Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 9 avril 2014, Yvette A..., âgée de 90 ans, a été victime d'un malaise survenu à son domicile. Elle a été transportée par les sapeurs-pompiers au service des urgences de l'hôpital Bicêtre, dépendant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), où elle est décédée le même jour à la suite d'un arrêt cardio-respiratoire. Le 30 novembre 2016, M. B... A..., son fils, a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales (CCI) d'Ile-de-France dans le cadre de la procédure de règlement amiable prévue par l'article L. 1142-7 du code de la santé publique qui a ordonné une expertise concluant que si la cause du décès
d'Yvette A... ne pouvait être identifiée avec certitude, des manquements dans la prise en charge de la patiente étaient représentatifs d'une perte de chance d'éviter son décès, fixée à 5%. La CCI a suivi les conclusions de l'expert dans son avis du 21 décembre 2017. L'AP-HP a formulé le 24 octobre 2019 une offre d'indemnisation globale de 476 euros que M. B... A... a rejetée. Ce dernier a alors saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme totale de 115 243 euros en réparation tant du préjudice subi par sa mère que de son préjudice propre. Il relève appel du jugement du 18 octobre 2022 du tribunal qui a condamné l'AP-HP à lui verser une somme de 2 521 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2019, en tant qu'il a limité le montant de ses indemnisations. L'AP-HP qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité et le taux de 5% mis à sa charge par le tribunal, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les demandes de l'appelant soient ramenées à de plus justes proportions.
Sur le manquement à l'obligation d'information :
2. Aux termes de l'article L.1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser (...) ". Le neuvième alinéa de l'article L. 1110-4 de ce code dispose que : " En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations. ".
3. D'une part, il y a lieu par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance par les équipes médicales du devoir d'information à l'égard d'Yvette A....
4. D'autre part, il résulte de l'instruction que si M. A... a été informé en fin de matinée lors de l'admission de sa mère au service des urgences, de la gravité de l'état de cette dernière et de la nécessité de la maintenir hospitalisée, il a, par la suite, été laissé sans nouvelle d'elle jusqu'à son décès intervenu à 18 heures et n'a pu l'accompagner dans ses derniers moments. En outre, dans son avis précité, la CCI a indiqué que : " La commission tient à déplorer le comportement du personnel soignant de l'AP-HP, n'ayant pas suffisamment associé Monsieur B... A... dans la prise en charge de sa mère. Cette attitude ne correspondant pas à ce qu'il était légitimement en droit d'attendre de la part de professionnels de santé, qui plus est, lorsqu'il s'agit d'une prise en charge d'une patiente en fin de vie ". Par suite, dès lors que l'AP-HP ne se prévaut d'aucune circonstance particulière justifiant que M. A... n'ait pas été informé de l'évolution de l'état de santé de sa mère, son fils est fondé à soutenir que l'AP-HP a manqué à son égard au devoir d'information permettant d'apporter un soutien direct à un proche, prévu par les dispositions précitées.
Sur l'indemnisation des préjudices résultant de la faute médicale :
Sur l'indemnisation des préjudices :
S'agissant du préjudice subi par Yvette A... :
En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :
5. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus au point 8 du jugement attaqué, de rejeter la demande présentée au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par Yvette A... de 9 avril 2014.
En ce qui concerne les souffrances endurées :
6. Il ne résulte pas de l'instruction, en particulier de l'expertise, que les souffrances éprouvées par Yvette A... et évaluées à 5/7 par l'expert aient un lien direct et certain avec les manquements en matière de diagnostic, d'investigation et de surveillance reprochés à l'AP-HP et retenus à bon droit par le tribunal. Il y a lieu dès lors de rejeter la demande présentée à ce titre et de réformer le jugement attaqué sur ce point.
En ce qui concerne la douleur morale ressentie liée à la perte de chance de survie :
7. Il ne résulte pas de l'instruction, en particulier de l'expertise, qu'Yvette A... aurait ressenti une douleur morale liée à la conscience d'une perte de chance de survie en raison de sa prise en charge médicale. Cette demande ne peut qu'être rejetée.
S'agissant du préjudice subi par M. A... :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que
M. A... est fondé à demander réparation du préjudice moral résultant pour lui du manquement de l'AP-HP à son devoir d'information. Il y a lieu de lui allouer une somme de 5 000 euros au titre de ce préjudice qui résulte intégralement de la faute commise.
9. En deuxième lieu, le préjudice d'affection subi par M. A... du fait du décès de sa mère doit être évalué à la somme de 10 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 5% retenu à bon droit au point 7 du jugement attaqué, il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 500 euros et de réformer le jugement attaqué sur ce point.
10. Enfin, il y a lieu de confirmer les indemnités allouées par le tribunal et non contestée par l'AP-HP au titre des frais d'expertise d'un montant de 171 euros compte tenu du taux de responsabilité de 5% et de 1 800 euros au titre des frais d'obsèques.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander à l'AP-HP le versement de la somme de 7 471 euros en réparation de ses préjudices. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué dans cette mesure.
Sur les intérêts :
12. Les sommes mises à la charge de l'AP-HP au profit de M. A... doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2019, date d'enregistrement de sa requête au tribunal administratif.
Sur les frais de l'instance :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a de lieu de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme que l'AP-HP a été condamnée à verser à M. A... est portée à 7 471 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2019.
Article 2 : Le jugement n° 1911460 du 18 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'AP-HP versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience publique du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2024.
La présidente-rapporteure,
M. JULLIARD,
L'assesseure la plus ancienne,
M-I LABETOULLE
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05336 2