Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... J..., Mme G... J..., Mme L... J... et Mme D... K... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser, en réparation des préjudices résultant de la prise en charge, le 26 janvier 2018, de M. N... J... par le service d'urgence ORL de l'hôpital Lariboisière, les sommes de 130 000 euros au titre des préjudices propres de M. N... J..., 70 000 euros au titre des préjudices de M. B... J..., 70 000 euros au titre des préjudices de Mme G... J..., 70 000 euros au titre des préjudices de Mme D... K... et 40 000 euros au titre des préjudices de Mme L... J..., à défaut, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser les mêmes sommes. La caisse primaire d'assurance maladie de Paris a demandé au tribunal de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 3 415 euros, assortie des intérêts au taux légal, correspondant au capital décès versé aux proches de la victime, et la somme de 1 080 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un jugement avant dire droit du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a ordonné une expertise.
Par un jugement n° 1906777/6-3 du 23 mars 2023, le tribunal a rejeté la demande des consorts J... et de Mme K....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mai, 30 août et 12 décembre 2023 et les 19 février et 17 septembre 2024, appuyés de pièces complémentaires enregistrées les 11 et 24 septembre 2024, les consorts J... et Mme K..., représentés par Me Bedois, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'AP-HP à verser la somme de 130 000 euros au titre des préjudices propres de M. N... J..., la somme de 82 000 euros à M. B... J... au titre de ses préjudices, la somme de 82 000 euros à Mme G... J... au titre de ses préjudices, la somme de 82 000 euros à Mme D... K... au titre de ses préjudices et la somme de 52 000 euros à Mme L... J... au titre de ses préjudices, ainsi que la somme de 14 191 euros au titre des frais d'obsèques.
3°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l'AP-HP aux entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif de Paris a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que le défaut d'enregistrement de la conversation téléphonique qui a eu lieu le 27 janvier à 00 heure 42 et le défaut d'identification de l'interlocuteur de M. J..., ne permettaient pas de savoir si un diagnostic correct avait été posé ;
- en l'absence de tout dossier médical, la faute dans l'organisation du service, l'erreur de diagnostic et le défaut de surveillance dont ils font état doivent être présumés ;
- l'hôpital a manqué à son obligation d'information ;
- ces fautes sont en lien direct avec le décès de M. N... J... ;
- la réparation des souffrances de la victime doit être arrêtée à la somme de 100 000 euros et celle de son préjudice d'impréparation à la somme de 30 000 euros ;
- la réparation de leur préjudice d'impréparation doit être arrêtée à la somme de 60 000 euros pour les parents et la compagne de la victime et à 30 000 euros pour sa sœur, celle du préjudice résultant de la perte du dossier médical par le versement d'une somme de 10 000 euros à chacun d'eux, tout comme celle de leurs troubles dans les conditions d'existence.
Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par l'AARPI Jasper avocats, agissant par Me Roquelle-Meyer, conclut à sa mise hors de cause.
Il soutient que les conditions de mise en œuvre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2023, appuyé d'une pièce complémentaire enregistrée le 5 février 2024, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les condamnations qui seraient prononcées soient ramenées à de plus justes proportions.
Elle soutient que les moyens soulevés par les consorts J... et Mme K... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, qui n'a pas produit d'observations.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'en omettant de se prononcer sur la charge définitive des frais d'expertise, le tribunal administratif de Melun a entaché son jugement d'irrégularité dans cette mesure.
Vu :
- le rapport des experts enregistré le 13 octobre 2022 ;
- l'ordonnance, en date du 1er février 2023, par laquelle le président du tribunal a liquidé et taxé les frais et honoraires des experts aux sommes de 1 549,22 euros et 1 000 euros respectivement ;
- les autres pièces du dossier,
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tordjmann, substituant Me Bedos, avocat des consorts J... et de Mme K....
