Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ou d'un pays dans lequel elle est légalement admissible.
Par un jugement n° 2303725 du 19 octobre 2023 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2023, Mme B... A..., représentée par Me Lerein, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2303725 du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ou d'un pays dans lequel elle est légalement admissible ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " parent d'enfant français " assortie d'une autorisation de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ainsi que d'une erreur de droit dans l'application faite par le préfet des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car l'administration ne démontre pas le caractère frauduleux de la reconnaissance par un ressortissant français de son enfant D... A... ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que Kesty est scolarisée et que son père, titulaire d'une carte de résident, la prend en charge, que le père C... est de nationalité française et la prend en charge, et que l'état de santé de D... nécessite des soins.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 3 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Vinot a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 14 juillet 1980, a demandé en 2021 le renouvellement de sa carte de séjour délivrée en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté en date du 25 mai 2021 le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de la notification de cet arrêté, Par un second arrêté du 8 mars 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a de nouveau rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ou d'un autre pays dans lequel elle est légalement admissible. Mme A... relève régulièrement appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du
8 mars 2023.
2. En premier lieu, Mme A... se borne à reprendre dans sa requête d'appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen qu'elle avait soulevé en première instance, tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation. En l'absence de tout argument de fait ou de droit pertinent et de document de nature à remettre en cause l'analyse du tribunal administratif de Montreuil, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Enfin, aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci. Dans ce dernier cas, il appartient seulement au demandeur de produire la décision de justice intervenue, quelles que soient les mentions de celle-ci, peu important notamment qu'elles constatent l'impécuniosité ou la défaillance du parent français auteur de la reconnaissance.
5. Pour rejeter de nouveau la demande de Mme A... tendant au renouvellement de sa carte de séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré, au vu de plusieurs indices qu'il a estimé suffisamment précis et concordants, que la reconnaissance de paternité par un ressortissant français de son enfant née le 4 septembre 2017 présentait un caractère frauduleux. Parmi ces indices le préfet a relevé, en particulier, que Mme A... qui de plus n'a pas été en mesure de préciser la date de sa rencontre avec ce ressortissant français, ni la date de la naissance ou l'adresse du domicile de celui-ci, ni le nombre des enfants de ce dernier nés de la relation qu'il entretenait avec sa concubine, et qui a admis ne pas avoir eu de vie commune avec lui, n'a apporté aucun élément de nature à établir que ce ressortissant français participerait à l'entretien et à l'éducation de son enfant née le 4 septembre 2017. Ainsi, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait pris les mêmes décisions s'il avait rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme A... en se fondant seulement sur le motif que la requérante n'apportait aucun élément de nature à établir la contribution effective du ressortissant français ayant reconnu son enfant à l'entretien et à l'éducation de celle-ci.
6. Or, d'une part, Mme A... n'établit pas ni même n'allègue l'existence d'une décision de justice relative à la contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant par le ressortissant français l'ayant reconnu. D'autre part, la requérante, en se bornant à produire quatre justificatifs de virements d'argent auxquels ce dernier a procédé, intervenus, respectivement, les 3 octobre,
9 novembre et 29 décembre 2022 puis le 8 février 2023, postérieurement d'ailleurs à la date du premier arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 25 mai 2021 qui avait refusé de renouveler sa carte de séjour en qualité de parent d'enfant français au motif du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de l'enfant, et dont le montant total représente à peine 100 euros par an depuis la reconnaissance de l'enfant, ne peut pas être regardée comme justifiant de la contribution effective de ce dernier à l'entretien de cet enfant. De plus, elle n'apporte aucun début de preuve de nature à établir que ce ressortissant français contribuerait à l'éducation de cet enfant. Dans ces conditions, eu égard à la règle énoncée au point 4 du présent arrêt, et à supposer même que le préfet de la Seine Saint Denis ne puisse pas être regardé comme apportant des éléments suffisants pour établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de l'enfant par le ressortissant français, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est opérant qu'au soutien des conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour, doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. D'une part, Mme A... qui, ainsi qu'il a été dit, ne justifie pas de la contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant, née en 2017, par le ressortissant français l'ayant reconnue, n'apporte pas davantage d'éléments de nature à établir que les pères respectifs de ses deux autres enfants résidant sur le territoire français contribueraient à l'entretien et à l'éducation de ces enfants. D'ailleurs, elle n'allègue même pas que les pères respectifs de ces trois enfants entretiendraient des relations avec ces dernières, la seule production d'une attestation en date du 20 avril 2023 du tribunal judiciaire de Bobigny selon laquelle la demande relative à l'autorité parentale sur son enfant née le 29 mars 2022 étant dépourvue de toute valeur probante à cet égard, eu égard à son imprécision et en l'absence de toute autre élément.
9. D'autre part, si Mme A... cherche à faire valoir les problèmes de santé rencontrés par sa fille née en 2017, qui présente des symptômes d'autisme, elle n'établit pas que son enfant bénéficierait en France d'un suivi médical ou social dont l'interruption serait de nature à entraîner pour sa fille un risque réel et avéré d'une détérioration significative de son état de santé. Enfin, Mme A... ne conteste pas les mentions de l'arrêté selon lesquelles résident dans son pays d'origine ses deux enfants issus d'une autre relation. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Vinot, présidente de chambre,
Mme Julliard, présidente assesseure,
Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La présidente - rapporteure,
H. VINOT
L'assesseure la plus ancienne,
M. JULLIARD
La greffière
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04760