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21/10/2024 | FRANCE | N°24PA00811

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 21 octobre 2024, 24PA00811


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société RZF a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les deux titres de perception émis le 20 décembre 2019 suite à la décision du 27 novembre 2019 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mettant à sa charge le paiement des sommes de 36 200 euros et 4 615 euros correspondant, respectivement, à la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire alors

prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'as...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société RZF a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les deux titres de perception émis le 20 décembre 2019 suite à la décision du 27 novembre 2019 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mettant à sa charge le paiement des sommes de 36 200 euros et 4 615 euros correspondant, respectivement, à la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire alors prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par jugement n° 2103469 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé ces titres de perceptions.

Procédure devant la cour :

Par requête enregistrée le 16 février 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la société RZF présentée devant le tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de la société RZF la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des titres de perception contestés.

Ni le ministre de l'intérieur ni la société RZF, à qui la requête a été communiquée à la dernière adresse connue, n'ont présenté d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;

- la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le décret du 15 septembre 2016 ;

- le décret n° 2020-163 du 26 février 2020 ;

- le décret n° 2024-814 du 9 juillet 2024 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion du contrôle d'un salon de massage exploité par la société RZF le 7 octobre 2019, les services de police ont constaté la présence d'une ressortissante chinoise dépourvue de titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Au cours de leur enquête, les policiers ont également relevé l'emploi d'une seconde ressortissante chinoise sans titre de séjour et sans autorisation de travail. Un procès-verbal d'infraction a été établi et une copie en a été transmise à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 27 novembre 2019, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société RZF la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 36 200 euros et la contribution forfaitaire alors prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 4 168 euros. Deux titres de perception ont été émis le 20 décembre 2019 pour avoir paiement de ces sommes. Par un jugement du 19 décembre 2023, dont l'OFII relève appel, le tribunal administratif de Melun a annulé ces titres de perception.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 245 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " (...) l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / L'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. / Le comptable public compétent assure le recouvrement de cette contribution comme en matière de créances étrangères à l'impôt et aux domaines. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 245 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " (...) l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. A cet effet, il peut avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. / L'Etat est ordonnateur de la contribution forfaitaire. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. / Sont applicables à la contribution forfaitaire prévue au premier alinéa les dispositions prévues aux articles L. 8253-1 à L. 8253-5 du code du travail en matière de recouvrement et de privilège applicables à la contribution spéciale. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Conformément aux dispositions du II de l'article 245 de la loi de finances pour 2019, ces dispositions législatives sont entrées en vigueur le 1er janvier 2018.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 5223-24 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date d'émission des titres contestés, avant son abrogation par le décret du 26 février 2020 pris pour l'application de l'article 245 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " Le directeur général est ordonnateur secondaire à vocation nationale pour l'émission des titres de perception relatifs à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 et de ceux relatifs à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". L'article R. 8253-4 de ce même code, dans sa rédaction applicable à la date d'émission des titres contestés, avant sa modification par le décret du 26 février 2020, dispose que : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ". En outre, selon l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date d'émission des titres contestés, avant sa modification par le décret du 26 février 2020 : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / (...) ".

4. Enfin, en vertu de l'article 10 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les ordonnateurs prescrivent l'exécution des recettes et des dépenses. La qualité d'ordonnateur est conférée, pour les personnes morales mentionnées aux 1°, 4°, 5° et 6° de l'article 1er, dans les conditions prévues aux titres II et III. Pour les personnes morales mentionnées aux 2° et 3° de l'article 1er, elle est régie par la loi. Les ordonnateurs sont principaux ou secondaires. Les ordonnateurs peuvent déléguer leur signature et se faire suppléer en cas d'absence ou d'empêchement. Les ordonnateurs, leurs suppléants ainsi que les personnes auxquelles ils ont délégué leur signature sont accrédités auprès des comptables publics assignataires relevant de leur compétence, selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé du budget. ".

5. D'une part, il résulte des dispositions, citées au point 2, des articles L. 8253-1 du code du travail et l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que des travaux préparatoires, que le législateur a transféré de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'Etat l'ordonnancement des contributions spéciale et forfaitaire et, à ce titre, la liquidation et l'émission des titres de perception correspondant. Par suite, les dispositions, mentionnées au point 3, des articles R. 5223-24 et R. 8253-4 du code du travail et R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui confiaient au directeur général de l'OFII la liquidation de ces contributions et l'émission des titres de perception correspondant, étaient incompatibles avec ces dispositions législatives et ne pouvaient plus recevoir application à compter de l'entrée en vigueur de celles-ci, le 1er janvier 2018, et ce jusqu'à leur modification par le décret du 26 février 2020.

6. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. A..., qui a signé les titres de perception litigieux, a été nommé directeur de l'évaluation de la performance, des achats, des finances et de l'immobilier par le décret du 15 septembre 2016 portant nomination d'un directeur à l'administration centrale du ministère de l'intérieur. En cette qualité, il bénéficiait, en vertu de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, d'une délégation à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, tous actes, arrêtés et décisions relevant de la direction, à l'exclusion des décrets.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur le moyen tiré de l'incompétence de leur signataire pour annuler les titres de perception litigieux.

8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société RZF devant le tribunal administratif de Melun.

