Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 mars 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable contre la décision du 3 août 2020 de la ministre des armées rejetant ses demandes tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités pensionnées, infirmités nouvelles et majoration à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne, de lui attribuer la majoration de pension à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne et d'ordonner une expertise confiée à un chirurgien orthopédiste aux fins de déterminer si ses infirmités nouvelles sont imputables au service.
Par un jugement n° 2111055/5-4 du 2 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Haushalter, demande à la cour d'annuler ce jugement et de faire droit à sa demande.
Il soutient que :
- pour lui refuser l'attribution de la majoration de pension pour assistance d'une tierce personne, la commission de recours de l'invalidité s'est fondée sur un certificat médical incomplet et sur un avis de la commission consultative médicale erroné ;
- eu égard aux blessures en service mentionnées dans son état des services et dans son livret médical, au certificat médical établi le 21 juin 2019 à l'appui de sa demande de pension pour infirmités nouvelles et au rapport de l'expertise réglementaire du 3 mars 2020, la commission de recours de l'invalidité ne pouvait s'en tenir à l'avis du médecin et de la commission consultative médicale pour rejeter sa demande sans demander un complément d'expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., né le 12 août 1941, entré en service le 16 septembre 1960 et radié des contrôles le 13 juin 1987, a été affecté notamment au centre d'entraînement des réservistes parachutistes au titre du centre d'instruction des nageurs de combat à Ajaccio du 1er mars 1965 au 30 juin 1974 et au centre d'entraînement des réservistes parachutistes du 17 août 1981 au 3 février 1985. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive concédée le 27 décembre 2010 à compter du 24 novembre 2009 au taux global de 100 % + 3°, d'une part, pour les séquelles d'une chorio-rétinite bilatérale au taux de 100 % et, d'autre part, pour les séquelles d'un traumatisme du genou gauche au taux de 25 %. Le 19 novembre 2018, il a présenté une première demande de révision de sa pension pour aggravation de la chorio-rétinite bilatérale et majoration à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne. Le 6 août 2019, il a présenté une seconde demande de révision de sa pension pour aggravation des séquelles du traumatisme du genou gauche et infirmités nouvelles résultant d'une gonarthrose droite et de lombalgies avec fessalgie gauche. Par une décision du 3 août 2020, la ministre des armées a rejeté ses demandes. Le 1er décembre 2020, M. A... a formé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision en tant qu'elle porte sur la majoration à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne et sur les infirmités nouvelles. Par une décision du 17 mars 2021, la commission de recours de l'invalidité a rejeté ce recours. M. A... relève appel du jugement du 2 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mars 2021, à ce que lui soit attribué la majoration de pension à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne et à ce que soit ordonnée, avant dire droit, une expertise confiée à un chirurgien orthopédiste aux fins de déterminer si ses infirmités nouvelles sont imputables au service.
Sur les infirmités nouvelles :
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; / 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ;/ 4° Toute maladie constatée au cours d'une guerre, d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national, à compter du quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi du militaire dans ses foyers. En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'à compter du quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. ". L'article L. 121-2-1 du même code dispose : " (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux précités lorsque le militaire ou ses ayants cause établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions. ".
3. Il résulte de ces dispositions que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité pré-existante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service.
4. Il ressort du rapport d'expertise du 3 mars 2020 du docteur D..., chirurgien orthopédiste désigné dans le cadre de la deuxième demande de révision présentée par M. A..., qu'à la date de cette demande, le 6 août 2019, celui-ci était atteint d'une gonarthrose droite et d'une discopathie protrusive étagée à l'origine de lombalgies avec fessalgie gauche. Le taux d'invalidité correspondant aux infirmités en résultant peut être fixé, respectivement, à 20 % et à 15 %. M. A..., qui se prévaut de l'état de ses services, de son livret médical, du certificat médical établi le 21 juin 2019 à l'appui de sa demande de pension pour infirmités nouvelles et du rapport d'expertise du 3 mars 2020, fait valoir qu'il a effectué de nombreux sauts en parachute et plongées sous-marines et qu'il a subi de nombreuses blessures en service entre 1963 et 1973. Il soutient que la commission des recours de l'invalidité ne pouvait conclure au défaut d'imputabilité de ces infirmités sans demander un complément d'expertise médicale et demande qu'une expertise confiée à un chirurgien orthopédiste soit ordonnée aux fins de déterminer si ses infirmités nouvelles sont imputables au service.
5. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que ni la gonarthrose droite ni la discopathie dont M. A... souffre n'ont été constatées par suite d'un accident de service ou d'une maladie contractée en service. Il n'est par ailleurs pas allégué que ces pathologies figurent sur les tableaux de maladies professionnelles de la sécurité sociale, visées au 3° de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, M. A... ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service.
6. D'autre part, il résulte également de l'instruction, notamment de l'avis rendu le 5 mai 2020 par le médecin conseil expert des pensions militaires d'invalidité, que les blessures reçues par M. A... et constatées en service, en particulier les entorses de la cheville droite subies en 1963, 1968, 1970 et 1971 et le traumatisme coccygien subi en 1971, n'avaient pas pour siège le genou droit ou la région lombaire et ne peuvent être regardées comme ayant causé cette gonarthrose droite et cette discopathie. Le médecin conseil estime par ailleurs, s'agissant de la gonarthrose droite, que " les dégâts traumatiques du genou gauche sont un facteur favorisant, mais ni déclenchant, ni aggravant " et, s'agissant de la lombalgie avec fessalgie, que " les discopathies avec canal secondaire étroit ne peuvent [pas] être rattachées [...] aux infirmités pensionnées ". Alors que ni le certificat médical du 21 juin 2019, non circonstancié sur ce point, ni le rapport d'expertise du 3 mars 2020, qui ne se prononce pas sur l'imputabilité des infirmités qui y sont décrites, ne sont de nature à établir l'imputabilité au service de ces pathologies, M. A... ne produit aucun élément susceptible de remettre en cause cette appréciation et de justifier qu'une expertise soit ordonnée sur ce point.
Sur la majoration à titre d'allocation pour l'assistance constante d'une tierce personne :
7. Aux termes de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie et qui, vivant chez eux, sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension. / (...) ". Aux termes de l'article R. 133-1 du même code : " Le droit à la majoration de pension mentionnée à l'article L. 133-1 est examiné par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre, soit au moment où il est statué sur le degré d'invalidité dont l'intéressé est atteint, soit à la demande de l'intéressé. / Il est révisable tous les trois ans, après examens médicaux, même lorsque la pension a un caractère définitif, si l'incapacité à se mouvoir, à se conduire ou à accomplir les actes essentiels de la vie n'a pas été reconnue définitive ".
8. D'une part, si ces dispositions ne peuvent être interprétées comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes nécessaires à la vie courante, elles imposent toutefois que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ou bien pour faire face soit à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé. D'autre part, si le bénéfice de ces dispositions en faveur des invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels à la vie ne peut être accordé que si la nécessité de l'aide constante d'une tierce personne est la conséquence directe et exclusive d'affections imputables au service, la nécessité d'une telle assistance peut résulter de l'ensemble des infirmités pensionnées, et pas seulement de l'une d'entre elles.
9. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale réalisée le 13 février 2020 par le professeur B..., médecin ophtalmologiste désigné dans le cadre de la première demande de révision présentée par M. A..., que celui-ci peut quitter son lit seul, se coucher seul, satisfaire seul ses besoins naturels, faire sa toilette seul, se vêtir seul totalement, se dévêtir seul totalement, manger et boire seul, marcher seul sans l'aide d'un tiers mais ne peut pas utiliser seul un moyen de transport individuel ou un moyen de transport collectif. Il en conclut que même si c'est de façon " précaire ", M. A... " est encore en possibilité d'accomplir les actes essentiels de la vie ". M. A... fait valoir qu'il ressort du rapport du professeur D... qu'il doit faire face à des manifestations imprévisibles au titre des séquelles de traumatisme du genou gauche, qui engendrent une " instabilité avec dérobement " et que cette constatation aurait également dû être prise en compte pour apprécier la nécessité d'une aide constante. Toutefois, d'une part, il résulte des dossiers de demande que M. A... n'a sollicité la majoration pour tierce personne qu'au titre de l'infirmité " séquelles d'une chorio-rétinite bilatérale ". De même, le certificat médical du 19 mars 2020 produit au dossier de l'instance par M. A... pour justifier la nécessité de la présence d'une tierce personne ne mentionne que son " état ophtalmologique ". D'autre part, les doléances de M. A... recueillies par le professeur D..., relatives à ses difficultés à marcher, ne contredisent pas les constatations opérées par le professeur B.... En tout état de cause, il résulte de l'expertise du docteur D... que les difficultés invoquées par M. A... résultent essentiellement des infirmités nouvelles dont il a été dit au point 6 qu'elles ne sont pas imputables au service, en particulier, s'agissant de la " sensation de jambes faibles à la marche (...) l'obligeant à se tenir à un appui ", de la discopathie protusive étagée. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a droit au bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 133-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées et des anciens combattants.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03455