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30/09/2024 | FRANCE | N°23PA03319

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 30 septembre 2024, 23PA03319


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 janvier 2021 par laquelle l'organe disciplinaire d'appel de la Fédération française d'athlétisme lui a infligé une sanction de radiation assortie d'une interdiction de prise de licence au sein de la fédération pour une durée de dix ans, d'une interdiction d'exercice de toute fonction dans un club affilié à la fédération ou dans ses organes déconcentrés pendant une durée de quinze ans

et d'une interdiction de participer directement ou indirectement à l'organisation ou au dér...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 janvier 2021 par laquelle l'organe disciplinaire d'appel de la Fédération française d'athlétisme lui a infligé une sanction de radiation assortie d'une interdiction de prise de licence au sein de la fédération pour une durée de dix ans, d'une interdiction d'exercice de toute fonction dans un club affilié à la fédération ou dans ses organes déconcentrés pendant une durée de quinze ans et d'une interdiction de participer directement ou indirectement à l'organisation ou au déroulement de compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la fédération pendant une durée de quinze ans ou, à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions la sanction qui lui a été infligée.

Par un jugement n° 2112909/6-3 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Koukezian, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ou, à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions la sanction qui lui a été infligée ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération française d'athlétisme la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen, notamment en ce qu'elle se fonde sur des attestations sans force probante ;

- elle est entachée d'incompétence matérielle, les faits qui lui sont reprochés s'étant déroulés à une période où Mme B... n'était pas licenciée de la Fédération française d'athlétisme ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, en l'absence de comportement répréhensible de sa part ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ;

- la sanction infligée est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés ;

- la publication de la décision de l'organe disciplinaire en extrait et de manière nominative lui porte préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2024, la Fédération française d'athlétisme, représenté par Me Berenger, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., entraîneur bénévole au sein de l'association Athlétisme Sud 22 Merdrignac, a entraîné Mme B... depuis qu'elle avait l'âge de onze ans. Le 1er avril 2020, Mme B... a adressé un courrier au président de la Fédération française d'athlétisme (FFA) pour lui faire part de faits de harcèlements et d'agissements déplacés qu'elle estimait avoir subis pendant neuf ans, à compter de sa majorité, du fait de M. A.... Le 25 août 2020, le président de la FFA a saisi l'organe disciplinaire de première instance, qui a, par une décision du 13 octobre 2020, infligé à M. A... une radiation de la FFA assortie d'une interdiction de prise de licence au sein de la fédération pendant une durée de dix ans, ainsi qu'une interdiction d'exercice de toute fonction dans un club affilié à la FFA ou dans ses organes déconcentrés pendant une durée de dix ans, mesures assorties d'un sursis de cinq ans. Par une décision du 22 janvier 2021, l'organe disciplinaire d'appel de la FFA, saisi par M. A... et par la FFA, a réformé cette sanction en infligeant à l'intéressé une radiation assortie d'une interdiction de prise de licence au sein de la FFA pour une durée de dix ans et une interdiction d'exercice de toute fonction dans un club affilié à la FFA, ou dans ses organes déconcentrés pendant une durée de quinze ans, ainsi qu'une interdiction de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la FFA pendant une durée de quinze ans, sans sursis et assortie de la publication nominative de la décision au bulletin officiel de la FFA. M. A... a saisi le comité national olympique et sportif français, qui a rendu une proposition de conciliation le 20 mai 2021. En désaccord avec cette proposition, M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 22 janvier 2021. Il relève appel du jugement du 25 mai 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction ; (...) ".

3. Si M. A... soutient que la décision du 22 janvier 2021 de l'organe disciplinaire d'appel de la FFA est insuffisamment motivée, cette décision, qui mentionne ses fondements juridiques, en particulier l'article 2 du règlement disciplinaire de la FFA et la charte d'éthique et de déontologie de la FFA, reprend les versions des faits exposés par Mme B... et M. A... lors de leur audition devant cet organe et expose, sur plus de trois pages, les motifs qui ont conduit celui-ci à décider de prononcer à l'encontre de M. B... la sanction litigieuse, est suffisamment motivée en droit et en fait. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'organe disciplinaire d'appel de la FFA s'est fondé, pour adopter la sanction litigieuse, sur le témoignage de Mme B..., sur celui de M. A..., mais aussi sur les nombreux messages et courriers électroniques de M. A... produits par Mme B..., dont l'intéressé ne conteste pas l'authenticité. Si celui-ci fait valoir que les témoignages de proches de Mme B..., qui n'ont pas été produits au dossier de l'instance, ne seraient pas assortis de documents d'identité, et que la plupart seraient dénués de date et de signature, cette circonstance, si elle peut avoir une incidence sur la caractère probant de ces témoignages et sur leur prise en compte dans le cadre de l'appréciation de la matérialité et de la qualification juridiques des faits, n'est pas par elle-même de nature à établir que la décision litigieuse aurait été prise sans examen sérieux, alors au demeurant qu'elle ne s'appuie pas sur de tels témoignages. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 du règlement disciplinaire de la FFA du 27 avril 2019 : " Il est institué un ou plusieurs organes disciplinaires de première instance et un ou plusieurs organes disciplinaires d'appel investis du pouvoir disciplinaire à l'égard : (...) / 6° Tout membre, préposé, salarié ou bénévole de ces associations et sociétés sportives agissant en qualité de dirigeant ou de licencié de fait. / Ces organes disciplinaires sont compétents pour prononcer des sanctions à raison des faits contraires aux règles posées par les statuts et règlements de la fédération, de ses organes déconcentrés ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle et commis par une personne physique ou morale en une des qualités mentionnées ci-dessus à la date de commission des faits. ".

