Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2305480/8 du 19 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2305480/8 du 19 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 du préfet de police de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer pendant cette période une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure dès qu'il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendue de manière collégiale ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle est fondée ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste au regard des conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été transmise au préfet de police de Paris qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 16 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, né le 1992, est entré en France le 17 février 2017 selon ses déclarations. Il a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 décembre 2022, le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement du 19 juillet 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 décembre 2022 :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce même code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Enfin, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII, de leur missions, prévues à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 (...) ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. A... le renouvellement de son titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet de police de Paris s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 16 novembre 2022 qui précisait que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Côte d'Ivoire. M. A... est atteint d'une hépatite B découverte au mois d'octobre 2019, il est également suivi pour une cytolyse en cours d'exploration et bénéficie d'un traitement médicamenteux à base de Viread, dont le générique est le Ténofovir, ainsi que d'un suivi en hépatologie semestriel et d'examens biologiques semestriels et soutient qu'il n'aura pas accès à ce traitement dans son pays d'origine. M. A... produit des certificats médicaux datés des 5 janvier 2022, 15 février 2023 et 20 novembre 2023, émanant de praticiens hospitaliers du service d'hépato-gastro-entérologie du groupe intercommunal Le Raincy Montfermeil ou du service d'hépatologie de l'hôpital Avicenne faisant apparaître qu'il y est pris en charge et qu'une atypie de sa maladie hépatique nécessite des explorations " sur-spécialisées ". Le certificat du 5 janvier 2022 précise que le traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine. M. A... a également versé aux débats le rapport biennal 2020-2021 établi par l'OMS en Côte d'Ivoire, faisant apparaître que 90 % des donneurs de sang testés positifs à l'hépatite virale B et C n'y sont pas traités et que le dépistage et le traitement ne sont pas financièrement accessibles aux malades. M. A... produit des publications émanant notamment de la société française de médecine d'urgence faisant apparaître que, dans le pays d'origine de M. A..., l'accès aux antirétroviraux n'est effectif que pour une infime minorité des patients. Il produit également des éléments émanant des laboratoires qui produisent et commercialisent son traitement corroborant l'absence de commercialisation en Côte d'Ivoire du Ténofovir. Au vu des éléments ainsi produits, qui laissent présager que M. A... ne pourra bénéficier effectivement en Côte d'Ivoire d'un traitement et d'une surveillance adaptés à son état de santé en Côte d'Ivoire et à défaut pour le préfet d'apporter dans l'instance des arguments de nature à mettre sérieusement en cause cette description, ce dernier doit être regardé comme ayant fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police de Paris du 8 décembre 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rochiccioli, avocat de M. A..., de la somme de 1 200 euros sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2305480/8 du 19 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 8 décembre 2022 du préfet de police de Paris sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou à tout autre préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Rochiccioli, avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.
Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, par application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.
La rapporteure,
A. Collet La présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04880