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30/09/2024 | FRANCE | N°24PA01997

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 30 septembre 2024, 24PA01997


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2024 par lequel le préfet de police de Paris a décidé son transfert aux autorités polonaises.



Par un jugement n° 2402301/8 du 29 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 janvier 2024, a enjoint au préfet de police de Paris de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... et de lui d

élivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois mois à compter de la date de notif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2024 par lequel le préfet de police de Paris a décidé son transfert aux autorités polonaises.

Par un jugement n° 2402301/8 du 29 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 janvier 2024, a enjoint au préfet de police de Paris de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2024, le préfet de police de Paris doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré de ce que l'entretien avec M. A... n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national au sens de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 pour annuler l'arrêté contesté ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiqué à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 janvier 2024, le préfet de police de Paris a décidé du transfert de M. A..., ressortissant bangladais né le 8 avril 1997, aux autorités polonaises, aux fins d'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 29 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, en son article 1er, admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en son article 2, annulé l'arrêté du 29 mars 2024, en son article 3, enjoint au préfet de police de Paris de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement, en son article 4 mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, en son article 5, rejeté le surplus de la demande de M. A.... Le préfet de police de Paris doit être regardé comme demandant l'annulation des articles 2 à 4 de ce jugement dont il relève régulièrement appel.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4.

/ 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel.

/ 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

3. Sauf élément particulier en sens contraire, un agent du bureau chargé de la demande d'asile doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la fiche d'instruction, produite pour la première fois en appel, et du résumé de l'entretien établi le jour même et sur lequel est apposé un cachet portant la mention " Préfecture de Police, Délégation à l'Immigration, Bureau de l'accueil de la demande d'asile, 92, boulevard Ney - 75018 Paris ", que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel mené, le 9 novembre 2023, dans les locaux de la préfecture de police par un agent de ce bureau. M. A... n'ayant apporté aucun élément au soutien de l'allégation selon laquelle l'entretien n'aurait pas été conduit par une personne qualifiée en vertu du droit national, alors qu'il ressort des pièces du dossier que cet entretien, qui a permis de l'inviter à fournir les informations en sa possession, utiles au processus de détermination de l'Etat membre responsable, a été conduit par un agent du bureau de l'accueil de la demande d'asile, les éléments versés au dossier par le préfet de police sont suffisants pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national et dans les locaux de la préfecture. Par ailleurs, l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent chargé de conduire cet entretien, la durée de celui-ci, la possibilité de procéder à une relecture dudit résumé ou la possibilité pour le conseil de l'intéressé d'en solliciter la communication. Il ressort également du résumé que M. A... a bénéficié lors de son entretien individuel des services d'un interprète en bengali, qu'il a déclaré comprendre, provenant de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles l'entretien s'est déroulé auraient privé M. A... de la possibilité de faire valoir toute observation utile ou n'auraient pas permis d'en assurer la confidentialité. Par suite, le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 pour annuler l'arrêté attaqué.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

6. L'arrêté litigieux, après avoir visé le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne les éléments de fait de la situation de M. A..., en rappelant notamment que le relevé de ses empreintes a révélé qu'il a sollicité l'asile auprès des autorités polonaises le 4 juin 2022, que les autorités polonaises devaient être regardées comme étant responsables de sa demande d'asile et avaient en conséquence été saisies d'une demande de reprise en charge le 29 novembre 2023 en application de l'article 18.1 b) du règlement n° 604/2013, et que les autorités polonaises ont donné leur accord le 13 décembre 2023 sur le fondement du d) de cet article. Il précise en outre que la situation de M. A... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France, ni n'établit être dans l'impossibilité de retourner en Pologne, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, enfin, qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités polonaises. Cet arrêté satisfait ainsi aux exigences de motivation résultant des dispositions citées ci-dessus. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. A..., il ne ressort pas des termes de l'arrêté, ni des pièces du dossier, que le préfet de police de Paris, qui n'était pas tenu de reprendre dans celui-ci l'ensemble des éléments relatifs à la situation de l'intéressé, n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation avant d'édicter la décision contestée. Si M. A... soutient que l'arrêté ne mentionne pas les éléments qui l'ont poussé à quitter la Pologne, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu d'entretien qui fait apparaître que M. A... a déclaré n'avoir pas sollicité l'asile dans un pays de l'Union européenne, qu'il aurait fait part de tels éléments au cours de cet entretien.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre en temps utile, le 9 novembre 2023, lors de son entretien individuel, la brochure " A ", intitulée " J'ai demandé l'asile dans un pays de l'Union européenne ", et la brochure " B ", intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement, en langue bengali qu'il a déclaré comprendre, et dont le contenu a été porté à sa connaissance par le biais d'un interprète en langue bengali. Si l'intéressé soutient que le préfet de police n'apporte pas la preuve que ces documents étaient complets, ils n'apportent aucun élément en ce sens alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a reconnu, en signant la première page des brochures, avoir reçus les pages 1 à 13 de la brochure " A ", les pages 1 à 15 de la brochure " B " et les pages 1 à 53 du guide du demandeur d'asile. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013 (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) ". Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles 15, 18 et 19 du règlement (CE) de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

10. Il résulte des dispositions du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau " Dublinet ", par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande de prise ou de reprise en charge présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai d'un ou de deux mois au terme duquel, respectivement, la demande de reprise en charge ou de prise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la prise ou à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier " Eurodac " et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de prise ou de reprise en charge.

11. En l'espèce, le préfet de police de Paris a produit au dossier de l'instance la lettre datée du 13 décembre 2023 par laquelle les autorités polonaises ont donné leur accord à la reprise en charge de M. A... sur le fondement de l'article 18.1 d) du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ce seul document permet d'établir que les autorités polonaises ont bien été saisies de la demande aux fins de reprise en charge dans le délai de deux mois à compter de la date du résultat positif (" hit ") Eurodac, le 27 octobre 2023. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un retard dans le processus de détermination de l'Etat responsable doit être écarté.

12. En quatrième lieu, dès lors que M. A... a introduit une demande d'asile en Pologne, le préfet de police de Paris pouvait légalement, sur le fondement des dispositions citées au point 9 de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, adresser une demande de reprise en charge aux autorités polonaises, devenues responsables de cette demande alors même que l'intéressé serait entré dans l'Union européenne par la Roumanie, comme il l'a déclaré lors de l'entretien du 9 novembre 2023. Par suite, contrairement à ce que soutient M. A..., le préfet de police de Paris n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit.

13. En cinquième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable . Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

14. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

15. M. A... ne produit aucun élément permettant d'établir que sa demande d'asile n'a pas été sérieusement examinée en Pologne, ni qu'en cas de retour dans ce pays, il serait exposées à un risque sérieux de ne pas être traité par les autorités polonaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Pologne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, faute d'apporter des éléments de nature à renverser la présomption de ce que ces craintes sont non fondées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police de Paris a fait une inexacte application des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police de Paris est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 janvier 2024 décidant la remise de M. A... aux autorités polonaises, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2402301/8 du 29 mars 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris, auxquelles cette juridiction a fait droit par les articles 2, 3 et 4 de son jugement, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... et à Me Sarhane.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01997
Date de la décision : 30/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-30;24pa01997 ?
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