Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2209110 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Testard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2209110 du 6 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions de refus de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français, de fixation du pays de destination et d'interdiction de retour sur le territoire français contenues dans l'arrêté du 19 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au " préfet de police " de lui délivrer à tire principal un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, un titre de séjour mention " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation de séjour provisoire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée et a été prise sans examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle retient qu'il ne justifie pas d'une insertion suffisamment forte en France alors qu'il justifie y vivre depuis 2015 et y avoir une insertion professionnelle, sociale et familiale forte ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ses incidences sur sa situation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ses incidences sur sa situation ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été prise sans examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ses incidences sur sa situation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant ivoirien, a sollicité, le 5 juillet 2021, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 19 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 6 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. S'il ressort des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration que les actes administratifs soumis à une exigence de motivation doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, il n'en ressort pas en revanche que l'autorité administrative doive mentionner l'ensemble des éléments qui lui sont soumis. Par ailleurs, il ressort de l'arrêté attaqué qu'il vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application, et décrit la situation administrative, familiale et professionnelle de l'intéressé. Par suite il contient l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est ainsi suffisamment motivé.
3. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen sérieux et particulier de la situation du requérant. Ainsi, alors que sa demande de titre de séjour en date du 30 juin 2021, a été remise en préfecture, selon ses propres mentions le 5 juillet 2021, et a donné lieu à une décision de refus du 19 mai 2022, il ne peut être fait grief à l'auteur de cette décision de n'avoir pas mentionné la naissance de l'enfant que le requérant a eu ultérieurement avec sa compagne le 24 janvier 2023, alors surtout que l'intéressé ne justifie pas même avoir informé les autorités administratives de cette relation et de cette future naissance. De même, l'absence de mention détaillée des nombreuses pièces produites par l'intéressé pour justifier de sa vie professionnelle ne permet pas davantage d'établir que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen de sa situation particulière. Ainsi les moyens tirés tant de l'absence d'un tel examen que de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ne peuvent qu'être écartés.
4. M. B... soutient également que le refus de titre litigieux serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il se fonde sur la circonstance qu'il ne justifie pas d'une insertion suffisamment forte en France alors qu'il justifie y vivre depuis 2015 et y avoir une insertion professionnelle, sociale et familiale forte. Toutefois, la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Par suite le requérant ne peut utilement faire état de la naissance, le 24 janvier 2023, de l'enfant qu'il a eu sur le territoire français avec une de ses compatriotes en situation régulière, avec laquelle il aurait par la suite contracté un mariage traditionnel le 26 mars 2023, avant d'avoir un deuxième enfant le 30 avril 2024, outre qu'en tout état de cause il ne justifie pas, par les pièces produites, de sa vie commune avec ces deux enfants et leur mère, laquelle dans les deux actes de naissance est domiciliée à une adresse à Paris tandis que lui-même est toujours domicilié au Bourget. En outre, il ressort des pièces produites devant le tribunal, et en particulier d'une demande de couverture complémentaire santé remplie par le requérant lui-même, qu'il a déclaré avoir deux autres enfants à charge nés en 2013 et 2014, soit avant son arrivée en France, et il ne conteste pas que sa fratrie ainsi qu'un enfant au moins dont il est le père, résident dans son pays d'origine. Dès lors, même s'il fait valoir, sans au demeurant l'établir, que la mère de cet enfant aurait refait sa vie et que sa propre mère qui résidait également en Côte d'Ivoire serait désormais décédée, il dispose du fait de la présence d'au moins un enfant et de sa fratrie, de fortes attaches familiales dans son pays d'origine, où il a par ailleurs vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans au moins. Par ailleurs, s'il fait état de son intégration professionnelle en France et justifie y avoir exercé des emplois depuis 2018, soit au cours des quatre années précédant l'intervention de la décision attaquée, en qualité d'opérateur amiante, il ressort des pièces produites qu'il a pendant cette période travaillé pour au moins trois sociétés différentes, les sociétés EGD, DDM et SA SET, et qu'il fournit des bulletins de salaires correspondant parfois à la même période pour deux de ces sociétés et faisant de surcroît apparaître des revenus allant, selon les mois, d'une cinquantaine d'euros à plus de 3 000 euros. Ainsi, compte tenu de la faible valeur probante de ces pièces, il ne justifie pas de son insertion professionnelle. Enfin, s'il fait également état de sa bonne intégration sociale, celle-ci ne saurait se déduire exclusivement de ce qu'il résiderait en France depuis décembre 2015, soit depuis six ans et demi à la date de la décision attaquée, et cette insertion ne résulte par ailleurs pas des autres pièces du dossier. Il s'ensuit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour litigieux serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa bonne intégration.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit au point 4 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, ni par suite qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour opposé à M. B... n'est entaché d'aucune illégalité. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français contenue dans le même arrêté.
8. Par ailleurs, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés, pour les motifs énoncés aux points 4 et 6.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français opposés à M. B... ne sont entachés d'aucune illégalité. Par suite celui-ci n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
10. En second lieu, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont inopérants à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et, en tout état de cause, ne pourraient qu'être écartés, pour les motifs énoncés aux points 4 et 6.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français opposés à M. B... n'étant entachés d'aucune illégalité, celui-ci n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
12. En deuxième lieu, il ne ressort pas de l'arrêté attaqué, qui contient des références à la situation personnelle du requérant, que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, pas plus que les autres décisions contenues dans le même arrêté, aurait été prise sans examen sérieux de la situation de l'intéressé.
13. En troisième lieu, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés, pour les motifs énoncés aux points 4 et 6.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2024.
La rapporteure,
M-I. D...La présidente,
M. C...
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02970