Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B..., Mme A... E... épouse B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de leurs écritures, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. C... B... la somme totale de 5 854 289 euros en réparation des préjudices que lui a causés l'accident médical non fautif survenu le 30 octobre 2009, de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser à M. C... B... la somme de 30 000 euros et aux époux B... la somme de 20 000 euros chacun en réparation du préjudice que leur a causé le défaut d'information préalable à l'intervention chirurgicale du 30 octobre 2009, et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2015, date de dépôt de leur demande devant la commission de conciliation et d'indemnisation d'Île-de-France, avec capitalisation annuelle.
Par un jugement n° 2105902/6-1 du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a condamné l'ONIAM à verser à M. C... B..., d'une part, la somme totale de 1 729 378,39 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2015 et la capitalisation des intérêts, d'autre part, à compter du 25 novembre 2022, en réparation de ses préjudices au titre de la perte de revenus professionnels futurs et de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant également la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle, une rente trimestrielle calculée comme indiqué dans les motifs de son jugement, a mis à la charge définitive de l'ONIAM les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 420 euros, ainsi que la somme de 2 500 euros à verser à M. C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistré les 24 janvier et 2 juin 2023 et le 25 juillet 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'ONIAM, représenté par la SCP UGGC avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement et de rejeter l'ensemble des demandes formées à l'encontre de l'ONIAM ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions d'appel incident des consorts B... et de ramener les condamnations à de plus justes proportions.
Il soutient que :
- les conditions d'intervention de l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ne sont pas réunies, dès lors que le risque qui s'est réalisé est imputable à l'état antérieur et que la condition d'anormalité des conséquences de l'acte médical non fautif n'est pas remplie ;
- en tout état de cause, dès lors que la solidarité nationale n'a vocation à intervenir que de manière subsidiaire, en l'absence de prestations versées par des tiers, que ce soit de manière automatique ou contractuelle, il appartiendra aux consorts B... de justifier du montant des prestations qui leur ont été et/ou qui leur sont versées ;
- les demandes doivent le cas échéant être réduites à de plus justes proportions, compte tenu de l'état de santé antérieur de M. C... B... et du délai prévisible de survenue des troubles qui seraient survenus en tout état de cause à moyen terme ;
- l'indemnité allouée en première instance doit être réduite.
Par des mémoires en défense enregistrés les 15 avril et 5 juillet 2023, M. C... B..., Mme A... E... épouse B... et M. D... B..., représentés par la SELARLU cabinet Bibal, doivent être regardés comme demandant à la cour :
1°) de rejeter la requête de l'ONIAM ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a limité à la somme de 1 729 378,39 euros et à une rente versée à compter du 25 novembre 2022 l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'ONIAM en réparation des préjudices subis par M. C... B... suite à l'intervention chirurgicale du 30 octobre 2009 ;
3°) de porter à la somme de 5 854 289 euros le montant de l'indemnité due en réparation de ces préjudices ;
4°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser à M. C... B... la somme de 30 000 euros et aux époux B... la somme de 20 000 euros chacun en réparation du préjudice d'impréparation que leur a causé le défaut d'information préalable à l'intervention chirurgicale du 30 octobre 2009 ;
5°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2015, date de la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France, avec capitalisation annuelle ;
6°) de mettre à la charge de l'ONIAM et de l'AP-HP la somme de 10 000 euros à verser à M. C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- M. C... B... est fondé à solliciter auprès de l'ONIAM la réparation intégrale des préjudices en lien avec l'intervention neurochirurgicale qu'il a subie le 30 octobre 2009 à l'hôpital Necker dès lors que cet acte médical non fautif a eu pour lui des conséquences graves, entraînant un déficit fonctionnel permanent supérieur à 25 %, et anormales ;
- au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires, M. C... B... est fondé à solliciter, à titre principal, une indemnisation de 1 390,80 euros au titre de ses dépenses de santé, de 56 778,81 euros au titre de ses frais divers, de 381 432,99 euros au titre de l'assistance par tierce personne à laquelle il a dû recourir, de 218 000 euros au titre de son préjudice scolaire temporaire ou, à titre subsidiaire au lieu de cette dernière somme, une indemnisation de 168 000 euros au titre de sa perte de gains professionnels et de 50 000 euros au titre de son préjudice scolaire temporaire ;
