Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande enregistrée sous le n° 2018898, la société S. A. S. D. a demandé au tribunal administratif de Paris à titre principal, d'annuler la décision du 12 octobre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France lui a infligé une amende d'un montant de 59 700 euros, ou à titre subsidiaire, d'en réduire le montant.
Par un jugement n° 2018898/3-3 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par une demande enregistrée sous le n° 2203081, la société S. A. S. D. a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception émis le 15 novembre 2021 pour un montant de 59 700 euros, correspondant à l'amende administrative que lui a infligée le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France par une décision du 12 octobre 2020, ainsi que la décision du 31 janvier 2022 rejetant son recours préalable, et de prononcer la décharge de la somme de 59 700 euros mise à sa charge.
Par un jugement n° 2203081/3-3 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation du titre de perception émis le 15 novembre 2021 à l'encontre de la société S. A. S. D et de la décision du 31 janvier 2022 rejetant son recours gracieux, annulé le titre de perception émis à son encontre le 18 juillet 2023, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 23PA01403 le 6 avril 2023 et le 22 février 2024, la société S. A. S. D., représentée par Me Serrano-Bentchich, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2018898 du 7 février 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 12 octobre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France lui a infligé une amende d'un montant de 59 700 euros ou, à titre subsidiaire, d'en réduire le montant ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée concernant le montant des amendes infligées ;
- en l'absence de mise en demeure de se conformer aux obligations réglementaires préalable au prononcé de la sanction administrative, l'administration a méconnu les dispositions de l'article R. 4721-5 du code du travail et la procédure est irrégulière ;
- l'administration ne lui a pas indiqué le montant de l'amende envisagée préalablement à la décision contestée en méconnaissance des articles L. 8115-5 et R. 8115-2 du code du travail ; dans ces conditions, elle a méconnu le principe du contradictoire ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée concernant le montant des amendes infligées ;
- l'administration n'a pas pris en considération l'ensemble des critères pour déterminer la nature de la sanction et le montant de l'amende ;
- les premiers constats effectués par l'agent de contrôle de l'inspection du travail sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 10 août 2018 et le plafond de l'amende qui lui était applicable est donc de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 8115-3 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2016 au 7 septembre 2018 ;
- elle aurait dû privilégier la sanction de l'avertissement qui aurait été proportionnée aux manquements reprochés ;
- le montant de l'amende est disproportionné.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 23PA04819 le 21 novembre 2023 et le 3 mai 2024, la société S. A. S. D., représentée par Me Serrano-Bentchich, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2203081 du 26 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge de la somme de 59 700 euros mise à sa charge par les titres de perception émis le 15 novembre 2021 et le 18 juillet 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Île-de-France du 12 octobre 2020, lui infligeant l'amende administrative a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, d'une part, l'administration ne lui a pas adressé au préalable une mise en demeure de se conformer à ses obligations en matière d'installations sanitaires et a ainsi méconnu les dispositions de l'article R. 4721-5 du code du travail et, d'autre part, elle ne lui a pas indiqué le montant de l'amende envisagée préalablement à la décision contestée en méconnaissance des dispositions des articles L. 8115-5 et R. 8115-2 du code du travail et du principe du contradictoire ;
- les premiers constats effectués par l'agent de contrôle de l'inspection du travail sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 10 août 2018 et le plafond de l'amende qui lui était applicable est donc de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 8115-3 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2016 au 7 septembre 2018 ;
- la DIRECCTE d'Île-de-France n'a pas pris en considération l'ensemble des critères pour déterminer la nature de la sanction et le montant de l'amende ;
- elle aurait dû privilégier la sanction de l'avertissement qui aurait été proportionnée aux manquements reprochés ;
- le montant de l'amende est disproportionné.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.
Elle renvoie aux moyens de défense développés dans l'instance n° 23PA04819.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Serrano-Bentchich, représentant la société S.A.S.D.
Des notes en délibéré ont été présentées le 9 septembre 2024 pour la société S.A.S.D.
Considérant ce qui suit :
1. La société S. A. S. D., qui exploite une supérette à Paris (16ème arrondissement), a fait l'objet d'un contrôle des services de l'inspection du travail le 18 juillet 2018. Au cours de ce contrôle, l'inspectrice du travail a constaté de nombreux manquements, notamment des manquements concernant les installations sanitaires. Lors des contrôles effectués le 17 septembre 2018 et les 8 août et 11 septembre 2019, l'inspectrice du travail a relevé la persistance de ces manquements. Saisi par le rapport de l'inspectrice du travail du 25 septembre 2019, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Île-de-France a, par une décision du 12 octobre 2020, infligé à la société S.A.S.D. une amende administrative d'un montant total de 59 700 euros sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail, sanctionnant la méconnaissance de ses obligations en matière d'installations sanitaires. Par un jugement n° 2018898 du 7 février 2023, dont la société S. A. S. D. relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société S.A.S.D. tendant à l'annulation de cette décision et à la réduction du montant de l'amende administrative.