Considérant ce qui suit :
1. M. N... J..., né le 24 septembre 1983, s'est rendu dans la soirée du 26 janvier 2018 au service des urgences ORL de l'hôpital Lariboisière. Une angine a été diagnostiquée et un traitement incluant notamment un antibiotique et des antalgiques a été prescrit. Au cours de la nuit, à une heure moins vingt, alors que M. N... J... se plaignait d'une douleur intense, ses parents ont appelé l'hôpital, au numéro qui avait été communiqué à leur fils lors de la consultation, et il leur a été conseillé, dans l'attente que le traitement fasse effet, que leur fils procède à des gargarismes d'eau et d'Hextril. A trois heures du matin, le 27 janvier 2018, M. N... J... a été victime d'un œdème oropharyngé qui a occasionné son décès. M. B... J... et Mme G... J..., parents de la victime, Mme L... J..., sœur de la victime et Mme D... K..., compagne de la victime, ont, par un courrier daté du 12 décembre 2018, demandé à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) de les indemniser des préjudices résultant des fautes commises, selon eux, dans la prise en charge de M. N... J.... L'AP-HP n'ayant pas fait droit à leur demande, les consorts J... et Mme K... ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande indemnitaire. Par un jugement du 21 janvier 2021, le tribunal administratif a ordonné, avant dire droit, une expertise en vue de déterminer l'existence de fautes commises par l'AP-HP dans la prise en charge de M. N... J... ou celle d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale. Les experts ont déposé leur rapport le 13 octobre 2022. Par un jugement du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande des consorts J... et de Mme K.... Ceux-ci relèvent appel de ce jugement.
Sur le principe de la responsabilité :
2. Aux termes des dispositions l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
3. L'incapacité d'un établissement de santé à communiquer aux experts judiciaires l'intégralité d'un dossier médical n'est pas, en tant que telle, de nature à établir l'existence de manquements fautifs dans la prise en charge du patient. Il appartient en revanche au juge de tenir compte de ce que le dossier médical est incomplet dans l'appréciation portée sur les éléments qui lui sont soumis pour apprécier l'existence des fautes reprochées à l'établissement dans la prise en charge du patient.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. N... J... est décédé non pas des suites d'un œdème de Quincke, comme indiqué par l'équipe des structures mobiles d'urgence et de réanimation au moment du décès, qui aurait résulté d'une réaction allergique à l'antibiotique qui lui avait été prescrit lorsqu'il s'est rendu aux urgences de l'hôpital Lariboisière, mais d'un œdème pharyngolaryngé. Les requérants soutiennent, en produisant à l'appui de leurs dires, notamment, une note du professeur H..., exerçant au sein du service de médecine légale de l'hôpital de la Timone, rattaché à l'AP-HM, que M. N... J... présentait déjà, lors de son passage aux urgences à 20 heures 15, les principaux symptômes d'un phlegmon périamygdalien et / ou d'une infection préstylienne et que ceux-ci n'ont pas été détectés parce que l'interne qui a vu M. N... J... n'aurait pas procédé à un examen endobuccal ni même examiné le cou de l'intéressé auquel il n'aurait pas demandé d'enlever son écharpe. Ils soutiennent également que lors de l'appel téléphonique passé par les parents de M. N... J... à 0 heure 42, ceux-ci ont fait part d'éléments montrant que les symptômes existants s'étaient aggravés et que d'autres symptômes, notamment les troubles respiratoires étaient apparus, et que ces informations auraient dû conduire leur interlocuteur à préconiser une nouvelle consultation ou que les secours soient alertés. De son côté, l'AP-HP soutient, en se référant au rapport d'expertise, au courrier du 18 avril 2018 du professeur E..., chef du service ORL de l'hôpital Lariboisière, et une note émanant du professeur I... A..., sur laquelle aucune précision n'est apportée, en date du 22 novembre 2023, que l'interne a nécessairement procédé à un examen endobuccal, que le diagnostic initial d'angine était pertinent eu égard aux symptômes présentés par M. N... J... à ce moment, et que même si ce type de complication paraît exceptionnel, surtout chez un homme jeune, celui-ci a vraisemblablement présenté une diffusion brutale d'un œdème de la paroi pharyngée et/ou d'une suppuration qui ne pouvait pas être détectée ni lors de la consultation, ni lors de l'appel téléphonique de 0 heure 42, au cours duquel les informations transmises par les parents de M. N... J... ne permettaient pas d'envisager une telle complication.
