Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2206726 du 28 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 25 août et 25 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Berdugo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er juin 2022 du préfet de police de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de le munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet de police de Paris aurait dû le convoquer pour un examen de situation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait concernant sa situation professionnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- le préfet de police de Paris n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle alors qu'il n'est pas lié par l'appréciation portée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 janvier 2024 à midi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant sri-lankais né le 31 mai 1995 et entré en France le 9 octobre 2016 selon ses déclarations, a présenté le 3 janvier 2017 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 septembre 2017, qu'il a vainement contestée devant la Cour nationale du droit d'asile, qui a statué le 3 mai 2019. Par une décision du 5 décembre 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a clos sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Le 1er juin 2022, à l'occasion d'un contrôle des services de police à la gare de Lyon, M. A... a été interpellé démuni de tout document l'autorisant à circuler ou à séjourner en France. Par un arrêté du 1er juin 2022, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Par un jugement du 28 juillet 2023, dont M. A... relève appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
3. La décision contestée vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, ainsi que les articles L. 611-1 et L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à M. A..., né le 31 mai 1995 à Vaddakkachchi, de nationalité sri-lankaise, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 septembre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 mai 2019 notifiée le 28 mai 2019 et que l'intéressé, qui n'est pas titulaire d'un titre de séjour, d'un document provisoire ou d'une autorisation provisoire de séjour, ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne en outre que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, et alors que le préfet de police de Paris n'était pas tenu de mentionner expressément l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et des termes de la décision contestée que le préfet de police de Paris a procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... La circonstance que la décision en litige se fonde sur le rejet définitif de la demande d'asile de M. A..., intervenu le 3 mai 2019, n'est pas de nature à établir que le préfet de police de Paris n'aurait pas pris en compte l'évolution de sa situation personnelle depuis cette date. Dans ces conditions, et alors que le préfet de police de Paris n'était pas tenu de convoquer M. A... postérieurement à son audition par les services de police le 1er juin 2022 aux fins de recueillir des documents ou des informations relatifs à sa situation, notamment professionnelle, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle du requérant doit être écarté.
5. En troisième lieu, M. A... soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle ne mentionne pas son activité professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'admet au demeurant le conseil du requérant, que les informations et documents se rapportant à sa situation professionnelle n'ont pas été portés à la connaissance du préfet de police de Paris. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., dont la présence habituelle sur le territoire français est établie à compter du mois de décembre 2016, est célibataire et sans charge de famille en France. Si l'intéressé soutient qu'il réside chez son frère, il n'établit pas, par la production des seules copies du passeport de ce dernier et de son attestation de demandeur d'asile valable du 2 décembre 2020 au 1er octobre 2021, qu'il entretiendrait des relations particulières avec son frère, dont la régularité du séjour en France n'est au demeurant pas établie à la date de la décision en litige. Il ressort, en outre, de l'adresse mentionnée sur ses bulletins de salaire qu'il est hébergé par un tiers. Il n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Il ressort des contrats de travail et des bulletins de salaire versés au dossier que le requérant a exercé un emploi de vendeur du 10 janvier au 10 juillet 2020 avant d'être recruté, à compter du 28 janvier 2021, en qualité de vendeur/caissier dans un commerce d'alimentation générale par un contrat à durée indéterminée à temps partiel, puis à temps plein à compter du 1er février 2022. L'activité professionnelle de l'intéressé, dont il n'est pas établi qu'elle relèverait d'un métier en tension, présente dès lors un caractère récent à la date de la décision contestée. Au vu de l'ensemble de ces éléments, notamment de la durée de la présence de M. A... sur le territoire français et du caractère relativement récent de son insertion professionnelle, le préfet de police de Paris, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté, eu égard aux objectifs poursuivis par la mesure d'éloignement, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En cinquième lieu, si M. A..., qui s'est maintenu sur le territoire français malgré le rejet définitif de sa demande d'asile, soutient qu'il souhaitait déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour mais que l'absence de rendez-vous disponible en préfecture a fait obstacle à cette démarche, il ne produit aucun élément au soutien de ces allégations. En tout état de cause, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient la possibilité pour un étranger de solliciter son admission exceptionnelle au séjour s'il justifie de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour et ne font, dès lors, pas obstacle, alors même que M. A... pourrait prétendre à une telle admission, à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français.
9. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8, le moyen tiré de ce qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police de Paris aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A..., doit être écarté.
Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". De même, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
11. M. A... soutient qu'il a fui son pays d'origine, le Sri Lanka, en raison de l'engagement de sa famille auprès du mouvement des tigres de la libération de l'Eelam tamoul, que ses parents ont disparu et qu'il a été emprisonné et torturé par les autorités sri-lankaises lorsqu'il a tenté de les retrouver. Toutefois, le seul certificat médical du 18 juin 2018 versé au dossier, reprenant le récit de l'intéressé et concluant à ce que les nombreuses cicatrices qu'il présente sur le corps sont compatibles avec les évènements relatés, est insuffisant, en l'absence de toute autre pièce, pour attester de la réalité des craintes dont il se prévaut en cas de retour dans son pays d'origine, alors que la Cour nationale du droit d'asile a, par une décision du 3 mai 2019, postérieure à l'édiction de ce certificat médical, définitivement rejeté sa demande d'asile. M. A... soutient en outre que la situation politique et sécuritaire au Sri Lanka s'est récemment dégradée, entraînant une recrudescence des violences de la part des autorités envers la communauté tamoule et se prévaut d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 mars 2023 accordant la qualité de réfugié à un ressortissant sri-lankais, ces éléments, au demeurant postérieurs à l'édiction de la décision en litige, ne permettent pas davantage d'établir que le requérant encourait un risque personnel d'être soumis à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de police de Paris, qui ne s'est pas estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et a procédé à l'examen de la situation de M. A..., n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.
La rapporteure,
A. Larsonnier La présidente,
A. Menasseyre
La greffière
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03836