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03/10/2024 | FRANCE | N°24PA00780

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 03 octobre 2024, 24PA00780


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de réformer la décision du 6 décembre 2021 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé, après réformation, son compte de campagne, déposé au titre de l'élection des conseillers régionaux des 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Bretagne, et arrêté le montant du remboursement forfaitaire dû par l'État à la somme de 360 020 euros, en tant qu'elle

a écarté du droit à remboursement les factures de la société France Affichage Plus d'un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de réformer la décision du 6 décembre 2021 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé, après réformation, son compte de campagne, déposé au titre de l'élection des conseillers régionaux des 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription de Bretagne, et arrêté le montant du remboursement forfaitaire dû par l'État à la somme de 360 020 euros, en tant qu'elle a écarté du droit à remboursement les factures de la société France Affichage Plus d'un montant de 21 600 euros, celle de la société Spallian d'un montant de 35 040 euros, la somme de 947 euros correspondant à une partie des intérêts de l'emprunt souscrit pour financer la campagne, la facture de la société Publi7 d'un montant de 7 840 euros, et de fixer le montant du remboursement dû par l'État en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à la somme de 425 447 euros.

Par un jugement n° 2203936 du 5 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a réintégré la somme de 56 640 euros dans le compte de campagne de M. A... en dépenses et en recettes, et a fixé le montant du remboursement dû par l'État à l'intéressé à la somme de 416 660 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2024 et un mémoire enregistré le 30 mai 2024 la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 2203936 du 5 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a réintégré la somme de 8 400 euros dans le compte de campagne de M. C... A... ;

2°) d'établir le compte de campagne de l'intéressé comme suit : montant des dépenses, 422 877 euros : montant des recettes, 422 877 euros ; montant de l'apport personnel diminué de l'excédent de 416 100 euros et de fixer le remboursement dû par l'État à la somme de 408 260 euros ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par M. A....

Elle soutient que :

- la dépense afférente à l'utilisation d'un logiciel de collecte des procurations ne constitue pas une dépense électorale ouvrant droit au remboursement par l'État, dès lors qu'un tel logiciel ne vise pas à assurer la promotion de la candidature mais seulement à renforcer la participation des électeurs au scrutin ;

- le flocage d'une permanence électorale mobile constitue un affichage illégal et ne peut, dès lors, faire l'objet d'un remboursement par l'État.

Par des mémoires enregistrés le 12 mai 2024 et le 3 juillet 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. C... A..., représenté par Me Léron (SELARL JL Avocat), conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la somme de 7 840 euros soit réintégrée dans son compte de campagne, et à ce que le montant de la somme à lui due par l'État en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral soit fixée à 424 500 euros ;

3°) à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le flocage d'un véhicule utilisé comme une permanence électorale mobile ne constitue pas un affichage illégal et est, dès lors, éligible au remboursement par l'État au titre des dépenses engagées en vue de l'élection.

Vu les autres pièces du dossier.

Par ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2024 à 12 heures.

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,

- et les observations de Me Billy substituant Me Léron, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, par une décision du 6 décembre 2021, approuvé après réformation le compte de campagne déposé le 14 septembre 2021 par M. C... A..., candidat tête de liste à l'élection des conseillers régionaux qui s'est déroulée, dans la circonscription Bretagne, les 20 et 27 juin 2021, et fixé à 360 020 euros le remboursement dû par l'État en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral. M. A..., ayant saisi le tribunal administratif de Paris aux fins de réformation de cette décision en tant qu'elle a écarté du droit à remboursement les factures de la société France Affichage Plus, d'un montant de 21 600 euros, et la facture de la société Spallian, d'un montant de 35 040 euros, la somme de 947 euros correspondant à une partie des intérêts de l'emprunt souscrit pour financer la campagne et la facture de la société Publi 7 d'un montant de 7 840 euros et d'intégration à son compte de campagne de ces sommes au titre des dépenses électorales devant faire l'objet d'un remboursement par l'État, cette juridiction a partiellement fait droit à cette demande et a réintégré la somme de 56 640 euros dans le compte de campagne de l'intéressé en dépenses et en recettes, et a fixé le montant du remboursement à lui dû par l'État à la somme de 416 660 euros.

2. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a réintégré dans le compte de campagne la somme de 8 400 euros afférente à la facture de la société Spallian. M. A... demande, par la voie de l'appel incident, la réintégration dans son compte de campagne de la somme de 7 840 euros afférente aux dépenses de flocage d'un bus utilisé comme une permanence mobile, et à ce que le montant de la somme à lui due par l'État en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral soit fixée à 424 500 euros.

Sur l'appel principal de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :

3. Les dépenses pouvant, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, faire l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État sont celles dont la finalité est l'obtention des suffrages des électeurs. Par suite, les dépenses qui, bien qu'engagées pendant la campagne par le candidat tête de liste ou par ses colistiers, n'ont pas cette finalité, ne peuvent ouvrir droit au remboursement forfaitaire de l'État.

