Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police du 9 décembre 2021 lui refusant la délivrance d'un titre de titre de séjour.
Par un jugement n° 2203485 du 3 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Enam, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 novembre 2023 et la décision du préfet de police rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la menace à l'ordre public que constituerait sa présence en France ;
- elle porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il peut prétendre et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2024.
Un mémoire produit pour M. B... a été enregistré le 11 septembre 2024 postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les observations de Me Enam, représentant M. B....
Une note en délibéré a été enregistrée le 3 octobre 2024 pour M. B... et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 3 janvier 1983, est entré en France en 1992 dans le cadre de la procédure de regroupement familial et a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire en 2002 puis d'une carte de résident valable du 16 septembre 2005 au 15 septembre 2015. Incarcéré entre les mois de septembre 2009 et septembre 2018 à la suite de plusieurs condamnations pénales, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 13 janvier 2020. Par un arrêté du 9 décembre 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, motif pris de la menace à l'ordre public que constitue sa présence en France. Par la présente requête, M. B... relève régulièrement appel du jugement du 3 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". Aux termes de l'article L. 432-1 de ce code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
3. La menace pour l'ordre public s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant le comportement personnel de l'étranger en cause. Il n'est donc ni nécessaire, ni suffisant que le demandeur ait fait l'objet de condamnations pénales. L'existence de celles-ci constitue cependant un élément d'appréciation au même titre que d'autres éléments tels que la nature, l'ancienneté ou la gravité des faits reprochés à la personne ou encore son comportement habituel.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet, depuis l'âge de 20 ans, de quatre condamnations pénales prononcées le 30 janvier 2003 pour violence commise en réunion suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours, le 4 avril 2008 pour des faits de vol, le 19 novembre 2012 pour viol avec plusieurs circonstances aggravantes et le 7 décembre 2015 pour détention non autorisée et usage illicite de stupéfiants. M. B... soutient que les actes dont il s'est rendu responsable se sont inscrits dans un parcours personnel difficile depuis son arrivée en France en 1992 dans la mesure où, à la suite d'un jugement d'assistance éducative prononcé à raison de maltraitances intra-familiales, il a, dès 1993, été confié à la garde de l'une de ses tantes qui n'a pu assurer son éducation dans des conditions optimales et a ainsi évolué dans un environnement marqué par la délinquance dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris. Il fait valoir également que depuis son élargissement au mois de septembre 2018, il respecte le suivi socio-judiciaire décidé par un jugement de rajout d'obligations et se prévaut de la poursuite de l'indemnisation de la victime du viol dont il a été reconnu coupable, de sa réinsertion professionnelle et de l'avis favorable de la commission du titre de séjour rendu le 2 mars 2021. Il ressort toutefois du jugement de rajout d'obligations à un suivi socio-judiciaire du 6 septembre 2018 que si l'expertise psychiatrique réalisée en 2014 relève que M. B... " ne présente pas une dangerosité en lien avec une pathologie psychiatrique " et " un risque de récidive flagrant ", ce risque n'est toutefois pas écarté compte tenu de la faible réflexion de l'intéressé, qui demeure fragile, sur la commission du viol pour lequel il a été condamné. Il est relevé que le rapport du service pénitentiaire d'insertion et de probation mentionne qu'il ne reconnaît que très partiellement les faits commis sous l'emprise excessive d'alcool et de drogue. Ce même jugement retient que son abstinence à l'alcool et à la drogue n'a pu être testée hors de la détention, cette dépendance ayant été notée par l'expertise psychiatrique précitée comme le principal risque de comportements " puérils ". Or, il convient de relever que sa condamnation au mois de décembre 2015 pour détention non autorisée et usage illicite de stupéfiants, a été prononcée pour des faits commis en détention sur une période d'un an entre les mois de décembre 2014 et décembre 2015 et que l'intéressé n'apporte aucune pièce justificative démontrant qu'il aurait été sevré de ses addictions. Il ressort de ce jugement que M. B... " a fait preuve de peu d'empathie à l'égard de sa victime, ce qui s'est en outre manifesté par des versements volontaires très insuffisants au regard de ses ressources ". Il est également retenu que son dossier révèle un investissement relatif au cours de son parcours d'exécution de peine, dans la mesure où l'intéressé, détenu pendant neuf ans, n'a pas cherché à régulariser sa situation administrative et n'a entamé aucune démarche pour préparer efficacement sa sortie de prison, laquelle nécessite un encadrement particulier pour protéger les intérêts de la victime qui n'ont pas été véritablement pris en considération par l'intéressé, ainsi que les intérêts de la société. M. B..., libéré au mois de septembre 2018, ne démontre pas une intégration professionnelle particulière à la date de la décision attaquée par la production de trois bulletins de paye couvrant la période des mois de septembre à novembre 2021 et ne justifie par aucune pièce être sevré de ses addictions. Par suite, compte tenu de la nature, de la répétition et de la particulière gravité des faits délictuels commis par M. B... depuis l'âge de 20 ans et en l'absence de garanties sérieuses de non-réitération et de réinsertion, le préfet de police a pu légalement, sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce, estimer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public et qu'il y avait lieu, pour ce motif, de refuser de lui délivrer un titre de séjour.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 435-1 de ce code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
6. M. B... soutient qu'il est entré en France à l'âge de 9 ans par la procédure de regroupement familial, que sa tante à la garde de laquelle il avait été confié, comme son père et l'ensemble de sa fratrie résident en France et sont de nationalité française. Toutefois, l'intéressé qui est célibataire et sans charge de famille, et a accompli une peine de prison d'une durée de neuf ans, ne justifie pas de l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec les membres de sa famille séjournant sur le territoire, alors même qu'il a vécu séparé de son père et de ses sœurs depuis 1993. Il ne conteste pas que sa mère réside toujours au Maroc. Par ailleurs, M. B..., qui à l'issue de son incarcération a demandé à retourner vivre auprès de sa tante, ne démontre aucune insertion professionnelle significative à la date de la décision en litige. Son parcours délictuel qui s'est échelonné sur une période de plus de dix ans témoigne en revanche d'une absence d'intégration sociale, sans qu'il ne justifie de garanties sérieuses et avérées de réinsertion et de non réitération. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la menace que sa présence en France représente pour l'ordre public, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait une atteinte excessive à son droit de mener une vie privée et familiale normale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage fondé à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il n'invoque au demeurant aucune circonstance humanitaire ou motif exceptionnel d'admission au séjour ou encore que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles le préfet de police ne s'est pas fondé pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant. En tout état de cause, à supposer que l'intéressé ait entendu introduire sa demande de titre de séjour également sur le fondement de ces dispositions, le préfet de police aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de l'atteinte portée par M. B... à l'ordre public.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 octobre 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA00205