5. D'une part, le sapiteur assistant l'expert, après avoir reconnu le caractère très exceptionnel d'une telle situation, conclut que M. N... J... a " vraisemblablement présenté une diffusion brutale d'un œdème de la paroi pharyngée et/ou d'une suppuration (collection de pus) depuis, soit l'espace périamygdalien (phlegmon périamygdalien), soit de l'espace parapharyngé pré-stylien(cellulite pré-stylienne) ", en partant du principe que M. N... J... a fait l'objet d'une prise en charge adéquate lors de son passage aux urgences et que " la situation initiale supposée, puisqu'il n'existe pas de rapport médical, correspond à une angine ". Il relève par ailleurs que " la diffusion d'une suppuration ou d'un œdème vers la région laryngée de manière aussi brutale et rapide (les symptômes principaux apparaissent entre minuit 40 et 3 heures du matin) est particulièrement exceptionnelle. Les quelques cas rapportés dans la littérature concernent d'ailleurs le plus souvent principalement des personnes âgées et/ou diabétiques ", alors qu'il est constant que ce n'était pas le cas de M. N... J.... Dans la note produite par l'AP-HP, le docteur A... mentionne une évolution " excessivement rapide " et conclut que " la cause du décès de M. J... n'apparaît pas claire ". Selon le professeur H..., dans la note produite par les consorts J..., " il n'existe pas de cas où une angine, chez une personne de cet âge, se compliquant d'une diffusion d'un œdème vers cette région, soit rapportée sur une durée aussi brève que le temps séparant la visite aux urgences à 20 heures 15 du décès à 3 heures du matin. / La probabilité que la situation initiale à 20 heures 15 corresponde à une simple angine non compliquée d'un phlegmon et/ou d'une infection préstylienne (tous deux visibles à l'examen endobbuccal) est inexistante. ".
6. D'autre part, il résulte également de l'instruction que le 26 janvier 2018, M. N... J... s'est rendu une première fois aux urgences de la clinique Conti d'Isle-Adam vers 9 heures du matin, où un antalgique et un anti-inflammatoire lui ont été prescrits. Devant la persistance de la douleur, M. N... J... s'est rendu en fin de soirée aux urgences de l'hôpital d'Eaubonne, qui l'a redirigé vers l'hôpital Lariboisière. Le docteur E... relève dans sa note que la mention " phlegmon " a été consignée dans le livret d'accueil. Même si cette mention a été portée avant qu'un diagnostic ne soit posé par un médecin et ne permet pas, à elle seule, de conclure à l'existence d'un tel phlegmon lors de l'arrivée de M. N... J... aux urgences, aucune explication n'est donnée sur ce qui a conduit l'hôpital d'Eaubonne à orienter M. N... J... vers l'hôpital Lariboisière, situé à 40 kilomètres de son domicile, alors qu'ainsi que le docteur E... le précise dans sa note, les symptômes ORL sont en principe pris en charge par les hôpitaux de proximité. Par ailleurs, les douleurs " à la gorge " ressenties par M. J... lors de son passage aux urgences ont été qualifiées d'intenses, et ont conduit à ce qu'en plus d'un antibiotique, plusieurs anti-douleurs lui soient prescrits dont du tramadol, qui est un analgésique de niveau 2. En outre, si l'AP-HP soutient que, lors de l'appel téléphonique des parents de M. N... J... à 0 heure 42 le 27 janvier 2018, ceux-ci ont seulement fait part des difficultés de leurs fils à " parler ", ceux-ci font valoir qu'ils ont mentionné des " difficultés à ouvrir la bouche et à articuler ". Il est constant que cet échange n'a pas été consigné. Alors que l'incapacité à articuler ou à parler peut faire référence aux troubles phonatoires qui peuvent accompagner un œdème oropharyngé, l'AP-HP n'indique ni l'identité de l'interlocuteur des époux J... ni comment le lien a pu être fait avec la consultation de 20 heures 15 aux urgences ORL de l'hôpital Lariboisière.
