânienne par sténose de sinus latéraux. Pour établir qu'un défaut de prise en charge de sa pathologie aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle produit un certificat médical daté du
23 mai 2023 établi par le praticien hospitalier de l'hôpital Lariboisière qui la suit, faisant état de ce que cette pathologie complexe présente une suspicion de brèche méningée, que plusieurs interventions ont eu lieu, que des explorations sont en cours, et qu'il existe potentiellement un risque de méningite avec un pronostic sévère et enfin, que sa pathologie peut également s'accompagner de signes visuels avec dans certains cas, un risque de perte complète de la vision. Ce certificat précise par ailleurs que la prise en charge de cette pathologie nécessite un suivi pluridisciplinaire complexe en milieu spécialisé. Mme B... produit également un certificat médical daté du 21 octobre 2022 d'un praticien hospitalier du centre des urgences céphalées de l'hôpital Lariboisière mentionnant que sa pathologie nécessite " une prise en charge et un suivi très régulier pluridisciplinaire (neuroradiologique, neurologique, ophtalmologique) à l'hôpital Lariboisière sur une durée d'au moins cinq ans ". Les termes de ces deux certificats sont de nature à établir qu'un défaut de prise en charge de la pathologie de l'intéressée aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, cette dernière produit également un certificat médical daté du 24 février 2021 établi par un médecin du service de neurochirurgie du CHU de Bejaia qui précise que la procédure de traitement neurovasculaire nécessaire à son traitement n'est pas disponible dans les structures hospitalo-universitaires en Algérie, ainsi qu'un certificat médical du 17 novembre 2022 d'un praticien de l'hôpital Lariboisière qui précise qu'elle est suivie dans le service pour des soins nécessitant une prise en charge qui ne peut être faite dans son pays d'origine. Mme B... établit ainsi qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, elle ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être accueilli.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Elle est par suite fondée à en demander l'annulation ainsi que celle de l'arrêté du 31 mars 2023 du préfet de police de Paris en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
7. L'annulation de la décision du 31 mars 2023 par laquelle le préfet de police a obligé Mme B... à quitter le territoire français implique que ce préfet procède au réexamen de la situation de l'intéressée et prenne une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Cette annulation implique également que le préfet de police lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour.
En ce qui concerne les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Mme B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 23PA03482 :
9. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement du jugement n°2309256/5-1 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 23PA03482 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA03482 de Mme B....
Article 2 : Le jugement n° 2309256/5-1 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 31 mars 2023 du préfet de police de Paris en tant qu'il a obligé Mme B... à quitter le territoire français sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme. Bruston, présidente-assesseure,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
S. BRUSTONLa présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03471, 23PA03482 2