Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2305820 du 22 décembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2024, et un mémoire, enregistré le 26 septembre 2024, non communiqué, M. A..., représenté par Me Vignola, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 de la préfète du Val-de-Marne ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour ;
5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Vignola en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour au titre de l'asile :
- la décision attaquée est entachée d'incompétence ;
- la décision attaquée est entaché d'un défaut de base légale, en ce qu'elle vise des dispositions des articles L. 314-11 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inapplicables aux faits de l'espèce ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation matérielle et d'insuffisance de motivation quant à sa vie privée et familiale et sa situation professionnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- l'auteur de cette décision n'est pas compétent ;
- la décision attaquée est entachée d'un défaut de base légale, dès lors que l'arrêté ne vise pas les articles applicables et pertinents du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme l'indique le jugement qui pourtant n'admet pas le défaut de base légale ; par suite, le jugement doit également être annulé en ce qu'il comporte des motifs contradictoires ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en ne tenant pas compte des conséquences de l'éloignement sur sa vie privée et familiale, compte-tenu de son homosexualité et de la répression de l'homosexualité dans son pays d'origine, le jugement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ordonnance du 10 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2024 à 12 heures.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas présenté d'observations.
Par une décision en date du 7 octobre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25%.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Delage a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant ivoirien né le 25 août 1993 à Abidjan (Côte d'Ivoire), est entré sur le territoire français afin d'y solliciter l'asile. Le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par une décision du 31 octobre 2022, confirmée le 6 avril 2023 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 2 mai 2023, la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 22 décembre 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision en date du 7 octobre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Il suit de là que les conclusions du requérant tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne le moyen commun tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté :
3. Pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté, qu'il n'a d'ailleurs examiné au fond qu'au regard de la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il avait rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre le refus de délivrance d'un titre de séjour, le juge de première instance s'est fondé sur la circonstance que, par un arrêté n° 2022/02671 du 25 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 23 du même jour, la préfète du Val-de-Marne avait donné à Mme C... B..., directrice des migrations et de l'intégration, délégation de signature aux fins de signer la décision en litige. Il a ainsi nécessairement considéré que cet arrêté de délégation était en vigueur à la date de l'arrêté attaqué et il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas même soutenu, que tel ne serait pas le cas. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :
4. M. A... qui s'est vu refuser le statut de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, pouvait, dès lors, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français au titre du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel l'arrêté a été pris et qui dispose que: " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3 (...) ". Même s'il mentionne, en son article 1er, que l'admission au séjour de M. A... est refusée, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, aucune demande distincte de sa demande d'asile n'ayant été déposée par l'intéressé et notamment pas au titre de l'article L. 435-1 du même code. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a considéré que les conclusions tendant à l'annulation d'une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour étaient dirigées contre une décision inexistante et devaient donc être rejetées comme irrecevables. Les moyens soulevés par M. A... à l'encontre d'un refus de séjour inexistant ne peuvent qu'être écartés pour les mêmes motifs.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige, lequel comporte les motifs de droit ainsi que les considérations de fait tirées de la situation personnelle de M. A..., ni des autres pièces versées au dossier, que la préfète du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen individuel et approfondi de la situation personnelle de M. A.... En outre, si l'arrêté en litige vise ou fait référence à des articles qui ne sont pas directement applicables en l'espèce, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que la décision en litige serait entachée d'un défaut de base légale alors qu'au contraire, cet arrêté mentionne le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel il a été pris. Par suite, les moyens tirés, d'une part, du défaut de base légale entachant l'arrêté et, d'autre part, de la contradiction de motifs que comporterait ainsi le jugement doivent être écartés comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. S'il fait valoir que sa vie privée et familiale se trouve en France dès lors qu'il peut y vivre librement son homosexualité, M. A..., célibataire sans enfant à charge, ne justifie pas disposer d'attaches privées ou familiales en France, et n'établit ni même n'allègue être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. A..., qui ne peut utilement à l'appui de ce moyen invoquer la répression de l'homosexualité dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs de fait, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure d'éloignement sur sa situation personnelle doit également être écarté.
8. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire qui n'a pas pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel M. A... pourra être éloigné d'office. En tout état de cause, M. A... ne produit aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle il risquerait de subir personnellement des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais de l'instance doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire présentée par M. A....
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Vignola.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 28 octobre 2024.
Le rapporteur,
Ph. DELAGELe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA00315