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28/10/2024 | FRANCE | N°23PA00508

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 28 octobre 2024, 23PA00508


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013.



Par un jugement n° 1920558 du 7 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire co

mplémentaire, enregistrés le 6 février 2023 et le 16 avril 2024, M. B..., représenté par Me Planchat, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1920558 du 7 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 février 2023 et le 16 avril 2024, M. B..., représenté par Me Planchat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen concernant le montant des achats non comptabilisés à partir des déclarations d'échanges de biens ;

- la notification de la proposition de rectification du 16 décembre 2016 est irrégulière dès lors que l'administration ne rapporte pas la preuve que le pli a bien été conservé quinze jours par les services postaux avant d'être retourné à son expéditeur ;

- l'administration fiscale doit être en mesure d'identifier des faits de distributions sous forme de rémunérations ou d'avantages occultes dès lors que les rectifications sont fondées sur le c de l'article 111 du code général des impôts ; la somme de 34 003 euros qualifiée de profit sur le Trésor et celle de 31 517 euros comme correspondant à des comptes de caisses créditeurs dans les écritures de la société ne peuvent pas correspondre à une rémunération ou un avantage occulte à son profit en l'absence de tout flux sortant de la société Pro Exo Com ;

- l'appréhension de la somme de 29 000 euros qui lui aurait été versée par la société AS Distribution se fonde exclusivement sur des informations fournies par les autorités fiscales belges à la suite d'une demande d'assistance administrative, sans que ces informations ne soient corroborées par des constatations propres à sa situation ; l'administration ne rapporte dès lors pas la preuve de l'appréhension de cette somme par ses soins ;

- concernant le montant des achats non comptabilisés, le service ne produit aucun élément propre à la société pour établir que celle-ci a procédé à ces achats sans les avoir enregistrés dans sa comptabilité et que les achats mentionnés sur les déclarations d'échange de biens de sociétés tierces correspondent à des marchandises qui ont effectivement été livrées ;

- la majoration de 25% instituée par les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts n'est pas applicable aux contributions sociales ;

- l'application de cette majoration de 1,25 à certains revenus réputés distribués correspond à une taxation d'un revenu dont le contribuable n'a jamais eu la disposition sur la base d'une assiette partiellement fictive ; conformément à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 Waldner, l'application de cette majoration est donc contraire à l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 avril 2023 et 23 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Il sollicite en outre une substitution de base légale afin que l'imposition entre les mains de M. B... des revenus réputés distribués soit fondée sur les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Par des mémoires distincts, enregistrés les 27 décembre 2023 et 5 février 2024, M. B... a demandé à la cour de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts.

Par un mémoire enregistré le 1er février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour ne transmette pas au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Par une ordonnance n° 23PA00508 du 12 juillet 2024, la présidente de la 5ème chambre a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Par une ordonnance du 12 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 août 2024.

Des pièces ont été produites par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 24 septembre 2024 en vue de compléter l'instruction et communiquées au titre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 4 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Planchat, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société Pro Exo Com portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015, ainsi que d'un examen de situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, l'administration a assujetti M. B... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales au titre de l'année 2013. M. B... relève appel du jugement du 7 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient M. B..., les premiers juges ont répondu, au point 9 de leur jugement, au moyen tiré de l'absence de preuve des achats non comptabilisés réalisés par la société Pro Exo Com. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Les rectifications doivent être notifiées au contribuable. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve établissant que l'intéressé a été avisé de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste et qu'il n'a pas été retourné avant l'expiration du délai de mise en instance. Toutefois, alors même que l'administration fiscale ne serait pas en mesure de justifier du respect du délai de mise en instance du pli comportant la notification de la proposition de rectification, celui-ci ne peut se prévaloir de ce que les conditions de notification l'auraient privé de la garantie qu'il tient des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'il n'établit pas, notamment par la production d'une attestation du service postal, avoir tenté, en vain, de retirer le pli en cause dans ce délai.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le pli recommandé contenant la proposition de rectification du 16 décembre 2016 a été retourné à l'administration, accompagné d'un avis de réception comportant la mention : " présenté / avisé le 21/12/16 ". Ce pli comporte un tampon apposé par l'administration portant la mention " reçu le 10 janvier 2017 ". Si M. B... soutient que l'administration ne justifie pas du délai de mise en instance de ce pli, il n'établit, ni même ne soutient d'ailleurs, avoir tenté, en vain, de retirer le pli en cause dans ce délai. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

5. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ". D'autre part, l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée.