- au titre de ses préjudices patrimoniaux permanents, il est fondé à solliciter une indemnisation de 1 957 284,95 euros au titre de l'assistance par tierce personne à laquelle il doit recourir depuis la date de consolidation jusqu'à la fin de sa vie, de 2 689 500 euros au titre ses pertes de gains professionnels futurs, de 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle du dommage et de 6 041,20 euros au titre de son préjudice universitaire post-consolidation ;
- au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux temporaires, il est fondé à solliciter une indemnisation de 53 200 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, une indemnisation de 50 000 euros au titre des souffrances qu'il a endurées et de 8 000 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire ;
- au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux permanents, il est fondé à solliciter une indemnisation de 255 750 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, de 30 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, de 20 000 euros au titre du préjudice sexuel, de 10 000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent et de 40 000 euros au titre de son préjudice d'établissement ;
- en outre, ils sont fondés à demander la condamnation de l'AP-HP à verser à M. C... B... une somme de 30 000 euros et à chacun des deux parents, Mme A... E... épouse B... et M. D... B..., une somme de 20 000 euros, en réparation du préjudice d'impréparation qu'ils ont subi dès lors que l'AH-HP a méconnu son devoir d'information, le chirurgien qui a opéré M. C... B... n'ayant informé ni la victime mineure, ni ses parents des complications qui sont effectivement survenues.
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2023, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par Me Tsouderos, demande à la cour, à titre principal, de rejeter les conclusions d'appel provoqué dirigées contre elle, comme irrecevables ou, en tout état de cause, comme non fondées, et à titre subsidiaire, de ramener le montant des demandes des consorts B... à de plus justes proportions.
Elle soutient que :
- les consorts B... n'ayant pas fait appel du jugement du tribunal administratif de Paris dans le délai de deux mois à compter de la notification qui leur en a été faite, leur appel provoqué à l'encontre de l'AP-HP, qui soumet à la cour un litige distinct de celui porté par l'appel principal formé par l'ONIAM, est donc irrecevable ;
- une information complète a été délivrée initialement aux parents de la victime par un praticien de l'hôpital Foch, comme l'indique le compte-rendu écrit de leur échange, qui n'est pas contesté, puis par le chirurgien de l'hôpital Necker qui a réitéré cette information oralement, dans les mêmes termes.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, qui n'a pas présenté d'observations.
Par une lettre du 26 juin 2024, la cour a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, invité les consorts B... et la Maison départementales des personnes handicapées des Yvelines à produire des éléments et des pièces en vue de compléter l'instruction.
Par un mémoire enregistré le 28 juin 2024, les consorts B... ont, en réponse à cette mesure d'instruction, produit des éléments et des pièces qui ont été communiqués à l'ONIAM, à l'AP-HP et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Par un mémoire enregistré le 4 juillet 2024, la Maison départementales des personnes handicapées des Yvelines a, en réponse à cette mesure d'instruction, produit des éléments qui n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bibal pour les consorts B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., né le 28 mars 1994, a présenté en 2009 une cassure de sa courbe de croissance accompagnée d'un retard pubertaire. Des examens ont révélé la présence d'une tumeur située au niveau du nerf optique qui a nécessité une intervention chirurgicale pratiquée le 30 octobre 2009 à l'hôpital Necker, dépendant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Un scanner pratiqué le 1er novembre 2009 a mis notamment en évidence un hématome du foyer opératoire associé à une petite collection sanguine extra durale et une présence de sang dans la cavité opératoire. L'hématome a dû être résorbé par une nouvelle intervention chirurgicale le 3 novembre 2009 et M. C... B... est resté hospitalisé jusqu'au 2 décembre 2009. Les suites de ces opérations ont été marquées par des troubles de la mémoire, une grande fatigabilité et une prise de poids, ainsi que par la survenue, au cours de l'année 2010, d'un diabète de type II qui est traité par insuline. Un traitement radiothérapique par irradiation a par la suite été mis en place du 2 novembre au 13 décembre 2013 à la suite d'une augmentation du résidu tumoral.
2. M. B... a présenté une demande d'indemnisation devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CCI) de l'Ile-de-France. Cette dernière a diligenté une expertise et a rendu un avis le 30 mai 2017, aux termes duquel elle a conclu au rejet de cette demande. M. B... et ses parents ont ensuite demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris la réalisation d'une expertise. L'expert, désigné par une ordonnance du 19 novembre 2018, a rendu son rapport le 13 mai 2019.
