Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 août 2023 par lequel le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de changement de statut " étudiant " vers celui de " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2321306/6-2 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er janvier et 16 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Tchiakpe, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 août 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 70 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jours de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles du point 26 de l'annexe 10 de ce code.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante malienne née le 6 septembre 1998 est entrée en France le 23 septembre 2018 munie d'un visa long séjour valant titre de séjour " étudiant ", régulièrement renouvelé jusqu'au 16 janvier 2023. Le 23 février 2022, elle a sollicité le changement de son titre de séjour " étudiant " vers celui portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", demande qui lui a été refusée au motif de l'incomplétude de son dossier, l'intéressée se voyant néanmoins délivrer un titre de séjour " étudiant " valable jusqu'au 16 janvier 2023. Le 27 décembre 2022, Mme A... a de nouveau sollicité le changement de son titre de séjour " étudiant " vers celui portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ". Par un arrêté du 25 août 2023, le préfet de police de Paris a refusé de lui accorder le changement de statut sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 30 novembre 2023, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de l'ordonnance du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur du 1er mai 2021 au 28 janvier 2024 : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie (...) avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...), se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur / 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches ". Aux termes de l'article R. 313-11-1 du même code, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er mai 2021 : " Pour l'application du 1° du I de l'article L. 313-8, l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " présente à l'appui de sa demande, outre les pièces prévues aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes (...) 2° Un diplôme, obtenu dans l'année, au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...) La liste des diplômes au moins équivalents au grade de master est établie par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche ". Aux termes de l'article R. 431-11 du même code en vigueur depuis le 1er mai 2021 : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ". En vertu du point 26 de l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de l'arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV de ce code, doit être présenté, à l'appui d'une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi/création d'entreprise ", un : " (...) - diplôme de grade au moins équivalent au master ou diplômes de niveau I labellisés par la Conférence des grandes écoles ou diplôme de licence professionnelle obtenu dans l'année dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national ou attestation de réussite définitive au diplôme (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à Mme A..., titulaire d'un diplôme de master " Manager de l'achat international " depuis le 22 avril 2021, la délivrance d'un titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " le préfet de police de Paris s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée présentait, à l'appui de sa demande formée le 27 décembre 2022, un diplôme obtenu un an et huit mois plus tôt alors que le point 26 de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fixe les pièces justificatives à fournir dans le cadre de la demande de changement de statut " étudiant " à " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", exige la présentation d'un diplôme obtenu dans l'année.
4. Toutefois, depuis le 1er mai 2021 et l'abrogation des dispositions précitées de l'ancien article R. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est plus exigé par aucun texte législatif ou réglementaire que l'étranger dépose sa demande dans un délai d'un an à compter de l'obtention de son diplôme. Par suite, en se fondant sur le point 26 de l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que ce document a pour seul objet de récapituler les pièces justificatives à fournir selon les catégories de titre de séjour et ne saurait ajouter une condition supplémentaire à l'octroi du titre sollicité, le préfet de police a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Eu égard au motif d'annulation de la décision contestée, et alors qu'il résulte de l'instruction que la situation de Mme A... n'a pas évolué, en fait ou en droit, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative lui délivre un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi " / " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2321306/6-2 du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 25 août 2023 du préfet de police de Paris sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou à tout autre préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi " / " salarié ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.
Copie en sera adressée, par application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.
La rapporteure,
A. Collet La présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA0001 2