2. Un titre de perception a été émis à l'encontre de la société S. A. S. D. le 15 novembre 2021 par la direction régionale des finances publiques (DIRFIP) d'Ile-de-France et de Paris pour un montant de 59 700 euros, correspondant à l'amende administrative infligée par la DIRECCTE d'Ile-de-France. Par une décision du 31 janvier 2022, la DIRECCTE, devenue la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France depuis le 1er avril 2021, a rejeté l'opposition formée par la société S.A.S.D. à l'encontre de ce titre de perception. Pendant l'instruction de sa demande devant le tribunal administratif de Paris, le titre de perception émis le 15 novembre 2021 a été retiré par une décision de la DIRFIP d'Ile-de-France du 28 juin 2023 et un nouveau titre de perception de même montant a été émis le 18 juillet 2023. Par un jugement n° 2203081 du 26 septembre 2023, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation du titre de perception émis le 15 novembre 2021 à l'encontre de la société S. A. S. D. et de la décision du 31 janvier 2022, annulé le titre de perception émis à son encontre le 18 juillet 2023, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société S. A. S. D. relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge du paiement de la somme de 59 700 euros.
3. Les requêtes n° 23PA01403 et n° 23PA04819 présentées pour la société S.A.S.D. ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement n° 2018898 du 7 février 2023 :
4. Il ressort du point 4 du jugement du 7 février 2023 que, pour estimer que la décision en litige était suffisamment motivée quant à la fixation du montant de l'amende infligée à la société requérante, les premiers juges ont retenu que la décision mentionnait, d'une part, les constatations effectuées à l'issue de trois visites de contrôle de l'inspectrice du travail, constatations qui sont reprises de manière détaillée dans le jugement, notamment celles relevées lors de la troisième visite, d'autre part, les autres critères pris en compte pour fixer le montant de l'amende, en particulier la situation économique de l'entreprise et notamment l'impact de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et enfin, qu'elle précisait, au regard du nombre de salariés concernés par les différents manquements, que le montant de l'amende était fixé à 59 700 euros. Dans ces conditions, les premiers juges ont répondu de manière suffisamment précise au moyen soulevé par la société requérante. Par suite, les moyens tirés de l'absence de réponse à ce moyen et de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doivent être écartés.
Sur la régularité du jugement n° 2203081 du 26 septembre 2023 :
5. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
6. Il ressort de la copie du jugement jointe à la requête d'appel de la société S.A.S.D. que le jugement attaqué a, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.
Sur la sanction prononcée le 12 octobre 2020 à l'encontre de la société S.A.S.D. :
7. Aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : / 1° Aux dispositions relatives aux durées maximales du travail fixées aux articles L. 3121-18 à L. 3121-25 et aux mesures réglementaires prises pour leur application ; / 2° Aux dispositions relatives aux repos fixées aux articles L. 3131-1 à L. 3131-3 et L. 3132-2 et aux mesures réglementaires prises pour leur application ; /3° A l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application ; /4° Aux dispositions relatives à la détermination du salaire minimum de croissance prévues aux articles L. 3231-1 à L. 3231-11 et aux dispositions relatives au salaire minimum fixé par la convention collective ou l'accord étendu applicable à l'entreprise, et aux mesures réglementaires prises pour leur application ; / 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie, ainsi qu'aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l'exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie pour ce qui concerne l'hygiène et l'hébergement ".
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
S'agissant de l'absence de mise en demeure préalable :
8. D'une part, aux termes de l'article L. 8113-7 du code du travail : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1 et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. / Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République. Un exemplaire est également adressé au représentant de l'Etat dans le département. / Avant la transmission au procureur de la République, l'agent de contrôle informe la personne visée au procès-verbal des faits susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues. / Lorsqu'il constate des infractions pour lesquelles une amende administrative est prévue au titre V du livre VII de la quatrième partie ou à l'article L. 8115-1, l'agent de contrôle de l'inspection du travail peut, lorsqu'il n'a pas dressé un procès-verbal à l'attention du procureur de la République, adresser un rapport à l'autorité administrative compétente, dans le cadre de la procédure prévue au chapitre V du présent titre ". Selon l'article L. 8115-2 du même code, " l'autorité administrative compétente informe par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport de l'agent de contrôle ", mentionné à l'article L. 8113-7 du code du travail.