3. Par un jugement du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a condamné l'ONIAM à verser à M. C... B..., d'une part, la somme totale de 1 729 378,39 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2015 et la capitalisation des intérêts, d'autre part, à compter du 25 novembre 2022, en réparation de ses préjudices au titre de la perte de revenus professionnels futurs et de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant également la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle, une rente trimestrielle calculée comme indiqué dans les motifs de son jugement, a mis à la charge définitive de l'ONIAM les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 420 euros, ainsi que la somme de 2 500 euros à verser à M. C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de la demande. L'ONIAM relève appel de ce jugement. Les consorts B... demandent à la cour, par la voie de l'appel incident, de porter à la somme de 5 854 289 euros le montant de l'indemnité due en réparation de ces préjudices et, par la voie de l'appel provoqué, de condamner l'AP-HP à verser à M. C... B... la somme de 30 000 euros et aux époux B... la somme de 20 000 euros chacun en réparation du préjudice d'impréparation que leur a causé le défaut d'information préalable à l'intervention chirurgicale du 30 octobre 2009, et de réformer le jugement en conséquence.
Sur le principe de la réparation au titre de la solidarité nationale :
4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". L'article D. 1142-1 du même code dispose : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. (...) ".
5. En vertu du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code. La condition d'anormalité du dommage doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. B... a présenté immédiatement à son réveil de l'intervention du 30 octobre 2009 des complications liées à une atteinte hypothalamique et notamment une confusion, des troubles mnésiques majeurs et une agitation. Le scanner réalisé le 1er novembre a mis en évidence un hématome du foyer opératoire associé à un hématome extra dural ainsi qu'une hydrocéphalie liée au passage du sang dans le système ventriculaire, le neurochirurgien ayant ouvert la lame sus optique. L'augmentation du volume de l'hématome nécessitera une nouvelle intervention le 3 novembre 2009 permettant sa résorption et l'absorption du sang endo-cavitaire. L'expert indique, sans être contesté par les parties, que les gestes chirurgicaux du 30 octobre et 3 novembre 2009 ne sont pas fautifs. L'existence d'une faute dans le diagnostic qui a conduit à l'acte médical non fautif, qui aurait réduit les chances de M. C... B... de se soustraire à l'intervention et aux conséquences en résultant, n'est par ailleurs pas alléguée par l'ONIAM ou par les consorts B....
7. L'ONIAM soutient que les troubles hypothalamiques dont souffrent M. C... B... sont en lien avec son état de santé antérieur et qu'en l'absence de l'intervention chirurgicale litigieuse, ils seraient apparus à court ou moyen terme. Toutefois, d'une part, selon l'expert, les troubles mnésiques, les troubles de la régulation et les troubles qualifiés de " frontaux " (inertie, lenteur, fatigue..), très importants pendant un mois puis s'installant dans la durée, y compris après la date de consolidation fixée au 1er janvier 2017, avec un déficit fonctionnel permanent estimé à 50 %, sont, contrairement aux troubles endocriniens hypophysaires, entièrement imputables aux conséquences de la souffrance hypothalamique induite par l'hématome et la présence du sang dans la cavité opératoire. L'ONIAM soutient que cette souffrance hypothalamique serait en réalité imputable à l'état antérieur de M. C... B..., qui souffrait de troubles qui ne pouvaient que s'aggraver et que l'opération avait pour but de contrôler, et à la localisation de la tumeur, avec un refoulement du nerf optique et un important envahissement de l'hypotalamus. Cette hypothèse est contredite par l'aggravation immédiate de l'état de M. B... à son réveil, alors qu'il résulte de l'instruction que la victime ne présentait pas de trouble neurologiques avant la chirurgie, qui a été justifiée par le diagnostic qui avait été fait d'un possible craniopharyngiome entraînant un risque à court ou moyen terme d'atteinte du nerf optique et, partant, de déficience visuelle, mais uniquement un désordre endocrinien entraînant un retard de croissance, et que les pièces médicales ne montrent pas qu'une dégradation rapide était amorcée avant l'opération.