4. Il résulte de l'instruction que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a retranché du compte de campagne de M. A... la somme de 35 040 euros afférente à l'utilisation d'un logiciel de procuration facturée par la société Spallian, au motif que " Ce logiciel concerne les opérations préparatoires au scrutin en vue de la mise en rapport de mandataires avec des électeurs empêchés de se rendre au bureau de vote. Si elles sont susceptibles de favoriser la participation au scrutin, ces dépenses ne vise pas directement à promouvoir la personnalité ou la candidature du candidat. ".

5. Toutefois, d'une part, ainsi que le reconnaît elle-même la Commission dans ses écritures de première instance et d'appel, il est constant que l'utilisation du logiciel de gestion des procurations permet de favoriser la participation au scrutin et donc l'expression des suffrages des électeurs. En outre, il ressort des éléments produits par le requérant, en particulier la présentation du logiciel par la société Spallian qui avait été produite devant la commission dans le cadre de la procédure contradictoire, que cet outil permet notamment d' " avoir une interface en ligne publique aux couleurs de la campagne permettant d'insérer des éléments de campagne (éléments de langage, logo, contacts) diffusables sur les matériels de campagne (tracts / affiches notamment) à partir d'un lien dédié ". Enfin, et comme l'expose l'intimé, il ne peut être sérieusement soutenu que l'utilisation du logiciel dont s'agit, qui suppose que les électeurs l'utilisent en se connectant avec le site internet de la liste qui le met en œuvre, ne vise pas d'abord à les inciter à donner procuration en vue d'accorder leur suffrage à la liste qui en propose l'utilisation à cette seule fin. D'autre part, il ressort de la facture de la société Spallian produite par le requérant qu'elle comprend, outre le développement et la mise en ligne du logiciel de gestion des procurations, l'offre forfaitaire Terradata, la mise à disposition de la suite Terradata et de l'observatoire de données territoriales Spallian City Open Data et trois séances de restitutions, prestations qui avaient pour objet de fournir au candidat une aide à sa campagne par une meilleure connaissance des territoires.

6. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont réformé la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ayant considéré que la dépense en question ne visait pas directement à promouvoir la personnalité des candidats ou la candidature de la liste et ne pouvait, pour ce motif, être regardée comme une dépense devant, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, faire l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État, et qu'ils ont décidé de réintégrer la somme correspondante dans le compte de campagne en cause.

7. Il résulte de ce qui précède que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, réintégré la somme de 35 040 euros dans le compte de campagne de M. A..., comprenant un montant de 8 400 euros afférent à l'utilisation du logiciel mentionné au point 5. Ses conclusions d'appel qui tendent à la réformation dudit jugement et à la modification subséquente du compte de campagne de M. A..., et du montant de la somme due par l'État à l'intéressé en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral doivent donc être rejetées.

Sur l'appel incident de M. A... :

8. M. A... soutient que la somme de 7 840 euros correspondant aux frais de flocage d'un véhicule n'était pas irrégulière, dès lors que les dispositions de l'article L. 51 du code électoral ne sont pas applicables en l'espèce, et qu'elle présente donc le caractère d'une dépense électorale, de sorte qu'elle devait être prise en compte dans la détermination du montant du remboursement dû par l'État.

9. D'une part, aux termes de l'article L. 51 du code électoral : " Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe. / En cas d'affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d'office des affiches ". L'article L. 90 du même code dispose en outre que l'amende de 9 000 euros prévue à son premier alinéa " sera également applicable à toute personne qui aura contrevenu aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 51 ".

10. D'autre part, si la méconnaissance de l'interdiction de tout affichage relatif à l'élection en dehors de l'emplacement réservé par l'autorité municipale, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe résultant du troisième alinéa de l'article L. 51 du code électoral ne peut, par elle-même, justifier le rejet du compte de campagne du candidat qui y a porté cette dépense faite en vue de l'élection, le caractère irrégulier d'une telle dépense fait obstacle à ce qu'elle puisse faire l'objet d'un remboursement de la part de l'État.

11. Alors même que les candidats demeurent libres de signaler au public, par les moyens appropriés, la présence de leur permanence de campagne électorale installée à bord d'un véhicule et circulant dans la circonscription, lorsqu'il se trouve à l'arrêt, le flocage de ce véhicule, sur de larges dimensions, aux couleurs de la campagne et comportant le nom du candidat et le slogan de la liste mentionnant le nom des candidats ainsi que la nature et les dates de l'élection à venir, excédait ce qui était nécessaire au simple signalement à la vue du public de la présence d'une permanence électorale, même mobile.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à la réintégration dans ses dépenses de campagne de la somme de 7 8 40 euros afférente aux frais de flocage d'un bus. Ses conclusions d'appel incident qui tendent à la réformation dudit jugement sur ce point doivent donc être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui succombe à titre principal dans l'instance, la somme de 1 500 euros réclamée par M. A..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et les conclusions d'appel incident de M. C... A... sont rejetées.

Article 2 : L'État versera à M. C... A..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. C... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.

Le rapporteur,

S. B...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00780


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00780
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-005-04-02-04 Élections et référendum. - Dispositions générales applicables aux élections. - Financement et plafonnement des dépenses électorales. - Compte de campagne. - Dépenses.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : CABINET JL AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;24pa00780 ?
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