5. Une fédération sportive n'est pas habilitée à prononcer une sanction disciplinaire à raison de faits qui, quelle que soit la date à laquelle ils ont été commis, l'ont été par une personne qui, à la date à laquelle il est statué par l'organe compétent de la fédération, n'avait plus la qualité de licencié de cette fédération.

6. A la date à laquelle l'organe disciplinaire de première instance a statué, M. A... était licencié de la FFA. L'absence de qualité de licenciée de Mme B... est sans influence sur la régularité de la procédure suivie devant ces organes. Est également sans influence la circonstance, invoquée par M. A..., selon laquelle à compter de septembre 2019, il n'était plus l'entraîneur de Mme B..., qui avait arrêté l'athlétisme. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a adressé à Mme B... 2 346 courriers électroniques, des lettres manuscrites et des messages téléphoniques, sur une période de neuf ans, et a entretenu avec elle une relation épistolaire d'une teneur étrangère à l'entraînement sportif. Au vu des courriels dont ils ont pu prendre connaissance et dont l'authenticité n'est pas contestée par M. A..., tant les organes disciplinaires de la FFA, de première instance et d'appel, que la conciliatrice du comité national olympique et sportif français ont considéré que ceux-ci abordaient de façon récurrente les thématiques de la sexualité, du rapport au corps et de la nudité. M. A... ne conteste pas que, ainsi que l'organe disciplinaire d'appel le souligne dans sa décision, certains de ces courriers étaient accompagnés de photos érotiques. La conciliatrice relève dans sa proposition du 20 mai 2021 plusieurs messages dont la connotation sexuelle est manifeste. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment de la lettre de plainte de Mme B... du 1er avril 2020 ainsi que du témoignage de l'intéressée devant l'organe disciplinaire d'appel de la FFA, que M. A... exerçait un contrôle sur les relations amicales et amoureuses de l'intéressée, en menaçant par exemple de ne pas l'entraîner si elle était sortie la veille et en lui posant de nombreuses questions sur sa vie privée et intime. Par ailleurs, M. A... reconnaît avoir amené Mme B..., au prétexte d'un entraînement, sur une plage nudiste et s'être déshabillé devant elle et lui avoir conseillé de faire de même, se contentant de dire que l'intéressée était majeure et pouvait refuser. Il ne conteste pas non plus sérieusement avoir demandé à Mme B... de se dévêtir pour la masser, ni les nombreux contacts physiques établis lors des séances d'entraînement où ils étaient seuls. Compte tenu du jeune âge de Mme B..., de la confiance qu'elle avait placée dans son entraîneur qu'elle connaissait depuis l'âge de onze ans et qui avait trente-quatre ans de plus qu'elle, et des liens que, selon les dires des deux parties, celui-ci entretenait avec les parents de Mme B..., l'intéressé étant presque considéré comme un " membre de la famille ", M. A... ne peut pas utilement se prévaloir de ce que celle-ci n'aurait pas protesté ou réagi. Dans ces conditions, l'organe disciplinaire de la FFA était fondé à retenir que le comportement de M. A... était constitutif d'un harcèlement et caractérisait une atteinte aux valeurs morales, éthiques et éducatives garanties notamment par la charte d'éthique et de déontologie établie par la FFA et qu'ils étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire.

8. En quatrième lieu, M. A... soutient que la sanction litigieuse est entachée de disproportion. Il ressort de l'article 22 du règlement disciplinaire de la FFA que l'interdiction temporaire ou définitive de participer aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la FFA, l'interdiction temporaire ou définitive de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement des compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la FFA, l'interdiction d'exercice de fonction, l'interdiction temporaire de licence et la radiation constituent, respectivement, les 8ème, 9ème, 10ème, 12ème et 13ème sanctions sur l'échelle des sanctions prévues par le règlement disciplinaire, qui en comporte quinze. Au regard de la nature et de la gravité des faits reprochés à M. A..., et en dépit de ses qualités d'entraîneur attestées par plusieurs témoignages, la sanction de radiation, l'interdiction de licence pour une durée de dix ans, et l'interdiction de toute fonction dans un club affilié à la FFA ou dans ses organes déconcentrés et de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la FFA pour une durée de quinze ans n'apparaissent pas disproportionnées.

9. En dernier lieu, la décision qui a été prise par l'organe disciplinaire d'appel de publier sa décision en extrait et de manière nominative au bulletin officiel de la FFA, ainsi que cela est prévu par l'article 22 du règlement disciplinaire de la fédération, est motivée par la nature et la gravité des actes commis par M. A... sur une jeune athlète et par la nécessité d'assurer l'effectivité de la sanction. La circonstance que cette publication porterait atteinte à sa réputation n'est pas de nature à la faire regarder, eu égard aux fins pour lesquelles elle a été décidée, comme étant entachée d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande principale tendant à l'annulation de la sanction qui lui a été infligée et, en tout état de cause, sa demande subsidiaire tendant à ce que cette sanction soit réduite à de plus justes proportions.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la FFA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais de l'instance.

12. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros à verser à la FFA sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la Fédération française d'athlétisme une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au président de la Fédération française d'athlétisme et au président du comité national olympique et sportif français.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03319


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03319
Date de la décision : 30/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : KOUKEZIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-30;23pa03319 ?
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