8. D'autre part, l'analyse des résidus tumoraux extraits lors de l'intervention chirurgicale a montré que la tumeur dont M. C... B... est atteint n'est pas un craniopharyngiome de type II mais une tumeur bénigne de type astrocytome pilocytaire de type I. Il résulte de l'instruction, notamment des pièces médicales et des éléments apportés par les consorts B... à l'appui de leurs écritures, que l'évolution de ce type de tumeur est lente et que sa croissance peut s'arrêter spontanément après l'adolescence. Les éléments apportés par l'ONIAM pour faire valoir que les troubles seraient de toute façon apparus à court ou moyen terme, notamment le rapport de son médecin-conseil ainsi que la littérature médicale, font référence soit à l'évolution de l'impact de la compression de l'hypothalamus par la tumeur soit aux risques associés à une tumeur maligne de type II. Par ailleurs, s'il est vrai qu'ainsi que l'ONIAM le fait valoir, une progression du résidu tumoral a nécessité un traitement par radiothérapie à la fin de l'année 2012, les pièces médicales versées au dossier attestent de ce qu'il s'est stabilisé depuis ce traitement. Dans ces conditions, les troubles hypothalamiques dont souffre M. B... à la suite de l'intervention du 30 octobre 2009, qui entraînent des dommages supérieurs à ceux d'une déficience visuelle ou d'une dégradation lente de son état, doivent être regardés comme des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles il était exposé de manière suffisamment probable à moyen terme en l'absence de traitement.
9. Il résulte de ce qui précède que la condition d'anormalité du dommage causé par l'intervention du 30 octobre 2009 est en l'espèce remplie, comme l'est celle de gravité du dommage au sens de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. L'intégralité de la réparation des préjudices subis par M. B... en lien avec l'accident médical dont il a été victime doit, par suite, être mise à la charge de l'ONIAM.
10. Par ailleurs, en l'absence de certitude sur l'apparition à long terme de troubles hypothalamiques et, en tout état de cause, quant au terme auquel de tels troubles seraient apparus en l'absence de l'acte médical non fautif, l'article L. 1142-1 du code de la santé publique fait obstacle à ce que leur réparation par la solidarité nationale soit limitée jusqu'à une telle échéance, ainsi que l'ONIAM le demande.
Sur l'évaluation des préjudices :
11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de M. C... B... doit être regardé comme consolidé à la date du 1er janvier 2017.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
Quant aux dépenses de santé :
12. M. C... B... justifie, pour la période avant consolidation, de séances d'ergothérapie pour une somme totale de 1 159 euros, non prise en charge par la sécurité sociale. Contrairement à ce qu'il soutient, il n'y a pas lieu de majorer cette somme, qui a fait courir des intérêts comme les autres indemnités, d'un coefficient d'actualisation pour tenir compte de l'érosion monétaire. Par suite, ainsi que le tribunal l'a jugé au point 15 de son jugement, les intéressés sont uniquement fondés à demander le versement d'une somme de 1 159 euros au titre de ce poste de préjudice.
13. Par ailleurs, les consorts B... n'ont pas produit de justificatifs des dépenses effectuées postérieurement à la date de consolidation.
Quant aux frais divers :
14. Il résulte de l'instruction que M. B... a exposé, jusqu'à la date de la consolidation, des frais d'accueil au centre de jour Ladapt pour un montant de 6 521 euros pour l'année 2016, une somme de 600 euros pour l'année 2016 au titre des honoraires du médecin-conseil qui les accompagne dans le cadre de la procédure ainsi que des frais de coach sportif visant à réguler les conséquences de l'accident médical, mentionnées par l'expert, sur son apparence physique et sur sa capacité de mouvement, pour un montant de 6 800 euros. Il a par ailleurs exposé, après la date de la consolidation, des frais d'accueil au centre de jour Ladapt du mois de janvier de l'année 2017 au mois de mai de l'année 2018 pour un montant total de 33 124,20 euros ainsi qu'une somme totale de 3 650 euros au titre des honoraires du médecin-conseil qui les accompagne dans le cadre de la procédure. Les consorts B... produisent les factures et notes d'honoraires afférentes aux dépenses présentées, qui sont en lien direct et certain avec le dommage, une attestation du 11 décembre 2020 du directeur de centre de jour Ladapt relative aux frais de séjour qui ont été réglés, ainsi qu'une attestation de Mme B..., datée du 27 juin 2023 selon laquelle, d'une part, aucune protection juridique n'a pris en charge les honoraires du médecin-conseil et, d'autre part, les frais d'accueil au centre de jour sont restés à la charge de M. B... compte tenu du revenu fiscal de la famille. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Paris a mis à la charge de l'ONIAM, pour la période précédant la date de consolidation, la somme totale de 13 921 euros et, pour la période postérieure à la date de consolidation, la somme de 36 774 euros. Pour la même raison que celle évoquée au point 12, il n'y a pas lieu de majorer cette somme d'un coefficient d'actualisation pour tenir compte de l'érosion monétaire.
Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :
15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. B... a dû recourir à l'assistance d'une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne, en conséquence du dommage né de l'accident médical du 30 octobre 2009, à raison de 22 heures par jour pour la période du 3 décembre 2009 au 7 janvier 2010 soit 35 jours, puis, après son hospitalisation au centre de rééducation de Saint-Maurice, de quatre heures par jour de semaine et de huit heures par jour de week-end pour la période du 11 juin 2010 au 1er juillet 2012, soit 536 jours de semaine et 216 jours de week-end, de six heures par jour pour la période du 2 juillet 2012 au 1er juillet 2017, soit 1825 jours, et enfin, depuis le 2 juillet 2017, de deux heures par jour cinq jours sur sept et deux heures par jour sept jours sur sept pour des stimulations et interventions ponctuelles, soit un total de 24 heures par semaine.
16. Il sera fait une juste appréciation du préjudice de M. C... B... sur la période allant du 30 octobre 2009 à la date de prononcé du présent arrêt, sur la base d'un taux horaire de l'assistance par une tierce personne non spécialisée évalué à 18 euros et proratisé pour prendre en compte les congés payés et les jours fériés sur une base annuelle de 412 jours, en le fixant à la somme de 15 645 euros pour la période du 3 décembre 2009 au 7 janvier 2010, de 78 671 euros pour la période du 11 juin 2010 au 1er juillet 2012, de 222 480 euros pour la période du 2 juillet 2012 au 1er juillet 2017, de 95 090 euros pour la période du 2 juillet 2017 au 22 mars 2021, date d'introduction de la demande devant le tribunal administratif de Paris, et de 92 149 euros pour la période du 23 mars 2021 au 28 octobre 2024, date de lecture du présent arrêt, soit un montant total de 504 035 euros.
17. D'une part, il y a lieu de déduire du montant ainsi obtenu les sommes correspondant aux jours de prise en charge au sein du centre Ladapt, qui font l'objet d'une indemnisation des dépenses effectivement engagées au titre des frais divers, et pendant lesquelles l'entièreté du besoin quotidien en assistance par tierce personne a été pris en charge. Il résulte de l'instruction que M. C... B... a été accueilli au centre Ladapt pour un total de 52 journées avant le 1er janvier 2017. Par suite, sur le fondement d'un besoin en assistance de 24 heures par semaine pendant cette période, une somme de 3 622 euros doit être déduite. M. C... B... justifie également avoir été accueilli au centre Ladapt pour un total de 268 journées entre le 1er janvier 2017 et le 28 février 2018. Par suite, sur le fondement d'un besoin en assistance de six heures par jour pendant cette période, une somme de 32 671 euros doit également être déduite de la somme indiquée au point précédent.
18. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment de la décision du 26 avril 2012, que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du département des Yvelines a accordé à la mère de M. C... B... le bénéfice de l'allocation d'éducation d'enfant handicapé pour un montant mensuel de 127,68 euros du 1er novembre 2011 au 31 mars 2014, soit 29 mois, à laquelle s'est ajoutée une majoration mensuelle de 363,44 euros pour les cinq premiers mois puis de 367,08 euros les mois suivants. Mme B... a par ailleurs reçu pour son fils une prestation de compensation du handicap pendant cette même période, pour un montant mensuel de 610,08 euros. Il résulte également de l'instruction que le versement de la compensation du handicap ne s'est pas poursuivi au-delà de cette date, à laquelle M. C... B... a été admis au bénéfice de l'allocation adulte handicapé. Par suite, il y a lieu de déduire, en outre, une somme totale de 32 022 euros.
19. Il en résulte que M. B... est fondé à demander l'indemnisation de ses frais pour l'assistance à tierce personne à laquelle il a dû recourir depuis le 3 décembre 2009 et jusqu'au 28 octobre 2024 à hauteur de 435 720 euros.