7. Aucun rapport de consultation n'a été établi à l'issue du passage de M. J... aux urgences ORL de l'hôpital Lariboisière. Eu égard à ce qui vient d'être dit aux points 5 et 6, et en l'absence de tout rapport médical ou de tout autre document permettant de contredire les allégations constantes des requérants relatives au caractère sommaire de l'examen auquel s'est livré l'interne de garde qui a examiné M. N... J..., et faute de toute explication alternative satisfaisante de la rapidité fatale de la dégradation de son état, les éléments avancés par les appelants doivent être regardés comme suffisants pour permettre de considérer que les symptômes d'un phlegmon périamygdalien et / ou d'une infection préstylienne existaient déjà lors de son arrivée aux urgences ORL de l'hôpital Lariboisière le 26 janvier 2018 à 20 heures 15 et qu'ils n'ont pas été détectés lors de sa prise en charge par l'hôpital. Le dysfonctionnement du service ainsi décrit, qui a empêché une prise en charge adéquate de M. N... J..., constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP. Les appelants sont, par suite, fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que cette prise en charge était exempte de faute.
Sur le lien de causalité :
8. Dans le cas où une faute commise lors de la prise en charge d'un patient dans un établissement de santé a seulement compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, en raison de ce que le dommage corporel avait une certaine probabilité de survenir en l'absence de faute commise par l'établissement, le préjudice résultant de cette faute n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. En revanche, lorsque le dommage corporel ne serait pas survenu en l'absence de la faute commise par l'établissement, le préjudice qui en résulte doit être intégralement réparé.
9. Il résulte du rapport d'expertise que si le phlegmon de M. N... J... avait été diagnostiqué à temps et s'il avait été traité avant l'apparition de l'œdème laryngé et des difficultés respiratoires qui ont causé son décès, il ne serait pas décédé. Le sapiteur indique ainsi que " si une ponction évacuatrice avait été réalisée avant la survenue d'une difficulté respiratoire, cette difficulté respiratoire ne serait pas survenue et le décès aurait pu être évité. Cela sous-tend la possibilité d'en faire le diagnostic en amont ". Plus généralement, le rapport d'expertise se réfère à une étude de 2016 portant sur le cas des complications les plus graves de phlegmons périamygdaliens, qu'il s'agisse de la diffusion cervicale ou, plus rarement de diffusions avec œdème laryngé, selon laquelle aucun décès n'a été constaté. Il s'en suite que le défaut de prise en charge fautif lors de la consultation aux services des urgences de l'hôpital Lariboisière est à l'origine directe des difficultés respiratoires qui ont provoqué le décès de M. N... J.... Par suite, les préjudices résultant de l'aggravation de l'état de santé et du décès de M. N... J... doivent être intégralement réparés.
Sur l'évaluation des préjudices :
10. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers.
En ce qui concerne les préjudices personnels de M. N... J... :
11. Eu égard aux conditions dans lesquelles le décès de M. N... J... est survenu et à l'intensité, relevée notamment par le rapport d'expertise, des douleurs liées au phlegmon puis, surtout, à l'œdème laryngé et aux difficultés respiratoires qui en ont résulté, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et morales subies par M. N... J..., en ce comprises les souffrances induites par la conscience d'une morte imminente, que les requérants désignent à tort sous le terme de " préjudice d'impréparation ", en l'indemnisant à hauteur de 10 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices de M. C... J... et de Mme G... J... :
Quant aux frais d'obsèques :
12. Si M. et Mme J... réclament une indemnité de 14 191 euros au titre des frais d'obsèques de M. N... J..., il ressort des factures qu'ils ont produites à l'appui de leur demande que ces frais, qui ne présentent pas un caractère somptuaire ou excessif, englobent, outre les frais funéraires proprement dits et les frais de publication, des frais de réalisation d'un caveau familial qui ne peuvent être intégralement pris en compte dès lors qu'ils ne sont pas en lien strict avec le décès et l'inhumation, et qui doivent donc être réduits de 75 % compte tenu du nombre de places. Ainsi, il y a lieu d'accorder à M. et Mme J... une somme de 7 817 euros.
