Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Patrick Parain a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel la ministre des armées a prononcé sa révocation ainsi que l'arrêté ministériel du 9 février 2021 portant radiation des cadres.
Par un jugement n° 2121109/5-3 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, M. A..., représenté par Me Delost, doit être regardé comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 novembre 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés ministériels des 22 janvier et 9 février 2021 portant révocation et radiation des cadres ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées de le réintégrer dans ses fonctions au sein de la direction centrale du service de la flotte à compter du 27 janvier 2021, ainsi que dans son rang de cadre à compter du 9 février 2021, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la compétence des signataires des arrêtés des 22 janvier et 9 février 2021 n'est pas établie ;
- la procédure disciplinaire est entachée d'un vice de procédure et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les arrêtés des 22 janvier et 9 février 2021 sont insuffisamment motivés ;
- la décision implicite rejetant son recours administratif est dépourvue de motifs, en dépit de sa demande de communication des motifs ;
- les faits qui lui sont reprochés, caractérisés de manquements graves au devoir de moralité des fonctionnaires, ne sont pas établis ;
- la sanction prononcée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Par une ordonnance du 29 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bories,
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. Patrick Parain, secrétaire administratif de classe supérieure au ministère des armées, était affecté à la direction centrale du service de soutien de la flotte de Paris-Balard depuis le 1er janvier 2016. Par un arrêté du 22 janvier 2021, la ministre des armées a prononcé sa révocation en raison de manquements graves aux devoirs de moralité des fonctionnaires. Par un arrêté du 9 février 2021, la ministre l'a radié des cadres à compter du 4 février 2021. M. A... relève appel du jugement du 30 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel, en reproduisant pour l'essentiel le contenu de ses écritures de première instance, les moyens tirés de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués et de l'insuffisance de motivation des arrêtés en litige et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, en dépit d'une demande de communication de motifs. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'une part aux points 2 à 8, d'autre part aux points 24 à 28 du jugement, d'écarter ces moyens repris en appel par M. A....
3. En deuxième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté ".
4. Aux termes de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...). ".
5. D'une part, si M. A... soutient que la procédure disciplinaire est viciée du fait de la contradiction existant entre la mention d'une sanction de troisième groupe dans le courrier du 2 octobre 2020 qui l'informait de la saisine de la commission administrative paritaire compétente pour manquements à ses devoirs de moralité, et la sanction de quatrième groupe évoquée dans la convocation du 28 octobre 2020 à la séance du conseil de discipline du 17 décembre 2020 pour ces mêmes manquements, aucun texte ni principe général du droit disciplinaire n'impose à l'autorité administrative de communiquer à l'agent la sanction envisagée en amont de la séance du conseil de discipline, ni de la rectifier si elle opte pour une sanction plus sévère. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté ce moyen.
6. D'autre part, M. A... ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester la régularité d'une procédure disciplinaire non juridictionnelle.
7. En troisième lieu, l'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives s'attache aux constatations de fait qui sont le soutien nécessaire des jugements définitifs. Une décision rendue en dernier ressort présente, à cet égard, un caractère définitif, même si elle peut encore faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou est effectivement l'objet d'un tel pourvoi et si, par suite, elle n'est pas irrévocable.
8. M. A... a été condamné le 31 janvier 2020 par le tribunal correctionnel de Paris à six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de harcèlement sexuel et menaces de mort envers une collègue entre les mois d'août 2017 et septembre 2018, et de dénonciation mensongère entre les mois de décembre 2017 et mai 2019. La cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement par un arrêt du 15 juin 2022. Les constatations de fait ainsi opérées par la cour d'appel de Paris, au soutien nécessaire de sa décision revêtue de l'autorité absolue de chose jugée, s'imposaient tant à l'administration qu'aux premiers juges. Par suite, M. A... ne peut soutenir que l'arrêté prononçant sa révocation pour manquements graves aux devoirs de moralité des fonctionnaires est entaché d'erreur quant à la matérialité des faits reprochés.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires, dans sa version applicable : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité (...) ". Aux termes de l'article 29 de cette loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. (...). "
10. Les faits mentionnés au point 8 sont constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Ils constituent un manquement caractérisé et prolongé d'une particulière gravité au devoir d'agir avec dignité qui s'impose aux fonctionnaires. Ainsi, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que la ministre des armées a pris à l'encontre de M. A... la sanction de révocation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick Parain et au ministre des armées et des anciens combattants.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2024.
La rapporteure,
C. BORIES
La présidente,
S. VIDAL
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01897 2