20. Pour la période courant à partir de la date de lecture du présent arrêt, eu égard aux éléments retenus ci-dessus pour la période postérieure au 1er juillet 2017, les frais liés à cette assistance s'élèvent à la somme de 25 357 euros en année pleine. Ainsi, sur la base du montant de l'euro de rente fixé à 49,940 par le barème taux 0 publié par la Gazette du Palais 2022 pour un homme âgé de 30 ans à la date du présent arrêt, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en fixant son montant à la somme de 1 266 329 euros.
Quant aux pertes de gains professionnels et la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle :
21. Lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une activité professionnelle, la circonstance qu'il n'est pas possible, eu égard à la précocité de l'accident, de déterminer le parcours scolaire et professionnel qui aurait été le sien ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle. Dans un tel cas, il y a lieu de réparer tant le préjudice professionnel que la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle par l'octroi à la victime d'une rente de nature à lui procurer, à compter de sa majorité et sa vie durant, un revenu équivalent au salaire médian. Cette rente mensuelle doit être fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de la majorité de la victime, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Doivent en être déduits les éventuels revenus d'activité ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels. Cette rente n'a, en revanche, pas pour objet de couvrir la part personnelle des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle, qui doit faire l'objet d'une indemnisation distincte.
22. S'agissant de la période allant de la majorité de M. C... B..., le 28 mars 2012, jusqu'à la date du présent arrêt, une indemnité en capital sera versée par l'ONIAM au titre de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant également la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire, dont les frais universitaires, et d'incidence professionnelle qu'il a subis. Il y a lieu de calculer cette indemnité sur la base du salaire mensuel médian net en 2012, soit 1 730 euros, revalorisé annuellement par application du coefficient mentionné à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, jusqu'au 28 octobre 2024. Il y a lieu de renvoyer M. B... devant l'ONIAM pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, en déduction de laquelle viendront les sommes qu'il a perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés. M. C... B... est invité à produire tous les justificatifs nécessaires auprès de l'ONIAM, pour que ce dernier procède à la liquidation exacte de cette indemnité.
23. D'autre part, s'agissant de la période courant à compter du présent arrêt, il y a lieu d'allouer à M. C... B... pour l'avenir, en réparation de sa perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant la part patrimoniale de son préjudice scolaire, une rente dont le montant sera calculé sur la base du salaire médian net de 2012, soit 5 190 euros par trimestre, actualisé pour l'année 2024 en fonction des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2012 et revalorisé annuellement à l'avenir par application des coefficients qui seront légalement fixés. Les sommes perçues par M. C... B... au titre de salaires, de prestations compensant la perte de revenus professionnels ou encore de pensions de retraite viendront, le cas échéant, en déduction de cette rente. Il conviendra à ce titre que M. C... B... produise devant l'ONIAM les justificatifs des sommes perçues à ce titre ou des attestations de non perception des aides issues des organismes sociaux concernés.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
Quant aux préjudices temporaires :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
24. D'une part, il résulte du rapport de l'expert judiciaire que M. C... B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total durant son hospitalisation du 31 octobre au 2 décembre 2009 soit 34 jours. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. C... B..., sans la survenance de l'accident médical aurait en tout état de cause été hospitalisé. L'expert désigné par la CCI d'Île-de-France avait estimé ce déficit temporaire total inhérent à l'intervention à huit jours et n'est pas davantage contredit sur ce point par les consorts B... en appel qu'en première instance. Il sera ainsi fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre, sur la base d'un taux quotidien de 15 euros et d'une durée nette de 26 jours, en fixant le montant de sa réparation à 390 euros.
25. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. C... B... a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel à des taux variables selon les périodes. Si l'expert judiciaire a retenu un déficit fonctionnel de 60 % du 3 décembre 2010 au 1er juillet 2011 soit 180 jours et de 50 % du 2 juillet 2010 au 1er janvier 2017 soit 2 376 jours, l'expert désigné par la CCI a estimé que le requérant aurait en tout état de cause subi un déficit fonctionnel temporaire de 20 % pendant les deux mois suivant l'hospitalisation soit 61 jours, puis de 10 % pendant une seconde période de deux mois soit 61 jours. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ces préjudices, sur la base d'un taux quotidien de 15 euros pour un déficit total, en les évaluant à la somme totale de 19 165 euros.