Quant aux préjudices d'affection et aux troubles dans les conditions d'existence :
13. Eu égard aux développements articulés par les appelants sous les intitulés impropres " préjudice d'impréparation " et " préjudice résultant de la perte du dossier médical " M. et Mme J... doivent être regardés comme demandant, en réalité, la réparation de leur préjudice d'affection.
14. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par M. B... J... et Mme G... J... en leur allouant à ce titre, chacun, la somme de 6 500 euros.
15. En revanche, les intéressés ne justifient pas de troubles dans les conditions d'existence ni, à supposer qu'ils aient entendu demander la réparation de ce chef de préjudice, eu égard aux conditions dans lesquelles le décès de M. J... est intervenu, en quelques heures, d'un préjudice d'accompagnement dont ils seraient fondés à demander la réparation.
En ce qui concerne les préjudices de Mme L... J... :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par Mme L... J..., sœur de la victime, en lui allouant à ce titre la somme de 4 000 euros.
17. En revanche, Mme L... J... ne justifie pas de troubles dans les conditions d'existence ni, à supposer qu'elle ait entendu demander la réparation de ce chef de préjudice, d'un préjudice d'accompagnement dont elle serait fondée à demander la réparation.
En ce qui concerne les préjudices de Mme D... K... :
18. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par Mme D... K..., compagne de la victime et qui vivait en couple avec lui depuis trois mois au moment des faits en lui allouant à ce titre la somme de 5 000 euros.
19. En revanche, Mme D... K... ne justifie pas de troubles dans les conditions d'existence ni, à supposer qu'elle ait entendu demander la réparation de ce chef de préjudice, d'un préjudice d'accompagnement dont elle serait fondée à demander la réparation.
Sur l'obligation de l'ONIAM :
20. En vertu du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code.
21. Il résulte de ce qui précède que les dommages dont les requérants demandent la réparation sont en lien avec les fautes commises par l'AP-HP Par suite, l'ONIAM est fondé à demander sa mise hors de cause.
22. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que les appelants sont, dans les limites exposées ci-dessus, fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande dirigée contre l'AP-HP.
Sur les frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges :
23. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'État peut être condamné aux dépens. ".
24. Par une ordonnance du 1er février 2023, les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M. M..., expert, et par M. F..., sapiteur, ont été liquidés et taxés aux sommes respectives de 1 549,22 et de 1 000 euros. Le tribunal administratif de Paris ne s'est pas prononcé sur leur dévolution et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel. Par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise.
25. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre ces frais à la charge de l'AP-HP.
Sur les frais liés à l'instance :
26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros à verser conjointement aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1906777 du 23 mars 2023 est annulé en tant qu'il se prononce sur la demande des consorts J... et en tant que le tribunal a omis de statuer sur les frais d'expertise.
Article 2 : L'AP-HP est condamnée à verser à verser à la succession de M. N... J... la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis par ce dernier.
Article 3 : L'APHP est condamnée à verser la somme de 7 817 euros, au titre des frais d'obsèques, à M. B... et Mme G... J..., la somme de 6 500 euros à M. B... J..., la somme de 6 500 euros à Mme G... J..., la somme de 4 000 euros à Mme L... J... et la somme de 5 000 euros à Mme D... K....
Article 4 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme totale de 2 549,22 euros sont mis à la charge définitive de l'AP-HP.
Article 5 : L'AP-HP versera à M. B... J..., Mme G... J..., Mme L... J... et Mme D... K..., conjointement, la somme totale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... J..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02257