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30/09/2024 | FRANCE | N°23PA05359

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 30 septembre 2024, 23PA05359


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Pyramide 1 a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 15 février 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 18 250 euros et la contribution forfaitaire alors prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un

montant de 2 124 euros, la décision du 29 avril 2021 rejetant son recours gracieux et les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Pyramide 1 a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 15 février 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 18 250 euros et la contribution forfaitaire alors prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros, la décision du 29 avril 2021 rejetant son recours gracieux et les deux titres de perception émis le 25 février 2021 pour le recouvrement de ces contributions.

Par jugement n° 2108852 du 11 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 décembre 2023 et 16 avril 2024, la société Pyramide 1, représentée par Me Traoré, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108852 du 11 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 15 février 2021, ensemble la décision du 29 avril 2021 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'annuler les deux titres de perception émis le 25 février 2021 à son encontre pour le recouvrement de ces contributions ;

4°) d'ordonner le remboursement des saisies, règlements afférents aux titres de perception litigieux correspondant à la somme de 5 078,20 euros ;

5°) à titre subsidiaire de la décharger partiellement des sommes mises à sa charge en calculant le montant de la contribution spéciale sur la base de 1 000 fois le taux horaire minimum garanti ;

6°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 15 février 2021 du directeur général de l'OFII a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée eu égard à la gravité de sa faute, au contexte dans lequel elle a été commise et aux difficultés financières auxquelles elle est confrontée et méconnaît le principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle est de bonne foi et elle a effectué les vérifications d'usage ;

- les sanctions financières qui lui ont été infligées lui sont préjudiciables alors qu'elle se trouvait déjà dans une situation difficile en raison de la crise sanitaire et l'application de la contribution spéciale va la contraindre à fermer définitivement ses portes de sorte que la décision du 15 février 2021 est disproportionnée ;

- elle peut prétendre au bénéfice de la minoration de la contribution spéciale en calculant le montant de la contribution spéciale sur la base de 1 000 fois le taux horaire minimum garanti dès lors qu'elle s'est acquittée des salaires et indemnités qu'elle devait à son salarié le 7 février 2020 soit dans le délai de 30 jours prévus par les dispositions applicables du code du travail ;

- le montant des sanctions infligées dépasse le plafond maximal de 15 000 euros par salarié ;

- la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas exigible faute de justifier du réacheminement de l'étranger concerné ;

- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, les conclusions qu'elle a formées contre les titres de perception ne sont pas irrecevables dès lors qu'elle a introduit deux recours administratifs préalables obligatoires les 19 avril 2021 qui ont été réceptionnés le 22 avril 2021 ;

- les titres de perception ont été pris par une autorité incompétente ;

- ils sont irréguliers dès lors qu'ils ne mentionnent pas les bases de liquidation de la créance ;

- ils sont irréguliers dès lors qu'ils ne mentionnent pas les voies et délais de recours et renvoient à un recours administratif préalable qui n'est pas obligatoire pour les créances de l'OFII.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2024, l'OFII, représenté par Me de Froment conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Pyramide 1 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Pyramide 1 ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mai 2024 à 12 heures.

Un mémoire, présenté pour la société Pyramide 1, a été enregistré le 21 mai 2024 à 13 heures 57.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 février 2020, les services de police ont contrôlé un restaurant exploité par la société Pyramide 1 à Épinay-sur-Seine (93) et ont constaté la présence d'un ressortissant tunisien en action de travail dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France et non déclaré. Un procès-verbal d'infraction a été dressé et transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 15 février 2021, le directeur général de l'OFII a appliqué à la société Pyramide 1, à raison de l'emploi de ce ressortissant étranger, la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 18 250 euros, et la contribution forfaitaire alors prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros. Par décision du 29 avril 2021, le directeur général de l'OFII a rejeté le recours gracieux formé par la société Pyramide 1 le 17 mars 2021 contre cette décision. Deux titres de perception ont été émis le 25 février 2021 à l'encontre de la société Pyramide 1 pour le recouvrement de ces contributions. Par jugement du 11 octobre 2023, dont la société Pyramide 1 relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2021, de la décision du 29 avril 2021 rejetant son recours gracieux puis des deux titres de perception émis le 25 février 2021 à son encontre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable aux titres de recettes dont l'Etat est ordonnateur : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : / 1° Soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; / (...) ". Aux termes de l'article 118 du même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité : / 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause ; / (...). / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois dans le cas prévu au 1° (...). A défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée ". Aux termes de l'article 119 de ce décret : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, la société Pyramide 1 a introduit le 22 avril 2021 le recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions précitées et mentionné sur les titres contestés. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et qu'il doit être annulé dans cette mesure.