26. Il y a donc lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme totale de 19 555 euros au titre de ce poste de préjudice.
S'agissant des souffrances endurées :
27. Le rapport d'expertise estime que la souffrance endurée par M. C... B..., au seul titre des conséquences de l'accident médical, correspond à une cotation de 5 sur 7. Le tribunal a fait une juste appréciation de cette souffrance en fixant le montant de la réparation due à l'intéressé à 15 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
28. Il ne résulte pas de l'instruction que l'accident médical survenu le 30 octobre 2009 aurait causé à M. C... B... un préjudice esthétique temporaire distinct du préjudice esthétique permanent dès lors que l'expert a évalué ces préjudices à la même cotation. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, M. C... B... n'est pas fondé à demander qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM au titre de ce poste de préjudice.
S'agissant de la part personnelle des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle temporaires :
29. Les sommes allouées au titre de la perte de gains professionnels n'ont pas pour objet de couvrir la part personnelle des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle, qui doit faire l'objet d'une indemnisation distincte. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que M. B... aurait subi, s'agissant de cette part personnelle, un préjudice temporaire distinct de celui qu'il subit de façon permanente. Par suite, il n'y a pas lieu de condamner l'ONIAM à indemniser ce préjudice.
Quant aux préjudices permanents :
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
30. Il résulte de l'instruction que M. B... subit un déficit fonctionnel permanent du fait de la souffrance hypothalamique résultant de l'accident médical du 30 octobre 2009. L'expert évalue ce déficit fonctionnel permanent à 50 %. Eu égard à l'âge de M. C... B... à la date de consolidation du dommage, le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice subi en fixant le montant de sa réparation à 160 000 euros.
S'agissant du préjudice d'agrément :
31. Il résulte de l'expertise que les conséquences de l'accident médical du 30 octobre 2009 ont pour effet de priver M. B... de toute vie sociale et de limiter les activités sportives qu'il peut pratiquer. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice d'agrément en fixant le montant de sa réparation à 20 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique permanent :
32. Il résulte du rapport d'expertise que M. B... subit un préjudice esthétique permanent, estimé à 2 sur 7. Son apparence physique a été altérée par les conséquences de l'accident médical du 30 octobre 2009. Le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant le montant de sa réparation à 2 000 euros.
S'agissant du préjudice sexuel :
33. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que celui-ci subit un préjudice sexuel du fait de l'accident médical en cause. Le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant montant de sa réparation à 2 000 euros.
S'agissant du préjudice d'établissement :
34. Les troubles subis par M. B... ainsi que les restrictions d'activité sociale qu'ils lui imposent rendent d'autant plus difficile la formation de relations affectives et par suite augmentent la difficulté de fonder une famille. Il y a lieu de lui allouer à ce titre une somme de 40 000 euros.
S'agissant de la part personnelle des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle temporaires :
35. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que les conséquences de l'accident médical du 30 octobre 2009 ont empêché M. C... B... de mener une scolarité et une vie professionnelle dans des conditions usuelles. Dans les circonstances de l'espèce, le tribunal a fait une juste appréciation de la part personnelle de ses préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle en fixant le montant de sa réparation à la somme de 30 000 euros.
36. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 2 042 458 euros le montant de l'indemnité due par l'ONIAM à M. C... B..., en plus de l'indemnité en capital calculée comme indiqué au point 22 du présent arrêt et la rente trimestrielle calculée comme indiqué au point 23 du présent arrêt, et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Paris.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
37. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. Si la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation, dans le cadre de la procédure d'indemnisation amiable ou de la procédure de conciliation, par une personne s'estimant victime d'un dommage imputable à un établissement de santé ou à un accident médical doit être regardée, au sens et pour l'application du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, comme une demande préalable formée devant l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, une telle saisine ne saurait, en revanche, être assimilée à la mise en demeure prévue par l'article 1231-6 du code civil. Dans une telle hypothèse, les intérêts moratoires courent à compter du jour de la saisine du juge.
38. M. B... a saisi le tribunal le 22 mars 2021. Il a droit aux intérêts sur les sommes qui lui étaient dues à cette date. Pour déterminer cette somme, il y a donc lieu de déduire de la somme de 2 042 458 euros, mentionnée au point 36, d'une part, la somme de 92 149 euros, mentionnée au point 16, d'autre part, la somme de 1 266 329 euros, mentionnée au point 20, qui se rapportent toutes deux à une période postérieure à cette date. Il a donc droit, à compter du 22 mars 2021 aux intérêts sur la somme de 683 980 euros.