6. En l'espèce, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande que l'imposition entre les mains de M. B... des revenus réputés distribués soit fondée sur les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts plutôt que sur celles du c de l'article 111 du même code. Il y a lieu de faire droit à cette demande de substitution de base légale, d'ailleurs non contestée par le requérant, qui est propre à justifier l'imposition et ne prive le contribuable d'aucune garantie attachée à la procédure d'imposition. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, dès lors que la somme de 34 003 euros qualifiée de profit sur le Trésor et celle de 31 517 euros comme correspondant à des comptes de caisses créditeurs dans les écritures de la société ne pourraient pas correspondre à une rémunération ou un avantage occulte, est inopérant et ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, il appartient à l'administration d'établir, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, que les contribuables ont effectivement appréhendé les revenus imposés sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les autorités belges, en réponse à la demande d'assistance administrative concernant la société AS Distribution, ont révélé le virement bancaire d'un montant de 29 000 euros le 20 décembre 2013 au profit de M. B.... Aucune des pièces versées au dossier ne permet de remettre en cause ni la réalité ni le montant de ce versement. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme rapportant la preuve qui lui incombe de l'appréhension effective de cette somme par M. B..., alors même qu'elle ne serait pas corroborée par des éléments propres à sa situation personnelle.

8. En troisième lieu, lors de la vérification de comptabilité dont la société Pro Exo Com a fait l'objet, l'administration a constaté que des factures d'achats de marchandises du fournisseur camerounais Sotradif n'étaient pas comptabilisées. En se bornant à soutenir que l'administration fiscale ne produit aucun élément propre à la société pour établir que celle-ci a procédé à ces achats sans les avoir enregistrés dans sa comptabilité et que les achats mentionnés sur les déclarations d'échange de biens de sociétés tierces correspondent à des marchandises qui ont effectivement été livrées, sans assortir ses allégations d'aucune pièce justificative, M. B... ne conteste pas sérieusement l'existence des achats non comptabilisés constatés par l'administration fiscale. Par ailleurs, M. B... ne conteste pas sa qualité de seul maître de l'affaire, faisant peser sur lui la charge de la preuve de l'absence d'appréhension des sommes en cause par ses soins. Dans ces conditions, il ne rapporte pas, contrairement à ce qu'il soutient, la preuve qui lui incombe de l'absence d'appréhension des sommes en litige.

9. En quatrième lieu, s'agissant de l'application d'un coefficient de 1,25 à la base d'imposition, aux termes de l'article 158 du code général des impôts : " (...) 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par un coefficient de 1,25. Ces dispositions s'appliquent : (...) 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice (...) ".

10. D'une part, il est constant que les nouvelles conséquences financières adressées à M. B... le 24 janvier 2018 ne font plus application du coefficient multiplicateur de 1,25 aux contributions sociales assises sur les revenus réputés distribués. Le moyen afférent manque donc en fait et ne peut qu'être écarté.

11. D'autre part, M. B... se prévaut de l'arrêt Waldner contre France (n° 26604/16) du 7 décembre 2023, par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé contraire au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la majoration prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts et applicable aux titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles quand ils ne sont pas adhérents à un organisme de gestion agréés. Il soutient que la majoration prévue au 2° du 7 du même article, appliquée aux revenus distribués, méconnaît également l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, le législateur a entendu, en adoptant les dispositions contestées, soumettre à une imposition plus forte certains revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes, afin de dissuader de telles opérations, et a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. La majoration en cause repose dès lors suffisamment sur une base raisonnable. Cette majoration, qui porte sur des revenus de capitaux mobiliers dissimulés, non spontanément déclarés par le contribuable, ne conduit pas à une charge excessive au regard des facultés contributives des contribuables et n'entraîne donc pas une surcharge financière disproportionnée à l'encontre du contribuable. Dans ces conditions, la méthode retenue par le législateur, pour les revenus réputés distribués en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, n'a pas rompu le juste équilibre qui doit exister entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

12. Enfin, le moyen tiré de ce que la majoration prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts serait contraire au principe d'égalité constitutionnellement garanti, qui n'a pas été présenté par un mémoire distinct, est irrecevable.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme quelconque sur leur fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- M. Delage, président assesseur,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 28 octobre 2024.

La rapporteure,

W. LELLIGLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00508 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00508
Date de la décision : 28/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Wendy LELLIG
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : CABINET NATAF & PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-28;23pa00508 ?
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