Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 2300304/8 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 7 août et 6 novembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Taleb, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300304/8 du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour avis sur l'état de santé de son enfant mineur ;
- le préfet de police de Paris s'est cru à tort en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation et celle de son enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 6 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 18 septembre 1974, est entré en France une première fois le 6 janvier 2016 muni de son passeport revêtu d'un visa court séjour. Il a bénéficié d'un certificat de résidence pour des motifs médicaux, valable du 17 septembre 2018 au 16 septembre 2019, dont le renouvellement a été refusé par un arrêté du 4 août 2020. Il a présenté, le 11 avril 2022, une nouvelle demande de titre de séjour pour les mêmes motifs. Par un arrêté du 31 août 2022, le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement n° 2300304/8 du 12 avril 2023, dont M. A... B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 31 août 2022 du préfet de police de Paris :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... est entré en France le 6 janvier 2016. Il est atteint de la maladie des exostoses multiples se traduisant par des excroissances osseuses multiples irréversibles affectant ses membres supérieurs et inférieurs et qui l'a conduit à subir plusieurs opérations chirurgicales le 6 octobre 2016, le 13 février 2017, le 3 décembre 2017, en 2018, ainsi que le 2 février 2021 afin d'endiguer l'apparition et la prolifération de tumeurs cancéreuses osseuses. Il fait l'objet d'une prise en charge médicale régulière et de suivis postopératoires au sein du service spécialisé en chirurgie orthopédique, oncologique et traumatologique du pôle ostéo-articulaire de l'hôpital Cochin - Port-Royal AP-HP. Il est, en outre, titulaire d'une carte mobilité inclusion, mention invalidité valable jusqu'au 21 mars 2029. Il est le père d'un enfant de nationalité algérienne, né le 29 juin 2005 et âgé de dix-sept ans à la date de la décision contestée, enfant avec qui il vit sur le territoire français depuis au moins l'année 2016. Ce dernier est atteint de la même pathologie que celle dont souffre le requérant. Il fait l'objet d'une prise en charge régulière et d'un suivi spécialisé au sein du service d'orthopédie et de traumatologie pédiatriques de l'hôpital universitaire Necker - Enfants malades et a subi une opération chirurgicale le 14 mai 2019. Il a, en outre, été titulaire, entre le 30 juin 2020 et le 31 juillet 2021, d'une carte mobilité inclusion, mention priorité. Enfin, il a été scolarisé au collège entre 2016 et 2021, a obtenu le diplôme national du brevet le 7 juillet 2021 et, à la date de l'arrêté, était scolarisé en première professionnelle en vue de l'obtention d'un baccalauréat spécialisé en " Animation Enfance et Personnes Âgées ". Au vu de ces éléments et dans les circonstances particulières de l'espèce tenant à la pathologie chronique invalidante évolutive dont le requérant et son fils sont atteints et à la prise en charge dont ils font actuellement l'objet, et quand bien même son épouse et son autre enfant résident en Algérie, M. A... B... est fondé à soutenir que le préfet de police de Paris en lui refusant par l'arrêté du 31 août 2022 la délivrance d'un certificat de résidence, a entaché d'erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle. Par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposé par le même arrêté est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
3. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Eu égard au motif d'annulation de la décision contestée, et sous réserve que la situation de M. A... B... n'ait pas évolué, en fait ou en droit, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative lui délivre un certificat de résidence. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... B... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
5. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Taleb, avocat de M. A... B..., de la somme de 1 200 euros sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300304/8 du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 31 août 2022 du préfet de police de Paris sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou à tout autre préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... B... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Taleb, avocat de M. A... B..., la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.
Copie en sera adressée, par application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.
La rapporteure,
A. Collet La présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA03599