39. S'agissant de l'indemnité en capital calculée comme mentionné au point 22 du présent arrêt. M. B... a droit, à compter du 22 mars 2021, aux intérêts assis sur une somme correspondant à 108 fois le montant du salaire revalorisé, correspondant à la part de cette indemnité qui lui était acquise avant le 22 mars 2021. Pour la période postérieure à cette date, les intérêts courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle cette indemnité se rapporte.
40. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 22 mars 2021. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 23 mars 2022, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les conclusions des consorts B... dirigées contre l'AP-HP :
41. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser ".
42. Il résulte de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
43. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment des termes non contestés du rapport d'expertise, que le docteur F..., neurochirurgien à l'hôpital Foch, avait en août 2009, lors d'une consultation, informé la victime et ses parents des risques liés à l'intervention chirurgicale et notamment " du risque plus grave mais toujours possible de d'aggravation visuelle et plus exceptionnellement d'aggravation neurologique en cas d'hématome de la région hypothalamique ". Si les requérants contestent les affirmations de l'AP-HP, mentionnée dans le rapport d'expertise et en défense, selon laquelle le docteur G..., neurochirurgien ayant opéré M. B... le 30 octobre 2009, leur aurait oralement transmis la même information, dès lors qu'il est au moins établi qu'une information complète leur avait été délivrée par un neurochirurgien de l'hôpital Foch en août 2009, M. C... B... et ses parents doivent être regardés comme n'ayant pas pu ignorer les risques de l'intervention et avoir été informés dans un délai suffisant pour leur permettre, le cas échéant, s'ils n'avaient pas complètement saisi la portée de l'information qui leur a ainsi été donnée ainsi qu'ils le font valoir, de demander des précisions sur la nature et l'ampleur exacte du risque " d'aggravation neurologique ", de manière à donner de manière éclairée leur consentement à la réalisation de cet acte ou d'en refuser la réalisation avant le 30 octobre 2009. En tout état de cause, les conclusions présentées par M. C... B... et Mme A... E... épouse B..., à qui le jugement du tribunal administratif de Paris a été notifié le 26 novembre 2022, et qui soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel de l'ONIAM, n'ont été présentées devant la cour que le 15 avril 2023, après l'expiration du délai dont ils disposaient pour faire appel de ce jugement, et sont par suite irrecevables. Par suite, les conclusions par lesquelles les consorts B... demandent que l'AP-HP soit condamnée à verser à M. C... B... la somme de 30 000 euros et aux époux B... la somme de 20 000 euros chacun, en réparation du préjudice que leur a causé le défaut d'information préalable à l'intervention chirurgicale du 30 octobre 2009, doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
44. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'AP-HP, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse aux consorts B... une somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
45. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à M. B... d'une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La somme que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à M. C... B... par l'article 1er du jugement attaqué, au titre des préjudices autres que la perte de revenus professionnels futurs et la perte consécutive de droits à pension, est portée à 2 042 458 euros.
Article 2 : M. C... B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 683 980 euros à compter du 22 mars 2021.
Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à M. C... B..., pour la période allant du 28 mars 2012 au 28 octobre 2024, en réparation de ses préjudices au titre de la perte de revenus professionnels futurs et de la perte consécutive de droits à pension, les indemnités calculées comme indiqué au point 22 du présent arrêt. La somme correspondant à 108 fois le montant du salaire revalorisé, correspondant à la part de cette indemnité qui lui était acquise avant le 22 mars 2021, portera intérêt à compter du 22 mars 2021. Les intérêts sur la part de cette indemnité due au titre de la période postérieure au 22 mars 2021 et jusqu'à la date du présent arrêt courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle cette indemnité se rapporte.
Article 4 : Les intérêts échus à la date du 23 mars 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à M. C... B..., à compter du 30 septembre 2024, en réparation de ses préjudices au titre de la perte de revenus professionnels futurs et de la perte consécutive de droits à pension, la rente trimestrielle calculée comme indiqué au point 23 du présent arrêt.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 25 novembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à M. C... B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... E... épouse B... et à M. D... B..., à M. C... B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 28 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00341