Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
- les conclusions de Me Randazzo, représentant de M. A...,
- et les observations de Me Lacoeuilhe, représentant le conseil national des activités privées de sécurité.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., engagé depuis le 21 juillet 2009 en contrat à durée indéterminé par la société de sécurité privée DPSA Ile-de-France comme agent de sécurité confirmé, était titulaire d'une autorisation d'exercer valable jusqu'au 10 septembre 2019 dont il a demandé le renouvellement le 9 mai 2019. Par lettre du 2 août 2019, la délégation territoriale Île-de-France Est de la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) lui adressait une demande d'informations en lui indiquant qu'elle envisageait de rejeter sa demande. Le 12 février 2021, il a saisi la commission d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision implicite de la commission locale d'agrément et de contrôle Île-de-France Est lui refusant le renouvellement. Une décision implicite de rejet est née le 12 avril 2021 puis, par une décision expresse du
7 juin 2021, la commission a rejeté la demande de renouvellement de la carte professionnelle de M. A.... Ce dernier a de nouveau saisi, le 16 juin 2021, la commission nationale d'agrément et de contrôle d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision du 7 juin 2021. Par une décision du 23 septembre 2021, le président de la commission nationale d'agrément et de contrôle a rejeté son recours administratif préalable obligatoire et a refusé de lui renouveler sa carte professionnelle. M. A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande du 12 février 2021 et de la décision expresse du 23 septembre 2021. Il relève appel du jugement du 14 avril 2023 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. A... soutient que le jugement attaqué ne répond pas aux moyens tirés de la violation du principe des droits de la défense, de la présomption d'innocence et du principe du contradictoire, il ressort des points 7 et 13 de ce jugement que le moyen manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation, de l'absence de respect du principe du contradictoire et des droits de la défense ainsi que du défaut d'habilitation de l'agent ayant procédé à la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), dont seraient entachées les décisions litigieuses.
4. En deuxième lieu, M. A... fait valoir qu'il a formé une demande d'effacement des mentions le concernant dans le TAJ et que le Procureur de la République a décidé, le 2 avril 2021, que ces mentions ne pourraient plus être accessibles dans le cadre d'une consultation réalisée au titre d'une enquête administrative. Toutefois, la consultation du fichier dans le cadre de la demande de renouvellement de son agrément a été effectuée en 2019, soit antérieurement à la décision du Procureur qui, contrairement à ce que soutient l'appelant, ne revêt pas de caractère rétroactif. Ce moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité
intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : / 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes (...) ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code, dans sa version applicable au litige : " Nul ne peut exercer à titre individuel une activité mentionnée à l'article L. 611-1, ni diriger, gérer ou être l'associé d'une personne morale exerçant cette activité, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. ". L'article L. 612-20 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose
que : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du
6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; / (...)/ La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues aux 1°, 2° et 3°. (...). ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, à l'issue d'une enquête administrative, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les actes commis par le demandeur sont compatibles avec l'exercice de la profession ou la direction d'une personne morale exerçant cette activité, alors même que les agissements en cause n'auraient pas donné lieu à une condamnation inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ou que la condamnation prononcée en raison de ces agissements aurait été effacée de ce bulletin. A ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse du 23 septembre 2021 se fonde sur la circonstance que M. A... a été mis en cause pour un fait de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivi d'incapacité n'excédant pas huit jours pour avoir, le 1er décembre 2018, alors qu'il faisait l'objet le cadre d'un contrôle routier, cherché à échapper à une verbalisation en démarrant son véhicule et en roulant sur le pied d'un fonctionnaire de police et pour lequel il a été poursuivi devant le tribunal de grande instance de Bobigny. La commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS a estimé que
M. A..., titulaire au moment des faits d'une carte professionnelle, était soumis à une obligation déontologique renforcée et que par son comportement incompatible avec l'exercice d'une activité privée de sécurité, il ne satisfaisait plus à la condition fixée par l'article
L. 612-20, 2°du code de la sécurité intérieure. S'il ressort du jugement définitif du tribunal correctionnel du 7 octobre 2019 que M. A... a été jugé pénalement irresponsable en raison d'un trouble mental ayant aboli son discernement lors de la commission des faits reprochés du 1er décembre 2018 et s'il ressort également des pièces du dossier que ces faits n'ont pas été inscrits dans le bulletin n°2 de son casier judiciaire, M. A... n'établit ni même n'allègue être guéri de ses troubles mentaux ou même régulièrement suivi ou soigné pour cette pathologie à la date des décisions contestées. Par suite, eu égard à la gravité des faits reprochés à M. A... et à la nécessité d'une maîtrise de soi dans l'exercice de sa profession, c'est sans commettre d'erreur de droit ou d'appréciation ni entacher sa décision d'une violation de l'autorité de la chose jugée au pénal, que la commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS a pu refuser à M. A... le renouvellement de sa carte professionnelle.
8. En quatrième lieu, eu égard à ce qui précède, les décisions litigieuses ne peuvent être regardées comme portant à la liberté de travailler une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises.
9. Enfin, M. A... ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre des décisions litigieuses, du principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Le rejet des conclusions à fin d'annulation de la requête entraîne, par voie de conséquence, celui de ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que le CNAPS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 000 euros à verser au CNAPS sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera au CNAPS une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au Conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience publique du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2024.
La présidente-rapporteure,
M. JULLIARD,
L'assesseure la plus ancienne,
M-I LABETOULLE
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02421 2