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04/10/2024 | FRANCE | N°23PA00085

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 04 octobre 2024, 23PA00085


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun :



1°) de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2017 ;



2°) de prononcer la décharge totale de la majoration de 80 % prévue au dernier alinéa de l'article 1758 du code général des impôts.



Par un jugement n° 2001134 du 25 nove

mbre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun :

1°) de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2017 ;

2°) de prononcer la décharge totale de la majoration de 80 % prévue au dernier alinéa de l'article 1758 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2001134 du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2023 et le 28 avril 2023, M. B... représenté par Me Orsini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2017 ;

3°) de prononcer la décharge totale de la majoration de 80 % prévue au dernier alinéa de l'article 1758 du code général des impôts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la somme litigieuse de 82 545 euros ne peut être considérée comme étant, en totalité, le produit direct d'une infraction, seule la somme de 48 000 euros étant admise, le reste provenant de son épargne personnelle ;

- le service ne pouvait fonder son évaluation de la valeur des produits stupéfiants retrouvés chez lui à leur prix de revente de 60 euros pour un gramme de cocaïne mais devait appliquer le prix d'achat auprès d'un grossiste de 31 euros, soit 34 100 euros ;

- eu égard à son niveau de vie, il pouvait acquérir les produits illicites avec ses propres revenus à hauteur de 13 499 euros, correspondant au montant de ses revenus imposables de l'année 2017 ;

- l'application de la majoration de 80 % prévue à l'article 1758 du code général des impôts, qui présente un caractère répressif, méconnaît le principe constitutionnel de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines ;

- il ne peut s'acquitter des sommes mises à sa charge en raison de grandes difficultés financières.

Par un mémoire distinct, enregistré le 10 janvier 2023, M. B... a demandé à la Cour, en application de l'article 61-1 de la Constitution et de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du dernier alinéa de l'article 1758 du code général des impôts pour méconnaissance du principe de proportionnalité des peines selon lequel, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.

Par une ordonnance n° 23PA00085 QPC du 17 février 2023, la présidente de la 5ème chambre de la Cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixé au 25 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez ;

- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet en 2017 d'une enquête préliminaire pour trafic de stupéfiant. A la suite de perquisitions à son domicile et sur son lieu de travail, ont été saisis 1 100 g de cocaïne et la somme de 82 545 euros. Il a été condamné pour infraction à la législation sur les stupéfiants par un jugement correctionnel du 17 mai 2018 du tribunal de grande instance de Paris. Par une proposition de rectification du 28 janvier 2019, l'administration a informé M. B... de son intention de l'assujettir, en application des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2017, assorties de pénalités, pour un montant total de 142 624 euros. M. B... fait appel du jugement n° 2001134 du 25 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge partielle de ces impositions.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

3. Il n'est pas contesté que le contribuable n'a pas présenté d'observation à la proposition de rectification du 28 janvier 2019 régulièrement notifiée le 23 avril 2019 avant le 23 septembre 2019. Dès lors, il appartient au requérant, en application des dispositions précitées, de démontrer le caractère exagéré de l'imposition.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, applicable au présent litige : " 1. (...) Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'une somme d'argent, produit direct d'une des infractions visées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable égal au montant de cette somme au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des sommes mentionnées au quatrième alinéa, du caractère non imposable de ces sommes ou du fait qu'elles ont été imposées au titre d'une autre année. (...) 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal ; (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que, lors de perquisitions effectuées au domicile de M. B... et sur son lieu de travail dans le cadre d'une enquête préliminaire pour des faits de trafic de stupéfiants, a été saisie la somme de 82 545 euros. M. B..., qui par un jugement correctionnel du 17 mai 2018 du tribunal de grande instance de Paris a été reconnu coupable d'infraction à la législation sur les stupéfiants et condamné à quatre ans d'emprisonnement et sur qui repose en tout état de cause la charge de la preuve, ne produit aucun élément de nature à établir qu'il n'aurait pas eu la libre disposition de cette somme. Notamment, la circonstance qu'il disposait d'un revenu mensuel brut de 3 000 euros, ce qui lui assurait un niveau de vie confortable étant célibataire, sans enfant à charge et résidant chez ses parents, ne suffit pas pour considérer qu'une partie de cette somme serait constitutive d'une épargne. En tout état de cause, le requérant n'a déclaré que 13 499 euros de revenus au titre de l'année 2017 et ne donne aucune indication sur les revenus déclarés précédemment. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. B... avait eu la libre disposition de cette somme et l'a considérée comme un revenu imposable à l'impôt sur le revenu.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, applicable au présent litige : " 1. Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'un bien objet d'une des infractions mentionnées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des biens mentionnés au premier alinéa, de la déclaration des revenus ayant permis leur acquisition ou de l'acquisition desdits biens à crédit. (...) (...) 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal ; (...) ".