4. Il s'ensuit qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande la société Pyramide 1 tendant à l'annulation de ces deux titres de perception émis le 25 février 2021 à son encontre pour le recouvrement des contributions mises à sa charge et de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif sur le reste du litige.

Sur les contributions mises à la charge de la société Pyramide 1 :

5. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce même code dans sa version alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce même code dans sa rédaction applicable au litige : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".

En ce qui concerne la régularité de la décision du 15 février 2021 :

7. La société Pyramide 1 invoque les moyens tirés de l'incompétence de l'autorité qui a pris la décision du 15 février 2021 et l'insuffisance de motivation de cette décision. Toutefois, elle n'apporte à l'appui de ces moyens, déjà soulevés devant le tribunal administratif de Montreuil, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges. Il y a dès lors lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par ces derniers aux points 3 à 5 du jugement attaqué.

En ce qui concerne le caractère proportionné des sanctions :

8. Pour prononcer une sanction sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, l'administration doit apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l'employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé. De la même façon, le juge peut, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire par l'article R. 8253-2 du code du travail, ou en décharger l'employeur.

9. D'une part, ni l'exigence de proportionnalité de la sanction prévue par les dispositions de l'article 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009, qui n'implique pas, contrairement à ce qui est soutenu, que le taux de la sanction puisse faire l'objet d'une modulation, ni l'article L. 8251-1 du code du travail, qui se borne à renvoyer la détermination du montant de la contribution spéciale à un décret en Conseil d'Etat dans la limite d'un plafond, n'interdisaient au pouvoir réglementaire de fixer ce montant à un niveau forfaitaire. Les dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail n'autorisant ni l'administration ni, par suite, le juge, fût-il de plein contentieux, à moduler le montant de l'amende qu'elles déterminent, la société requérante ne peut utilement soutenir que le montant de la sanction aurait dû, pour satisfaire à l'exigence de proportionnalité de l'article 5 de la directive 2009/52/CE, faire l'objet d'une telle modulation de la part de l'administration et qu'il appartiendrait au juge saisi de la contestation de la sanction d'y remédier en substituant au montant de l'amende prononcée un montant plus faible.

10. D'autre part, en l'espèce, pour contester la proportionnalité des sanctions prononcées à son encontre, la société requérante n'est pas fondée à invoquer l'absence d'élément intentionnel dans la commission du manquement qui lui est reproché puisque, lors du contrôle du 5 février 2020, le ressortissant tunisien, qui était en action de travail, était dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France, n'était pas déclaré et n'a présenté lors de son recrutement intervenu cinq jours auparavant que des photocopies de documents d'identité et aucun document original alors qu'il incombait à son employeur, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, de vérifier qu'il était muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. La société ne saurait, dès lors, invoquer sa prétendue bonne foi. Enfin, les difficultés financières dont elle fait état à savoir l'existence d'un redressement de l'URSSAF, la fermeture administrative de son établissement pendant quinze jours et la circonstance que son activité a été fortement impactée par la crise sanitaire, ne suffisent pas à justifier, au regard de la nature des agissements sanctionnés, que les circonstances propres à l'espèce seraient d'une particularité telle qu'elles nécessiteraient qu'elle soit, à titre exceptionnel, dispensée de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger. Le moyen selon lequel la mise à sa charge de ces contributions méconnaîtrait le principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est, pour les mêmes motifs, pas fondé.

Sur les conclusions subsidiaires tendant au plafonnement du montant de la contribution spéciale :

11. Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : " I- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Selon l'article R. 8252-6 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " L'employeur d'un étranger non autorisé à travailler s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. / Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales ". L'article R. 8252-7 du même code énonce que : " Lorsque le salarié étranger est placé en rétention administrative, est assigné à résidence ou n'est déjà plus sur le territoire national, son employeur s'acquitte des sommes déterminées à l'article L. 8252-2, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel les reverse à l'intéressé. (...) ". L'article L. 8252-4 du même code prévoit que : " Les sommes dues à l'étranger non autorisé à travailler, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 8252-2, lui sont versées par l'employeur dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction. / (...) ".

12. Aux termes de l'article L. 8252-2 du code du travail : " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : / 1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. (...) / 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. (...) ".

13. Les dispositions précitées des articles L. 8253-1, R. 8253-2, L. 8252-2 et R. 8252-6 du code du travail prévoient la possibilité de minorer le montant de la contribution spéciale à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6 du code du travail et même à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'en l'absence de cumul d'infraction l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail.

