Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2023 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination pour son éloignement.
Par un jugement n° 2400637/3-3 du 9 avril 2024 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 13 mai 2024, 17 juillet 2024 et 16 septembre 2024 Mme B..., représentée par Me Boudjellal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2400637/3-3 du 9 avril 2024 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 décembre 2023 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la disponibilité des soins nécessités par son état de santé en Algérie ;
- elle ne peut faire l'objet d'une décision d'éloignement dès lors qu'elle peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à raison de sa vie privée et familiale en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2024 le préfet de police conclut au rejet de la requête.
- Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Le directeur général de l'OFII a produit des observations par un mémoire enregistré le 22 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les observations de Me Boudjellal pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née en 1960 et régulièrement entrée en France en juin 2017, a été mise en possession d'un titre de séjour en 2022 à raison de son état de santé. Par un arrêté du 11 décembre 2023, le préfet de police a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination pour son éloignement. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Pour refuser de renouveler le titre de séjour dont bénéficiait Mme B..., le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 2 octobre 2023, qui a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, Mme B... pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé existant en Algérie, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a levé le secret médical, a été prise en charge à compter de juin 2017 à l'hôpital Tenon à Paris pour le traitement, par chimiothérapie, d'un cancer pulmonaire de stade 4 avec localisation cérébrale associée à une maladie thrombo-embolique, pathologie dont la rechute, en novembre 2019, a été traitée par radio-chimiothérapie entre décembre 2019 et janvier 2020, et que depuis décembre 2020 et encore à la date de la décision attaquée, son état de santé fait l'objet d'une surveillance régulière spécialisée, avec réalisation d'un scanner et d'un examen clinique tous les quatre mois. Il ressort de ces mêmes pièces que trois des enfants de Mme B..., titulaires de cartes de résident, ainsi que 11 petits-enfants, de nationalité française, résident en France, où l'intéressée séjournait depuis plus de six années à la date de l'arrêté attaqué et où elle exerce une activité professionnelle d'aide à domicile depuis 2023. Dans ces conditions particulières, Mme B... est fondée à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle, et à en demander, pour ce motif, l'annulation, ainsi que celle des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination pour son éloignement, qui en procèdent, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
3. Compte tenu du motif d'annulation qu'il retient, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'autorité compétente délivre à Mme B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre de séjour à Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
4. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2400637/3-3 du 9 avril 2024 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 11 décembre 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 200 (mille deux cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Copie en sera adressée au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02149