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17/10/2024 | FRANCE | N°23PA05030

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 17 octobre 2024, 23PA05030


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2315849/6-3 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :

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Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 décembre 2023 et 26 avril 2024, M. C..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2315849/6-3 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 décembre 2023 et 26 avril 2024, M. C..., représenté par Me Gonzalez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement 16 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande de renouvellement de titre de séjour mention " passeport talent ", de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête de M. C....

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

ont été entendu au cours de l'audience publique :

-le rapport de M. B...,

- les observations de Me Gonzalez, représentant M. C..., présent à l'audience.

Une note en délibéré, présentée pour M. C..., a été enregistrée le 1er octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant vénézuélien né le 15 janvier 1982 à Caracas, est entré en France le 14 octobre 2015 muni d'un visa de long séjour étudiant. Il a bénéficié, du 15 octobre 2016 au 27 octobre 2020, d'une carte de séjour en qualité d'étudiant puis, du 25 novembre 2020 au 24 novembre 2022, d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent ". Il a sollicité, le 26 septembre 2022, le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 6 juin 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. C... fait appel du jugement du 16 novembre 2023 par lequel le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 juin 2023 :

2. En premier lieu, l'arrêté, qui vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en particulier son article L. 421-20, mentionne les motifs pour lesquels la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. C... est rejetée en indiquant que celui-ci ne justifie pas pour les années 2021 et 2022 de ressources principalement issues de son activité artistique en France et au moins équivalentes à 70 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance et ne présente au surplus pas de projet artistique concret pour les années à venir et ne peut en conséquence prétendre au renouvellement de son titre de séjour. L'arrêté litigieux précise également que M. C... se déclare célibataire et sans charge de famille en France et ne démontre pas être démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine ou à l'étranger et que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce il n'est pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. L'arrêté comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé alors même qu'il ne mentionne pas les projets professionnels de M. C... et les effets qu'a pu avoir l'épidémie de Covid-19 sur le secteur artistique et culturel. Par ailleurs, si le requérant soutient que cet arrêté ne mentionne pas la relation qu'il a nouée avec une ressortissante suisse, il n'établit pas avoir informé l'administration de l'existence de cette relation alors qu'il ressort du formulaire de demande de titre de séjour que l'intéressé avait indiqué être célibataire. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce la profession d'artiste-interprète, définie à l'article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle, ou qui est auteur d'une œuvre littéraire ou artistique mentionnée à l'article L. 112-2 du même code se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " d'une durée maximale de quatre ans, sous réserve de justifier du seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque cet étranger exerce une activité salariée, la délivrance du titre est conditionnée par la durée des contrats d'engagement conclus avec une entreprise ou un établissement dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'une œuvre de l'esprit. La durée minimale exigée pour la délivrance du titre est fixée par voie réglementaire. / Cette carte permet l'exercice de l'activité professionnelle ayant justifié la délivrance. ". L'annexe 10 à ce code précise que lorsque le demandeur exerce une activité non salariée, il doit produire à l'appui de sa demande de titre de séjour les " justificatifs de ressources, issues principalement (au moins 51 %) de l'activité, pour la période de séjour envisagée, pour un montant au moins équivalent à 70 % du SMIC brut pour un emploi à temps plein par mois de séjour en France. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un étranger demandeur d'une carte de séjour pluriannuelle " passeport talent " doit établir par tous moyens qu'il est en mesure de satisfaire à la condition de ressources suffisantes, non pas au cours de la période passée équivalente à la durée du titre demandé, mais sur la période de validité de l'autorisation qu'il demande. A cette fin, les revenus artistiques des années précédentes peuvent être utilement pris en compte à la condition qu'ils permettent de contribuer à déterminer le niveau de ressources futures retirées de l'activité artistique.

4. Il est constant qu'au cours des années 2021 et 2022 M. C..., qui exerce une activité de réalisateur dans le domaine du cinéma, n'a pas perçu des revenus au moins équivalents à 70 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) brut. Le requérant fait valoir que l'épidémie de Covid-19 a fortement impacté le secteur artistique et que plusieurs de ses projets, prévus en 2020, n'ont pu être réalisés en 2021 et 2022. Toutefois si la crise sanitaire et notamment les mesures prises dans le cadre de l'Etat d'urgence sanitaire ont pu avoir des effets sur les activités artistiques et culturelles, M. C... verse au dossier les devis relatifs aux projets qui devaient être réalisés en 2021 et 2022, ces pièces ne sont pas suffisantes pour établir que l'abandon de ces projets était dû à la crise sanitaire et que M. C... n'a pu, en 2022, alors que les mesures sanitaires étaient largement levées, exercer à nouveau son activité artistique. Le requérant ne peut, par ailleurs, se prévaloir des revenus personnels dont il a bénéficié au cours de cette période. Enfin, si M. C... soutient que pour les années 2023 et 2024, de nombreux projets seront mis en œuvre, il n'établit pas que ces projets lui permettront de percevoir des revenus d'un montant équivalant à au moins 70 % du SMIC brut sur la période de validité de l'autorisation. Ainsi, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. C... sur le fondement de l'article L. 421-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a résidé pour la première fois en France lorsqu'il était mineur, de 1986 à 1999 et est entré pour la dernière fois en France le 14 octobre 2015, date à compter de laquelle il y a séjourné d'abord sous couvert de titres de séjour en qualité d'étudiant puis d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent ". Si le requérant se prévaut de la relation qu'il entretient avec une ressortissante suisse depuis le mois de juillet 2022, cette relation présentait un caractère récent à la date de l'arrêté litigieux. La naissance de son enfant en Suisse le 8 août 2023 et le mariage célébré en France le 28 octobre 2023, qui sont postérieurs à l'arrêté litigieux, sont sans incidence sur sa légalité. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que Mme A..., qui est devenue son épouse, ne réside pas sur le territoire français mais en Suisse et le requérant n'établit pas que le couple aurait le projet d'établir leur vie familiale sur le territoire français. M. C... se prévaut également de l'activité artistique qu'il a développée en France, en qualité de salarié, d'auto-entrepreneur et, depuis la création en 2021 de la société Guayaba, de chef d'entreprise. S'il ressort en effet des pièces du dossier que le requérant a développé sur le territoire français une activité de réalisateur, exerce des activités de bénévolat et a créé une société proposant une plate-forme de vidéos à la demande, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour considérer que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France alors qu'il ne justifie d'aucune attache sur le territoire français, son épouse et son enfant résidant en Suisse. Ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, le préfet de police n'a pas en refusant de délivrer à M. C... un titre de séjour sollicité sur le seul fondement de l'article L. 421-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en l'obligeant à quitter le territoire français porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dirigés contre ces décisions doit ainsi, en tout état de cause, être écarté.

7. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. M. C... soutient que son éloignement du territoire français a pour effet de priver son enfant de la présence de son père et l'empêche d'être auprès de son fils et de son épouse. Toutefois l'enfant du requérant est né le 8 août 2023, soit postérieurement à l'édiction de l'arrêté litigieux. Par ailleurs, et en tout état de cause, il ne justifie pas, par les quelques photographies et attestations versées au dossier, qu'il voit régulièrement son fils, lequel vit avec sa mère en Suisse.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2023 du préfet de police. Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Emmanuel Laforêt, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

Le rapporteur,

E. LAFORETLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA05030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05030
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Emmanuel LAFORÊT
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : GONZALEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;23pa05030 ?
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