Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Action Dépannage a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016 et des retenues à la source qui lui ont été réclamées au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n° 2013413 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 février 2023 et le 2 avril 2024, la société Action Dépannage, représentée par Me Paquet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des retenues à la source ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dépenses qu'elle a engagées auprès de la société New Deal correspondent à des prestations effectivement rendues et qui sont justifiées par des pièces produites et elles sont donc déductibles du résultat imposable ;
- les versements correspondant à des rémunérations de prestations et n'étant donc pas des revenus de capitaux mobiliers dont aurait bénéficié la société New Deal, aucune retenue à la source ne pouvait être appliquée ;
- les paiements au profit de la société New Deal, qui notamment n'a pas d'établissement stable en France, sont exclusivement imposables en Israël en application de la convention fiscale ;
- en l'absence de tout élément intentionnel pour limiter l'imposition, la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Action Dépannage ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 juin 2024.
Des pièces ont été produites le 26 juin 2024 par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le 27 juin 2024 par la société Action Dépannage en vue de compléter l'instruction en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention franco-israélienne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 31 juillet 1995 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barthez,
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,
- et les observations de Me Paquet, pour la société Action Dépannage.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée Action Dépannage, devenue en 2017 une société par actions simplifiée avec un unique associé gérant, exerce une activité de réparation d'appareils ménagers et d'équipements pour la maison et le jardin. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016. A l'issue de ce contrôle, ont notamment été notifiées des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et des retenues à la source au titre des mêmes années, assorties de pénalités, pour un montant total de 73 761 euros ramené à 47 970 euros après la réclamation préalable. Par un jugement du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des retenues à la source restant en litige ainsi que des pénalités. La société Action Dépannage fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ".
3. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
4. La société a déduit en charge des dépenses enregistrés sous le libellé " New Deal " comptabilisées au débit du compte 623 Publicité et au crédit du compte 512 Banque pour des montants de 25 300 euros en 2014, 21 039 euros en 2015 et 27 200 euros en 2016. Ces sommes étaient virées sur un compte détenu à Tel Aviv (Israël). Pour justifier du caractère déductible des sommes en cause, la société soutient qu'il s'agit de la rémunération de prestations, effectuées par la société New Deal, de mise en place et de maintenance de sites internet et de leur référencement par les moteurs de recherche. Elle produit des factures à l'en-tête de cette société ainsi que quelques échanges de mails avec M. A... pour une partie de la période vérifiée, à partir du 29 mai 2015.
5. Toutefois, le contrat entre les deux sociétés qui est produit à l'instance a été signé le 15 décembre 2017 et donc postérieur à la période vérifiée. Les factures produites, au nombre de onze pour la période vérifiée, comportent seulement des mentions brèves " gestion de sites ", " gestion-hébergement de site " ou " gestion référencement Sites ". Les échanges de courriels mentionnés au point précédent sont également très brefs et sont principalement relatifs au paiement de factures, sans traiter de la nature des prestations qui auraient été fournies. Le montant total des factures ne correspond pas aux sommes versées à la société New Deal. Enfin, ainsi que le fait valoir l'administration, les numéros de factures sont très proches les uns des autres alors que la période couverte s'étale sur trois ans, ce qui signifierait que la société New Deal n'a qu'une activité très limitée, l'absence de site internet de cette société ne permettant pas de connaître son activité. Dès lors que la société n'apporte pas d'éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle en a retirée, l'administration était en droit d'écarter le caractère déductible des sommes en cause.
En ce qui concerne les retenues à la source :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". L'article 119 bis du même code dispose que : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ".
7. Ainsi qu'il a été précédemment exposé aux points 4 et 5, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes versées sur le compte bancaire de la société New Deal correspondraient à des prestations de service. Ces sommes constituent ainsi des rémunérations qui, dès lors qu'elles sont inscrites dans la comptabilité de la société Action Dépannage comme le paiement de prestations en matière de publicité, présentent un caractère occulte. L'administration a donc pu les regarder comme des revenus distribués en application des dispositions précédemment citées du c de l'article 111 du code général des impôts et, la société New Deal n'ayant pas son siège en France, appliquer la retenue à la source prévue par les dispositions de l'article 119 bis du même code.
8. En second lieu, aux termes de l'article 10 de la convention fiscale conclue entre la France et Israël le 31 juillet 1995 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : (...) c) 15 pour cent du montant brut des dividendes dans tous les autres cas. (...) / 5. Le terme " dividende " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat contractant dont la société distributrice est un résident (...) ".
9. Ainsi, ces stipulations prévoient que les revenus distribués constituent des dividendes qui peuvent être imposés dans la limite de 15 % de leur montant brut, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la société New Deal n'a pas d'établissement stable en France. En outre, l'administration n'a pas regardé les revenus distribués à la société New Deal comme étant des redevances et, par suite, le moyen soulevé par la société Action Dépannage selon lequel ils ne constitueraient pas des redevances est inopérant.
Sur les pénalités :
10. Le moyen selon lequel la pénalité pour manquement délibéré ne serait pas fondée doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Paris aux points 11 et 12 du jugement attaqué.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Action Dépannage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Action Dépannage est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Action Dépannage et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (division juridique).
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez président,
- M. Delage, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 4 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
A. BARTHEZ
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Ph. DELAGE
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00520