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21/10/2024 | FRANCE | N°23PA04216

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 21 octobre 2024, 23PA04216


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de

vingt-quatre mois.



Par un jugement n° 2315804/4-1 du 6 septembre 2023, la magistrate...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2315804/4-1 du 6 septembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Fournier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 septembre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, notamment au regard de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée en avril 2023 et qui est recevable ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 33 de la convention de Genève et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant bangladais né le 1er janvier 1995, a présenté le 21 avril 2020 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 29 janvier 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2023. Par un arrêté du 1er juin 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'issue de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement du 6 septembre 2023, dont M. A... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus d'admission au séjour de M. A... au titre de l'asile et la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. En premier lieu, les décisions en litige visent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier le 4° de l'article L. 611-1 de ce code. Par ailleurs, les décisions mentionnent que la demande d'asile de M. A..., enregistrée le 21 avril 2020, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 29 janvier 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2023. Elles précisent en outre que M. A..., qui a été invité à indiquer s'il estimait pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre que l'asile et, dans l'affirmative, à déposer sa demander dans un délai de deux mois ou, si sa demande se fonde sur les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de trois mois conformément aux dispositions des articles L. 431-2 et D. 431-7 du même code, n'a pas déposé de demande de titre de séjour dans le délai qui lui était imparti, et qu'il ne peut donc solliciter son admission au séjour. En outre, les décisions en litige n'ont pas à mentionner l'ensemble des éléments de la situation de l'intéressé dont l'administration a connaissance, mais seulement ceux sur lesquels elle entend fonder ses décisions. Il s'ensuit qu'à supposer que le préfet de la Seine-Saint-Denis ait été informé de la " demande de dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour " formée par l'intéressé auprès des services de la préfecture de police de Paris le 8 avril 2023 et de sa situation professionnelle, il n'était pas tenu de reprendre l'ensemble de ces éléments qui ne fondent pas le rejet de la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de l'intéressé, ni la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, les décisions en litige comportent l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre, à son égard, une mesure d'éloignement. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause et ne fait pas valoir d'éléments nouveaux. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il revient à l'intéressée, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile. Dès lors, il ne pouvait ignorer, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tendait à son maintien régulier sur le territoire français, qu'en cas de rejet de sa demande, il pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement assortie d'une décision fixant le pays de destination. Ainsi, il lui appartenait, au cours de l'instruction de cette demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux de nature à justifier son admission au séjour, y compris sur un autre fondement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait informé le préfet de la Seine-Saint-Denis du dépôt de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et de sa situation professionnelle. Le droit pour M. A... d'être entendu, ainsi satisfait, n'imposait pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français prise en conséquence du refus d'admission au séjour au titre de l'asile. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

5. En troisième lieu, à supposer même que le préfet de la Seine-Saint-Denis ait été informé de la " demande de dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour " formée par l'intéressé auprès des services de la préfecture de police de Paris le 8 avril 2023, la seule circonstance qu'il ne mentionne pas cette demande dans les décisions en litige n'est pas de nature, alors qu'il était saisi de la seule demande d'admission au séjour au titre de l'asile de M. A... et que la délivrance d'un titre de séjour dans le cadre d'une admission exceptionnelle au séjour n'est pas de droit, à démontrer qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. Il ressort, au contraire, des pièces du dossier que le préfet a procédé à l'examen complet de la situation personnelle de M. A....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ;/ (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. A... le 21 avril 2020, ainsi qu'il a déjà été dit, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 29 janvier 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2023, notifiée le 13 avril 2023. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement rejeter la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de M. A... et prendre à son encontre, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision portant obligation de quitter le territoire français, ce qui au demeurant n'est pas contesté par le requérant.

