Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 juin 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il sera renvoyé.
Par un jugement n° 2315612 du 5 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Piquois, demande à la Cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2315612 du 5 septembre 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2023 du préfet de police ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à Me Piquois, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- il méconnaît le principe du contradictoire en ce qu'il n'a pas transmis le mémoire produit en défense après la clôture d'instruction ;
- il méconnaît son droit d'être entendu ;
- il est irrégulier en ce qu'il rejette le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
- il est entaché d'un défaut de motivation ;
- il est irrégulier en ce que le premier juge s'est estimé lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
- il est irrégulier en ce qu'il ne relève pas le défaut d'examen circonstancié et la méconnaissance du droit d'être entendu ;
Sur la légalité de l'arrêté :
- la décision de la Cour nationale du droit d'asile n'étant pas devenue définitive, le requérant a un droit au maintien sur le territoire ;
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière car le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation ;
- l'arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière car il n'a pas pu être entendu en violation d'un principe général du droit de l'Union européenne ;
- il risque d'être persécuté en cas de retour dans son pays, et le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 1er mars 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 9 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- et les observations de Me Piquois pour M. A....
Une note en délibéré présentée pour M. A... par Me Piquois a été enregistrée le 12 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sri-lankais né le 1er avril 1988, déclare être entré en France le 2 juillet 2022 et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 22 novembre 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 mars 2023. Le recours en rectification d'erreur matérielle formé par M. A... contre cet arrêt de la Cour nationale du droit d'asile a été rejeté par une ordonnance du 25 octobre 2023. Par un arrêté du 9 juin 2023, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé. M. A... relève appel du jugement du 5 septembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 9 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des visas du jugement attaqué que le préfet de police a produit un mémoire en défense le 10 août 2023 à 18 h, la veille de l'audience et donc postérieurement à la clôture de l'instruction qui est intervenue, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant la date de l'audience fixée au 11 août. Il ressort des visas du jugement attaqué que ce mémoire en défense n'a pas été analysé et que, pour rejeter la demande de M. A..., le premier juge ne s'est pas fondé sur ce mémoire. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'absence de communication de ce mémoire en défense aurait méconnu le principe du contradictoire.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 732-1 du code de justice administrative : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites. / Lorsque le rapporteur public ne prononce pas de conclusions, notamment en application de l'article R. 732-1-1, le président donne la parole aux parties après le rapport. / (...) Au tribunal administratif, le président de la formation de jugement peut, au cours de l'audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l'une des parties souhaiterait l'audition ".
6. Il ressort des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'ont été entendues lors de l'audience publique " les observations de Me Dirakis qui a précisé substituer Me Piquois et qui s'en rapporte aux écritures de ce dernier et en présence d'un interprète en langue tamoule ". Le requérant a ainsi pu présenter par l'intermédiaire de son conseil les observations qu'il souhaitait faire entendre oralement lors de l'audience. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité du déroulement de l'audience ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours ".
8. Le premier juge a statué sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. A... en la rejetant. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier au motif que le premier juge n'aurait pas statué sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire doit être écarté. Par ailleurs, à le supposer soulevé, le moyen tiré de ce que c'est à tort que le premier juge a rejeté une telle demande ne peut qu'être écarté en application des dispositions précitées.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
10. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à la totalité des arguments présentés à l'appui de ses moyens par le requérant, ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont écarté l'ensemble des moyens soulevés par M. A..., en particulier celui tiré de ce que l'arrêté aurait méconnu le droit au maintien sur le territoire français et le droit d'être entendu.
11. En cinquième lieu, M. A... soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en s'estimant lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile, et en écartant les moyens tirés du défaut d'examen circonstancié de sa situation et de la méconnaissance du droit d'être entendu. Cependant, ces moyens tiennent au bien-fondé des motifs retenus par le premier juge et non à la régularité du jugement. Eu égard à l'office du juge d'appel, ces moyens sont inopérants en tant qu'ils contestent la régularité du jugement et ne peuvent, par suite, qu'être écartés.
Sur la légalité de l'arrêté :
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code, applicable au présent litige : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article
L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ".
13. La notification d'une ordonnance de rejet de la Cour nationale du droit d'asile à un demandeur d'asile met fin au droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français et permet légalement au préfet de prendre une décision l'obligeant à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que la circonstance que le demandeur ait introduit un recours en rectification d'erreur matérielle puisse y faire obstacle.
14. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel, à l'identique, les moyens soulevés en première instance contre l'arrêté du préfet de police tirés de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente, qu'il serait insuffisamment motivé et aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, le préfet n'ayant pas procédé à un examen circonstancié de sa situation. Dans ces conditions, ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 3, 4 et 5 de son jugement.
15. En troisième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant au soutien des conclusions présentées par M. A..., il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
16. M. A... soutient que l'arrêté contesté porte atteinte à son droit d'être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne. Toutefois, il a été mis à même, dans le cadre de sa demande d'asile, lors de l'entretien dont il a bénéficié, de porter à la connaissance de l'administration l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir. En outre, il n'est pas établi qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture des informations utiles avant que soit prise à son encontre la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
17. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. En se bornant à faire état de manière générale de " très nombreux rapports visés par la CNDA ", qu'il ne nomme ni ne produit, supposés attester de la " violation quotidienne des droits fondamentaux " au Sri Lanka, M. A... n'établit pas la réalité des risques de traitements inhumains ou dégradants auxquels il prétend être exposé en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité, ni que sa vie ou sa liberté y sont menacées, risques dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a d'ailleurs pas reconnu l'existence. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire de M. A....
Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2024.
Le rapporteur,
J. DUBOISLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA0411202