La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2024 | FRANCE | N°24PA02184

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 30 septembre 2024, 24PA02184


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités italiennes.



Par un jugement n° 2402903 du 25 avril 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet territorialement compétent de procéder

à un nouvel examen de la situation de Mme A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2402903 du 25 avril 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet territorialement compétent de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 100 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 24PA02184, les 14 mai et 20 août 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a fait droit moyen tiré de ce que l'entretien avec Mme A... n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national au sens de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 pour annuler l'arrêté ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2024, Mme A..., représentée par Me Sarhane, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le moyen soulevé par le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé ;

- l'arrêté du 16 février 2024 est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- il est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il est intervenu en méconnaissance de l'article 4 et de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 23 juin 2013 ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 23 juin 2013 ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 23 juin 2013.

II. Par une requête enregistrée le 14 mai 2024 sous le n° 24PA02185, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2402903 du 25 avril 2024, de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-15 ou de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement attaqué.

La requête a été communiquée à Mme A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 février 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé du transfert de Mme A..., ressortissante nigériane née le 24 août 2000, aux autorités italiennes, aux fins d'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 25 avril 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a, en son article 1er, admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en son article 2, annulé l'arrêté du 16 février 2024, en son article 3, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet territorialement compétent de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, en son article 4 mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 100 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, en son article 5, rejeté le surplus de la demande de Mme A.... Le préfet la Seine-Saint-Denis doit être regardé comme demandant l'annulation des articles 2 à 4 de ce jugement dont il relève régulièrement appel. Il demande en outre qu'il soit sursis à son exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes visées ci-dessus n° 24PA02184 et 24PA02185, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis, tendent, respectivement, à l'annulation et au sursis à exécution du jugement n° 2402903 du 25 avril 2024 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 24PA02184 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4.

/ 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel.

/ 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

4. Sauf élément particulier en sens contraire, un agent du bureau chargé de la demande d'asile doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du résumé de l'entretien établi le jour même et sur lequel est apposé un cachet portant les mentions " A la préfecture de : Préfecture de Seine-Saint-Denis " et " Agent de la préfecture ", que Mme A... a bénéficié d'un entretien individuel mené, le 27 octobre 2023, dans les locaux de la préfecture de Seine-Saint-Denis par un agent de la préfecture. Le préfet de la Seine-Saint-Denis précise, en appel, que l'entretien a été conduit par Mme Mélissa Majesté, secrétaire administrative principale et agente en charge du traitement des demandes d'asile, habilitée pour ce faire par l'arrêté n° 2024-0996 du 3 avril 2024 portant nomination des agents préfectoraux chargés de conduire les entretiens individuels prévus à l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dont les initiales " M.M. " figurent sur le résumé de l'entretien. Alors que Mme A... n'apporte aucun élément au soutien de l'allégation selon laquelle l'entretien n'aurait pas été conduit par une personne qualifiée en vertu du droit national, ces éléments sont suffisants pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national et dans les locaux de la préfecture. L'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent chargé de conduire cet entretien, la durée de celui-ci, la possibilité de procéder à une relecture dudit résumé ou la possibilité pour le conseil de l'intéressé d'en solliciter la communication. Il ressort également du résumé que Mme A... a bénéficié lors de son entretien individuel des services d'un interprète en anglais, qu'elle a déclaré comprendre, provenant de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles l'entretien s'est déroulé auraient privé Mme A... de la possibilité de faire valoir toute observation utile ou n'auraient pas permis d'en assurer la confidentialité. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil s'est fondée sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 pour annuler l'arrêté contesté.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

7. L'arrêté litigieux, après avoir visé le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne les éléments de fait de la situation de Mme A..., en rappelant notamment que le relevé de ses empreintes a révélé qu'elle avait franchi illégalement la frontière italienne en provenance d'un pays tiers le 14 septembre 2023 et que les autorités italiennes, qui devaient être regardées comme étant responsables de sa demande d'asile sur le fondement de l'article 13 paragraphe 1 du règlement n° 604/2013, ont en conséquence été saisies d'une demande de prise en charge le 2 novembre 2023 en application des articles 21 et 22 du règlement n° 604/2013 et ont tacitement donné leur accord le 2 janvier 2024. Il précise en outre que sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elle ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France, ni n'établit être dans l'impossibilité de retourner en Italie, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, enfin, qu'elle n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Cet arrêté satisfait ainsi aux exigences de motivation résultant des dispositions citées ci-dessus. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme A..., il ne ressort pas des termes de l'arrêté, ni des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'était pas tenu de reprendre dans celui-ci l'ensemble des éléments relatifs à la situation de l'intéressée, n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation avant d'édicter la décision contestée. Si Mme A... soutient que l'arrêté ne mentionne pas les éléments qui l'ont poussée à quitter l'Italie, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de l'entretien individuel du 27 octobre 2023, qu'elle aurait fait part de tels éléments au cours de cet entretien.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit également permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