8. Il ressort des termes de la décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile que le préfet de la Seine-Saint-Denis a relevé, en se fondant sur les dispositions des articles L. 431-2 et D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A... n'avait pas déposé de demande de titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la présentation de sa demande d'asile et qu'ainsi, il ne pouvait solliciter son admission au séjour. Ces mentions sont, ainsi que le soutient M. A..., erronées dès lors que les dispositions des articles L. 431-2 et D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas encore entrées en vigueur à la date du dépôt de la demande d'asile de l'intéressé le 21 avril 2020, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait été, et pour cause, dûment informé lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, de la condition tenant au délai de deux mois, et qu'il a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour auprès des services de la préfecture de police de Paris. Toutefois, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a tiré aucune conséquence de ces mentions erronées quant à la demande d'admission de séjour au titre de l'asile de M. A... alors que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé pouvait se voir attribuer de plein un titre de séjour, ce qui aurait fait obstacle à l'édiction d'une décision l'obligeant à quitter le territoire. Si M. A... a présenté une " demande de dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour " auprès des services de la préfecture de police de Paris le 8 avril 2023, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour et cette demande ne saurait faire obstacle à l'édiction d'une décision portant obligation de quitter le territoire. Eu égard à ce qui a déjà été dit, les mentions erronées de la décision en litige selon lesquelles l'intéressé ne pourrait pas solliciter son admission au séjour ne sauraient, pour l'avenir, conditionner la recevabilité de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.

9. En cinquième lieu, M. A... soutient que, compte tenu de son insertion professionnelle, il remplit les conditions justifiant son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le requérant ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre du refus de son admission au séjour au titre de l'asile et de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que celles-ci ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui justifie d'une ancienneté sur le territoire français de trois ans et deux mois à la date de la décision contestée, exerce depuis le 1er juillet 2021, une activité professionnelle à temps complet en qualité de serveur. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, en particulier du questionnaire adressé à la préfecture de police de Paris au soutien de sa demande de rendez-vous, que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille en France alors qu'il n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents. Dans ces conditions, eu égard à l'absence de liens personnels de M. A... sur le territoire français et compte tenu du caractère relativement récent de son activité professionnelle à la date des décisions en litige, en prenant les décisions en litige, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté, eu égard aux objectifs poursuivis par cette mesure, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce qu'en édictant les décisions en litige, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle, doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale par voie de conséquence.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".

15. La décision fixant le pays à destination duquel le requérant pourra être éloigné d'office vise l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne la nationalité de M. A... et porte l'appréciation selon laquelle elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : " 1. Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger obligé de quitter le territoire de s'assurer, sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. M. A... soutient que son retour au Bangladesh l'exposerait à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants et produit afin d'étayer ces affirmations un certificat médical daté du 12 mai 2022 émanant d'un médecin généraliste qui, d'une part, reprend les déclarations du requérant selon lesquelles il aurait été victime de violences en raison de sa religion, l'hindouisme, notamment en septembre 2017 et en décembre 2018 ainsi que d'une tentative de spoliation de son terrain, et, qu'accusé à tort de meurtre en 2019, il a dû fuir son pays et, d'autre part, mentionne que les séquelles constatées, notamment une cicatrice à la tempe gauche et des douleurs, sont compatibles avec les faits allégués. Toutefois, ce seul certificat médical est insuffisant pour établir la réalité des craintes alléguées par l'intéressé, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, en décidant que l'intéressé pourrait être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les stipulations précitées.

18. En dernier lieu, eu égard aux motifs énoncés au point précédent, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. A....

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre-mois :

19. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

20. Compte tenu de l'intégration professionnelle de l'intéressé, telle qu'exposé au point 11, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé se serait soustrait à une précédente mesure d'éloignement, ni que son comportement serait constitutif à une menace à l'ordre public, en prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre l'interdiction de retour sur le territoire français, que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Le jugement attaqué doit être donc être annulé dans cette mesure.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

22. L'annulation de la décision du 1er juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois, prononcée par le présent arrêt, n'implique pas le réexamen de sa situation, ni la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour mais seulement l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou tout autre préfet territorialement compétent, de faire procéder à cet effacement dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel.

24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. A... demande sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2315804/4-1 du 6 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 1er juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.

Article 2 : La décision du 1er juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois est annulée.

Article 3 : Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de faire procéder à l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.

La rapporteure,

V. LarsonnierLa présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04216 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04216
Date de la décision : 21/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : FOURNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-21;23pa04216 ?
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