7. Lors des perquisitions effectuées au domicile de M. B... et sur son lieu de travail ont été saisis 1 100 grammes de cocaïne. S'agissant d'un bien objet de l'infraction à la législation sur les stupéfiants, l'administration a appliqué la présomption prévue par les dispositions précitées et estimé que le requérant avait perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien. Le requérant ne conteste pas avoir eu la disposition du bien en cause mais soutient que la valeur vénale qui doit être retenue est celle qui résulte de la publication de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies pour l'année 2016 soit 31 000 euros le kilogramme de cocaïne et que c'est donc à tort que l'administration a retenu un prix du gramme de cocaïne égal à 60 euros. Cette valeur de 60 euros retenue par l'administration est celle du prix de vente déclarée par le requérant lors de son audition du 10 juin 2017.

8. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1649 quater-0 B bis, qui prévoient notamment que la preuve contraire à la présomption de libre disposition peut résulter de ce que le revenu ayant permis l'acquisition des biens illicites a été déclaré ou que cette acquisition a été faite non au moyen d'un revenu mais d'un crédit, que le revenu présumé est celui dont a disposé le contribuable en vue d'acquérir les biens illicites en cause. Ainsi, la valeur vénale, au sens de ces dispositions, est celle à laquelle le contribuable est présumé avoir acquis les biens illicites et non celle à laquelle il est susceptible de les céder. Le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait acquis la cocaïne saisie auprès d'un grossiste, cette affirmation n'étant pas confirmée par les conditionnements constatés et ses propres déclarations par lesquelles il indique avoir acheté la cocaïne saisie de manière fractionnée et au cours d'une période de plusieurs années. Le prix retenu demeure, en outre, inférieur au prix moyen du gramme de cocaïne acheté par le consommateur individuel, s'élevant à 84 euros, fourni par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies et relevé par l'administration fiscale dans sa proposition de rectification. Dès lors, le requérant n'établit pas que le prix retenu par l'administration serait exagéré.

9. En outre, M. B... ne produit aucun élément précis à l'appui de son allégation selon laquelle la totalité des revenus qu'il a déclarés au titre de l'année 2017, soit la somme de 13 499 euros, aurait été utilisée pour l'acquisition de ces produits stupéfiants. Il n'est donc pas fondé à soutenir que cette somme devrait venir en déduction du montant de leur valeur vénale.

10. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article 1758 du code général des impôts : " En cas d'application des dispositions prévues à l'article 1649 quater-0 B bis, le montant des droits est assorti d'une majoration de 80 % ".

11. Le moyen selon lequel l'application de la majoration prévue par les dispositions précitées est contraire aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des peines, est irrecevable en tant qu'il est soulevé directement dans les mémoires du requérant et non dans un moyen distinct et motivé. En tout état de cause, il a fait l'objet d'une ordonnance n° 23PA00085 QPC du 17 février 2023 par laquelle la présidente de la 5ème chambre de la Cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B... tiré de la contrariété des dispositions précitées de l'article 1758 du code général des impôts aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des peines.

12. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur une demande présentée directement devant lui tendant à une remise ou à une modération à titre gracieux des impositions contestées. Par suite, le moyen tiré des difficultés financières du requérant est inopérant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Doivent être également rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (division juridique).

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Delage, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 4 octobre 2024.

Le président-rapporteur,

A. BARTHEZ

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Ph. DELAGE

La greffière,

E. VERGNOLLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA00085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00085
Date de la décision : 04/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : TAXLO SOCIETE D'AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-04;23pa00085 ?
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