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02/10/2024 | FRANCE | N°23PA00452

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 02 octobre 2024, 23PA00452


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2013 ainsi que des pénalités, majorations et intérêts de retard afférents.



Par un jugement n° 2104942/7 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 2 février 2023, M. A..., représenté par Me Krief, demande à la Cour :



1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2013 ainsi que des pénalités, majorations et intérêts de retard afférents.

Par un jugement n° 2104942/7 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2023, M. A..., représenté par Me Krief, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104942/7 du 5 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société Sévigné 17 est devenue multimarque à l'occasion de la cession en litige ;

- elle est structurellement déficitaire et en cessation de paiement ;

- l'administration ne pouvait appliquer un taux de 80 % du CA HT propre aux activités de prêt à porter de luxe mais un taux de 40 ou 45 % maximum ;

- pour la méthode par comparaison, le service a utilisé des termes de comparaison disparates, et qui ne sont pas comparables ;

- la combinaison des deux méthodes est irrégulière ;

- l'abandon de créance est intervenu postérieurement à la cession et ne peut être pris en compte pour procéder à l'évaluation des titres ;

- l'intention libérale n'est pas établie ;

- le manquement délibéré n'est pas établi ;

- l'intérêt de retard doit être limité au taux légal.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 janvier 2011, la société WIS a cédé pour un euro symbolique à Mme B... D... et M. C... A..., à hauteur de 50 % chacun, des titres non cotés de la société Sévigné 17. M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2013. A la suite de ce contrôle, l'administration fiscale, estimant que cette cession était constitutive d'un avantage occulte taxable sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, a mis à la charge de M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2013. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages

occultes ; / (...) ".

3. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts, alors même que l'opération est comptabilisée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

4. La valeur vénale d'actions non cotées en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, elle peut légalement se fonder sur l'une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l'actif par capitalisation des bénéfices ou d'une fraction du chiffre d'affaires annuel, ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes. Elle ne saurait toutefois procéder par combinaison entre la méthode par comparaison et l'une ou plusieurs des méthodes alternatives.

5. S'agissant d'une entreprise non cotée, pour déterminer la valeur des titres de la société Sévigné 17, l'administration a procédé à une estimation de 357 708 euros du fonds de commerce en tenant compte du chiffre d'affaires moyen pondéré HT de l'entreprise sur les trois derniers exercices précédant la cession avant de lui appliquer un coefficient de 87 % obtenu par comparaison avec la cession d'autres fonds de commerce relevant d'une activité similaire. Ayant estimé le montant des capitaux propres de l'entreprise à un montant de 11 313 euros après prise en compte de la promesse d'abandon de créances de 665 840 euros, elle en a déduit un actif net de la société de 357 708 euros - 11 313 euros soit 346 395 euros. Elle a recoupé cette analyse avec une estimation du rapport moyen entre la valeur du fonds de commerce et du chiffre d'affaires observé sur le marché du prêt-à-porter, déterminé sur cette base un actif net de 332 909 euros et procédé à la moyenne des deux évaluations. Après application d'un coefficient de 15 % pour tenir compte des résultats sociaux déficitaires de l'entreprise, elle a retenu une valeur vénale unitaire à 2 887 euros la part. Elle a considéré que l'écart entre cette valeur et celle à laquelle la société WIS avait cédé ses parts n'étant pas assorti de contrepartie et constituait ainsi pour M. A... un avantage occulte qu'elle a réintégré dans son revenu imposable. Saisie pour avis, la commission de conciliation de Paris a estimé le 24 janvier 2019 qu'en l'absence d'éléments probants remettant en cause l'évaluation de l'administration, la méthode d'évaluation par combinaison pouvait être validée, a retenu le montant de 665 840 euros au titre de l'abandon de créance et a proposé à titre de conciliation de retenir une décote prenant en compte les résultat sociaux de la société non pas à 15 % mais à 30 %, position suivie ensuite par l'administration, ce qui aboutit à la fixation d'une valeur de part unitaire de 2 377 euros.

6. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la valeur des titres a été dans un premier temps estimée à partir d'une valorisation du fonds de commerce à la somme de 357 708 euros, déterminée à l'aide de transactions comparables. Contrairement à ce qui est soutenu, les transactions utilisées par le service correspondaient à des commerces de détail d'habillement en magasin spécialisé. Les seules circonstances que le rapport entre la valeur du fonds de commerce et celle du chiffre d'affaires pondéré diffère sensiblement selon les exemples et que certains éléments de comparaison ne correspondent pas à une activité exercée dans le même arrondissement de Paris ne sauraient suffire à écarter les éléments de comparaison retenus. S'il est soutenu que la société Sévigné 17 est devenue multimarque à l'occasion de la cession en litige, il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle transformation ait été engagée avant la fin de l'exercice en cause et ait influencé la valeur du fonds cédé. Contrairement à ce qui est également soutenu, il résulte de l'acte de cession du 27 janvier 2011, en page 7, qu'était prévue une garantie d'actif et de passif et que " la société WIS s'engage à abandonner purement et simplement les créances qu'elle détient sur la société Sévigné 17 pour un montant global de six cent soixante-cinq mille huit cent quarante euros (665 840 €) ". Il en résulte que l'administration pouvait légalement tenir compte de l'abandon de créance pour procéder à l'évaluation des titres de la société Sévigné 17, dès lors que son principe était prévu dans l'acte de cession et en constituait une condition, et cela alors même que l'abandon de créance a eu lieu postérieurement à la cession des parts. La société requérante ne saurait valablement se prévaloir à cet égard des règles applicables dans l'hypothèse où l'acquéreur des titres prévoit de rembourser au vendeur la créance qu'il détenait dans les écritures de la société cédée. Enfin, il résulte de l'instruction que les difficultés financières de l'entreprise ont été prises en compte par une décote de 30 % sur la valeur des parts. M. A... ne fait valoir aucune argumentation justifiant de ce qu'il aurait été approprié d'appliquer une décote supplémentaire.

7. Si l'administration n'est pas fondée, ainsi qu'il a été dit au point 4., à procéder par combinaison entre une méthode par comparaison et une ou plusieurs des méthodes alternatives, il résulte de l'instruction que l'administration a en premier lieu estimé le fonds de commerce de la société Sévigné 17 à partir de son chiffre d'affaires, le rapport entre le prix de cession et la moyenne pondérée du chiffre d'affaires des trois années précédant la cession ayant été calculé à partir de données constatées pour 6 sociétés comparables de vente de vêtements. Le fait qu'elle ait également pris en compte une valeur du fonds de commerce calculée en utilisant un ratio moyen par rapport au chiffre d'affaires figurant dans la documentation professionnelle, ce qui n'a eu pour effet que de réduire le montant du rehaussement en litige, n'est contrairement à ce qui est soutenu, constitutif d'aucune irrégularité. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le taux utilisé dans le cadre de ce dernier calcul, propre aux entreprises exerçant leur activité dans le registre haut-de-gamme du prêt à porter, soit inadapté à l'estimation de la valeur du fonds de commerce de la société Sévigné 17.

8. Il résulte enfin de l'instruction et il n'est pas contesté par M. A... qu'il a été l'associé de plusieurs sociétés aux côtés de la société WIS, notamment des sociétés LAC et LAM, lesquelles ont également fait l'objet de cession de titres de la part de la société WIS, et qu'il facturait des honoraires administratifs et financiers à la société WIS qui étaient refacturés aux différentes filiales. L'administration établit la communauté d'intérêts unissant la société WIS et M. A.... Eu égard à cette communauté d'intérêt et à la discordance significative entre la valeur de cession des titres de la société Sévigné 17 dont 50 % des parts sociales ont été cédées à M. A..., pour la somme d'un euro symbolique, et la valeur vénale unitaire de ces titres, évalués à 2 377 euros, et alors même que la société WIS aurait eu intérêt à se désengager d'une société structurellement déficitaire et endettée, l'écart correspondant doit être regardé comme une libéralité volontairement consentie, de manière occulte, par la société WIS à M. A.... Par suite, cette libéralité représente un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts, imposable entre les mains de M. A....

Sur les pénalités :

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / (a.) 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... a perçu un avantage occulte significatif dont il ne pouvait ignorer, compte tenu des relations d'intérêts qu'il entretenait avec la société WIS, le caractère taxable. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a appliqué au principal des droits des impositions supplémentaires mises à la charge du contribuable une pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

En ce qui concerne les intérêts de retard :

11. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts alors en vigueur :

" I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code / III.- Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé ".

12. L'intérêt de retard prévu par ces dispositions, qui s'applique indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié, y compris pour la part excédant celui qui aurait résulté de l'application du taux d'intérêt légal. Le moyen tiré de ce que le taux de 0,40 % par mois appliqué en l'espèce serait excessif doit dès lors être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre en charge de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

S. VIDAL

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre en charge de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 23PA00452 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00452
Date de la décision : 02/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-02;23pa00452 ?
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