10. En outre, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans son arrêt du 30 novembre 2023, Ministero dell'Interno, affaires C-228/21, C-254/21, C-297/21, C-315/21 et C-328/21, lorsque l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement n° 604/2013 a eu lieu, mais que la brochure commune devant être communiquée à la personne concernée en exécution de l'obligation d'information prévue à l'article 4 de ce règlement ou à l'article 29, paragraphe 1, b), du règlement n° 603/2013 ne l'a pas été, le juge national chargé de l'appréciation de la légalité de la décision de transfert ne saurait prononcer l'annulation de cette décision que s'il considère, eu égard aux circonstances de fait et de droit spécifiques au cas d'espèce, que le défaut de communication de la brochure commune a, en dépit de la tenue de l'entretien individuel, effectivement privé cette personne de la possibilité de faire valoir ses arguments dans une mesure telle que la procédure administrative à son égard aurait pu aboutir à un résultat différent.

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu remettre en temps utile, le 27 octobre 2023, lors de son entretien individuel, la brochure " A ", intitulée " J'ai demandé l'asile dans un pays de l'Union européenne ", et la brochure " B ", intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement, ainsi que le guide du demandeur d'asile, en langue anglaise qu'elle a déclaré comprendre. Si l'intéressée soutient que le préfet de police n'apporte pas la preuve que ces documents étaient complets, elle n'apporte aucun élément en ce sens alors qu'elle a reconnu à l'issue de l'entretien que les informations sur les règlements communautaires lui ont été remises. Enfin, si Mme A... allègue, pour la première fois en appel, qu'elle ne sait pas lire et que le contenu de ces brochures ne lui aurait pas été communiqué par oral, avec le concours d'un interprète, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué qu'elle aurait été privée de ce fait de la possibilité, notamment lors de l'entretien individuel, de faire valoir ses arguments dans une mesure telle que la procédure administrative à son égard aurait pu aboutir à un résultat différent.. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles 15, 18 et 19 du règlement (CE) de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

13. Il résulte des dispositions du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau " Dublinet ", par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande de prise ou de reprise en charge présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai d'un ou de deux mois au terme duquel, respectivement, la demande de reprise en charge ou de prise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la prise ou à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier " Eurodac " et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de prise ou de reprise en charge.

14. En l'espèce, le préfet de la Seine-Saint-Denis a produit, en première instance, l'accusé de réception " DubliNet " généré par le point d'accès national de l'Etat requis, établissant qu'il a saisi, le 2 novembre 2023, soit dans le délai de deux mois à compter de la date du résultat positif (" hit ") Eurodac, le 27 octobre 2023, prévu par les dispositions précitées de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités italiennes d'une requête aux fins de prise en charge de Mme A.... Le préfet de la Seine-Saint-Denis a également produit le constat de l'accord implicite des autorités italiennes à cette demande, en date du 2 janvier 2024, soit au terme du délai prévu par les dispositions du 7 de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013, établi au moyen de la même application, accompagné de la copie du courrier électronique daté du 8 janvier 2024 accusant réception de ce constat. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un retard dans le processus de détermination de l'Etat responsable doit être écarté.

15. En cinquième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable . Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

16. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

17. Mme A... soutient qu'il existe de sérieuses raisons de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile en Italie et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînent un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de retour dans ce pays. A l'appui de ses allégations, elle produit notamment la lettre circulaire du 5 décembre 2022 du ministre italien de l'intérieur demandant une suspension des transferts " Dublin " du fait de l'importance des flux migratoires ainsi que des décisions de juridictions de certains Etats de l'Union. Toutefois, cette note, rédigée quatorze mois avant l'arrêté contesté, qui se borne à demander " une suspension temporaire " des transferts de demandeurs d'asile en Italie pour des motifs purement techniques liés à la saturation des centres d'accueil, ne saurait, par elle-même, établir qu'il existerait en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. La circonstance que les autorités italiennes n'ont donné qu'un accord implicite à la prise en charge de Mme A... n'est pas de nature à établir l'existence de telles défaillances. Celle-ci ne produit aucun élément permettant d'établir que sa demande d'asile ne sera pas sérieusement examinée en Italie ni qu'en cas de retour dans ce pays, elle serait personnellement exposées à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, faute d'apporter des éléments de nature à renverser la présomption de ce que ces craintes sont non fondées, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte application des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 16 février 2024 décidant la remise de Mme A... aux autorités italiennes, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 100 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 24PA02185 :

19. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 24PA02184 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement n° 2402903 du 25 avril 2024, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24PA02185 par laquelle le préfet demande à la cour le sursis à exécution de ce jugement.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA02185 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2402903 du 25 avril 2024 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil, auxquelles cette juridiction a fait droit par les articles 2, 3 et 4 de son jugement, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... et à Me Sarhane.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24PA02184, 24PA02185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02184
Date de la décision : 30/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-30;24pa02184 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award