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal d'infraction du 5 février 2020, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que les services de police ont constaté la présence lors de leur contrôle dans un restaurant exploité par la société Pyramide 1 d'un ressortissant tunisien en action de travail dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France, et qui n'était pas déclaré auprès des organismes sociaux. Par suite, en présence d'un tel cumul d'infraction de travail dissimulé et non déclaré et en l'absence de preuve du versement par la société Pyramide 1 à ce salarié de l'intégralité des indemnités de rupture prévues par l'article L. 8252-2 du code du travail, contrairement à ce qu'elle soutient, la société requérante ne peut prétendre au bénéfice de la minoration de la contribution spéciale limitant le montant de la contribution spéciale à 1 000 fois le taux horaire minimum garanti.

15. En deuxième lieu, si la société Pyramide 1 se prévaut de la situation difficile qu'elle rencontre, rappelée au point 10 ci-dessus, et indique que l'application de la contribution spéciale va la contraindre à fermer définitivement son restaurant, ces circonstances, au demeurant non établies s'agissant de sa situation financière difficile, ne lui permettent pas de prétendre au bénéfice de la minoration sollicitée du montant de la contribution spéciale mise à sa charge.

16. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre ". L'article L. 8256-7 du code du travail dispose que " Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues au présent chapitre, à l'exception de l'article L. 8256-1, encourent : 1° L'amende, dans les conditions prévues à l'article 131-38 du code pénal ; (...) ". L'article 131-38 du code pénal prévoit que " Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction ". Il résulte de ces dispositions que le cumul des contributions, s'agissant des personnes morales, ne peut excéder la somme de 75 000 euros par étranger employé sans titre l'autorisant à travailler. Par suite, le moyen tiré de ce que le montant total des contributions mises à la charge de la société Pyramide 1 excède le maximum encouru de 15 000 euros par salarié ne peut qu'être écarté.

Sur la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger :

17. Les dispositions précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine à la justification par l'administration du caractère effectif de ce réacheminement. L'absence de justification du réacheminement de l'étranger concerné est donc sans influence sur la légalité de la contribution forfaitaire mise à la charge de l'employeur à raison de l'emploi de ce salarié. Le moyen invoqué par la société Pyramide 1 tiré de l'absence de justification du réacheminement du salarié doit donc être écarté.

Sur les titres de perception :

18. Aux termes de l'article R. 8253-4 du code du travail dans sa version applicable en l'espèce : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1. Le ministre chargé de l'immigration est l'autorité compétente pour la liquider et émettre le titre de perception correspondant. (...) ".

19. En premier lieu, le ministre de l'intérieur assurant la tutelle de l'OFII prévue par le décret n°2012-336 du 7 mars 2012 relatif à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, chargé de l'immigration, était compétent pour liquider et émettre des titres de perception relatifs au recouvrement des contributions spéciale et forfaitaire. Au cas d'espèce, les titres de perception émis le 25 février 2021 ont été pris par M. B... A..., directeur de l'évaluation de la performance, des achats, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur. En vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, M. A..., agissant pour le compte du ministre de l'intérieur, ordonnateur principal, était compétent pour prendre les titres de perception attaqués.

20. En deuxième lieu, les mentions relatives aux voies et délais de recours figurant sur les titres de perception contestés sont, en tout état de cause, sans incidence sur leur régularité contrairement à ce que soutient la société Pyramide 1.

21. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que contrairement à ce que soutient la société Pyramide 1, les deux titres de perception contestés comportent bien la mention des bases de liquidation des créances correspondant aux contributions mises à sa charge par la décision du 15 février 2021 du directeur général de l'OFII, bases qui ont d'ailleurs été préalablement portées à la connaissance de cette dernière.

22. Il résulte de ce qui précède que la société Pyramide 1 n'est, d'une part, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 15 février et 29 avril 2021 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, pas fondée à demander l'annulation des deux titres de perception émis le 25 février 2021 à son encontre. Ses conclusions à fin d'annulation et de décharge doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société Pyramide 1 la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de condamner la société Pyramide 1, par application des mêmes dispositions, à verser à l'OFII, la somme de 2 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2108852 du 11 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la société Pyramide 1 dirigées contre les deux titres de perception émis le 25 février 2021 pour le recouvrement des contributions mises à sa charge.

Article 2 : La demande de la société Pyramide 1 devant le tribunal administratif de Montreuil dirigée contre les deux titres de perception émis le 25 février 2021 et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : La société Pyramide 1 versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pyramide 1, et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.

La rapporteure,

A. ColletLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA05359


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05359
Date de la décision : 30/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-30;23pa05359 ?
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