Sur les autres moyens soulevés par la société RZF devant le tribunal administratif de Melun :

En ce qui concerne les moyens tirés de vices propres à la décision du 27 novembre 2019 du directeur de l'OFII :

9. Le destinataire d'un ordre de versement est recevable à contester, à l'appui de son recours contre cet ordre de versement, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance est devenue définitive, comme le prévoient au demeurant, pour les dépenses de l'Etat, les articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ou, pour les dépenses des collectivités locales, l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, les vices propres de la décision initiale, tels que les vices de forme ou de procédure, sont sans incidence sur la légalité de l'état exécutoire. Par suite, les moyens soulevés à l'appui de la contestation des titres de perception, tirés de ce que la décision par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société requérante les contributions spéciale et forfaitaire en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et est insuffisamment motivée, doivent être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne le bien-fondé des contributions :

10. Aux termes des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 8253-1 de ce même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce même code, dans sa rédaction applicable au litige : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1. (...) ".

11. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France (...) ". Selon l'article L. 5221-9 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'embauche d'un salarié étranger titulaire de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut intervenir qu'après déclaration nominative effectuée par l'employeur auprès de l'autorité administrative. ". Selon l'article R. 5221-42 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La demande de l'employeur est adressée au préfet au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche. / Le préfet notifie sa réponse à l'employeur par courrier, télécopie ou courrier électronique dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande. A défaut de réponse dans ce délai, l'obligation de l'employeur de s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail est réputée accomplie. ".

12. Enfin, aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. ". L'article L. 8256-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros. (...) ". Selon l'article L 8256-7 du même code : " Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues au présent chapitre, à l'exception de l'article L. 8256-1, encourent : / 1° L'amende, dans les conditions prévues à l'article 131-38 du code pénal ; (...) ". Et selon l'article 131-38 du code pénal : " Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction. (...) ".

13. Il résulte des dispositions, citées aux points 10 et 12, de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces articles, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.

14. Il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal d'infraction établi le 10 octobre 2019, que la société RZF a employé deux salariées de nationalité étrangère dépourvues de titre les autorisant à séjourner et à travailler en France, dont l'une était présente et en action de travail lors du contrôle effectué par les policiers dans l'établissement exploité par la société le 7 octobre 2019, et l'autre ne travaillait plus dans l'établissement à cette date. Il ressort des déclarations de ces salariées qu'elles ont été embauchées sans que l'employeur ne leur ait demandé de présenter un titre les autorisant à séjourner et à travailler en France ni, à plus forte raison, sans s'être acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail. Dans ces conditions, le directeur général de l'OFII a pu légalement mettre à la charge de la société RZF les contributions spéciale et forfaitaire, sans que celle-ci puisse utilement se prévaloir de sa prétendue bonne foi.

15. Par ailleurs, les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire à la condition que les faits qui la fondent constituent une infraction pénale.

16. Enfin, il résulte des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers, du code du travail et du code pénal citées au point 12, dans leur rédaction alors en vigueur, que le cumul des contributions, s'agissant des personnes morales, ne peut excéder la somme de 75 000 euros par étranger employé sans titre l'autorisant à travailler. Le moyen tiré de ce que le montant total des sanctions pécuniaires, lequel s'inscrit dans la limite du plafond de l'amende prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 34 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, qui a remplacé ces contributions, ne pourrait excéder le seuil de 15 000 euros doit ainsi être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFII est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé les titres de perceptions émis le 20 décembre 2019.

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Office français de l'immigration au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 19 décembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société RZF devant le tribunal administratif de Melun et le surplus de la requête de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à la société RZF et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00811


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00811
Date de la décision : 21/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06-02-02 ÉTRANGERS. - EMPLOI DES ÉTRANGERS. - MESURES INDIVIDUELLES. - CONTRIBUTION SPÉCIALE DUE À RAISON DE L'EMPLOI IRRÉGULIER D'UN TRAVAILLEUR ÉTRANGER. - CONTRIBUTION SPÉCIALE (ART. L. 8253-1 DU CODE DU TRAVAIL) ET CONTRIBUTION FORFAITAIRE REPRÉSENTATIVE DES FRAIS DE RÉACHEMINEMENT DE L'ÉTRANGER DANS SON PAYS D'ORIGINE (ART. L. 626-1 DU CESEDA) - COMPÉTENCE - ETAT, DÈS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 28 DÉCEMBRE 2018 DE FINANCES POUR 2019, EN DÉPIT DE L'ABSENCE DE MODIFICATION DES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION ([RJ1]).

335-06-02-02 Il résulte des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de l'article 245 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 que l'Etat est ordonnateur, respectivement, de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire dues en cas d'emploi irrégulier d'un travailleur étranger. Conformément aux dispositions du II du même article 245, ces dispositions législatives sont entrées en vigueur le 1er janvier 2018. Le législateur a ainsi transféré de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'Etat l'ordonnancement des contributions spéciale et forfaitaire et, à ce titre, la liquidation et l'émission des titres de perception correspondant. Par suite, les dispositions des articles R. 5223-24 et R. 8253-4 du code du travail et R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui confiaient au directeur général de l'OFII la liquidation de ces contributions et l'émission des titres de perception correspondant, étaient incompatibles avec ces dispositions législatives et ne pouvaient plus recevoir application à compter de l'entrée en vigueur de celles-ci, le 1er janvier 2018, et ce jusqu'à leur modification par le décret du 26 février 2020. Le ministre de l'intérieur était ainsi compétent, dès le 1er janvier 2018, pour émettre les titres de perception.


Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-21;24pa00811 ?
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