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 4721-4 du code du travail : " Lorsque cette procédure est prévue, les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, avant de dresser procès-verbal, mettent l'employeur en demeure de se conformer aux prescriptions des décrets mentionnés aux articles L. 4111-6 et L. 4321-4 ". Il résulte des dispositions de l'article R. 4721-5 du même code que les " dispositions relatives aux obligations de l'employeur pour l'utilisation des lieux de travail du titre II du livre II à l'exception du deuxième alinéa de l'article R. 4224-7 et de l'article R. 4224-15 " entrent dans le champ d'application de la procédure de mise en demeure et qu'en vertu de l'article R. 4211-2 du même code, les installations sanitaires constituent des lieux de travail.
10. Il résulte des dispositions du code du travail citées aux points 8 et 9 qu'après avoir constaté, lors d'un contrôle sur place, des manquements portant sur les installations sanitaires d'une entreprise, l'inspecteur du travail peut soit adresser une mise en demeure à l'employeur de respecter ses obligations en matière de santé et de sécurité de ses employés puis, si celui-ci persiste à refuser de remédier aux manquements constatés, établir un procès-verbal constatant les manquements et le transmettre au procureur de la République en vue de l'engagement d'une procédure judiciaire, soit rédiger un rapport qui sera adressé à la DIRECCTE, devenue la DRIEETS, en vue du prononcé par cette dernière d'une sanction administrative. Ces deux procédures à la disposition de l'inspecteur du travail sont distinctes. Par suite, l'inspecteur du travail n'est pas tenu d'adresser une mise en demeure à l'employeur préalablement à la rédaction de son rapport destiné à la DRIEETS. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société requérante, la mise en demeure n'est pas le document exclusif permettant de constater régulièrement les manquements aux dispositions du code du travail, lesquels peuvent tout aussi régulièrement être caractérisés par le rapport adressé à la DRIEETS.
11. Il résulte de l'instruction que lors des contrôles de la supérette gérée par la société S.A.S.D. les 18 juillet et 17 septembre 2018, l'inspectrice du travail a relevé des manquements portant sur les installations sanitaires du magasin destinées au personnel et qu'à l'issue de chacun de ces contrôles, elle a adressé, les 31 juillet et 21 septembre 2018, un avertissement à l'employeur l'informant qu'en cas d'absence de régularisation des installations sanitaires, elle rédigerait un rapport en vue du prononcé d'une amende administrative. Malgré ces avertissements, l'inspectrice du travail a constaté, lors d'un nouveau contrôle du 8 août 2019, la persistance des manquements concernant les installations sanitaires. Par un courrier du 14 août 2019, elle a informé la société S.A.S.D. qu'un rapport serait établi en vue du prononcé d'une amende administrative. Le contrôle effectué le 11 septembre 2019 ayant mis en évidence que les installations sanitaires de l'entreprise n'étaient toujours pas conformes aux exigences fixées par le code du travail, l'inspectrice du travail a, le 25 septembre 2019, adressé à la DIRECCTE un rapport en vue du prononcé d'une amende administrative à l'encontre de la société S.A.S.D.. Dans ces conditions, alors que l'inspectrice du travail n'a pas dressé de procès-verbal constatant les manquements de la société S.A.S.D. en matière d'installations sanitaires, elle pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 4721-5 du code du travail et sans priver la société requérante d'une garantie procédurale, adresser son rapport à la DIRECCTE sans avoir au préalable adressé à la société S.A.S.D. de mise en demeure.
S'agissant du principe du contradictoire :
12. Aux termes de l'article L. 8115-5 du code du travail : " Avant toute décision, l'autorité administrative informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, ses observations. / A l'issue de ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant. (...) ". Aux termes de l'article R. 8115-2 du même code, dans sa version applicable à l'espèce : " Lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative, il indique à l'intéressé par l'intermédiaire du représentant de l'employeur mentionné au II de l'article L. 1262-2-1 ou, à défaut, directement à l'employeur, le montant de l'amende envisagée et l'invite à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / A l'expiration du délai fixé et au vu des observations éventuelles de l'intéressé, il notifie sa décision et émet le titre de perception correspondant. / L'indication de l'amende envisagée et la notification de la décision infligeant l'amende sont effectuées par tout moyen permettant de leur conférer date certaine ".
13. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 22 janvier 2020, reçu le 24 janvier suivant, le DIRECCTE a informé la société requérante que neuf manquements aux dispositions du code du travail portant sur les installations sanitaires avaient été constatés par l'inspectrice du travail lors des contrôles des 18 juillet et 17 septembre 2018 et des 8 août et 11 septembre 2019 et que ces manquements étaient passibles, pour chacun d'entre eux, d'une amende administrative d'un montant maximal de 4 000 euros par travailleur concerné, en application de l'article L. 8115-3 du code du travail. Il s'ensuit que la société S.A.S.D. a eu connaissance du montant maximal de l'amende administrative envisagée avant que ne soit prise la décision en litige. Cette information était suffisante pour permettre à la société requérante de présenter toutes observations utiles à sa défense, ce qu'elle a au demeurant fait dans son courrier du 14 septembre 2020. Dans ces conditions, et alors qu'au surplus, l'administration réservait nécessairement sa décision fixant le montant de l'amende administrative jusqu'à la fin de la procédure contradictoire, elle n'a pas méconnu les dispositions du code du travail précitées, ni le principe du contradictoire en n'informant pas la société requérante, préalablement à la décision prononçant l'amende en litige, du montant exact de l'amende qui serait effectivement infligée.
En ce qui concerne la motivation de la décision infligeant la sanction litigieuse :
14. Il résulte des dispositions de l'article L. 8115-5 du code du travail, citées au point 12, que la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France prononçant une amende administrative sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail doit être motivée.
15. La société requérante soutient que la décision en litige est insuffisamment motivée quant à la fixation des montants de 600 euros et de 900 euros pour respectivement cinq et trois amendes infligées pour un montant total de 59 700 euros. Toutefois, la décision en litige vise notamment les articles L. 8115-3, L. 8115-4 et R. 8115-2 du code du travail. Elle mentionne les dates des quatre contrôles effectués par l'inspectrice du travail sur la période comprise entre le 8 août et le 13 septembre 2019, les manquements constatés lors de ces contrôles, les dispositions du code du travail qui ont été méconnues pour chacun des huit manquements retenus et le nombre de salariés concernés par ces manquements. Elle indique que le montant maximal encouru est de 4 000 euros par manquement, que ce montant est appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés et précise les éléments pris en compte pour fixer le montant de l'amende, c'est-à-dire les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ses ressources et ses charges. Elle mentionne que par un courrier du 22 janvier 2020, la société S.A.S.D. a été informée du projet de prononcer une sanction administrative et invitée à présenter ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire et qu'elle n'a apporté aucune réponse, que compte tenu de la crise sanitaire liée à la Covid-19, il a été demandé à la société, par un courrier du 12 août 2020, de faire part des difficultés éventuelles liées à cette situation et que la société a répondu par un courrier du 14 septembre 2020 par lequel elle a notamment indiqué avoir régularisé certains manquements. La décision en litige mentionne qu'un contrôle a été effectué le 28 septembre 2020 et a mis en évidence une régularisation partielle des manquements, plus d'un an après les constats précédents. En outre, elle indique que le gérant de la société l'a informée que l'activité de l'établissement était en baisse depuis la fin du confinement (pertes de 13 à 22 % en juin, juillet et août 2020), qu'il a supporté de nouveaux coûts liés aux mesures de protection et que ces éléments ont été pris en compte pour le prononcé de l'amende administrative. Dans ces conditions, la décision en litige comporte de manière suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la fixation par l'administration des montants de chacune des huit amendes infligées pour un montant total de 59 700 euros. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction prononcée :
16. Aux termes de l'article R. 4228-2 du code du travail : " Les vestiaires collectifs et les lavabos sont installés dans un local spécial de surface convenable, isolé des locaux de travail et de stockage et placé à proximité du passage des travailleurs. (...) ". Aux termes de l'article R. 4228-5 du même code : " Dans les établissements employant un personnel mixte, des installations séparées sont prévues pour les travailleurs masculins et féminins ". Aux termes de l'article R. 4228-6 du même code : " Les vestiaires collectifs sont pourvus d'un nombre suffisant de sièges et d'armoires individuelles ininflammables. / Ces armoires permettent de suspendre deux vêtements de ville. (...) / Les armoires individuelles sont munies d'une serrure ou d'un cadenas ". Aux termes de l'article R. 4228-7 du même code : " Les lavabos sont à eau potable. / L'eau est à température réglable (...). Des moyens de nettoyage et de séchage ou d'essuyage appropriés sont mis à la disposition des travailleurs. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4228-10 du même code : " (...) Les cabinets d'aisance réservés aux femmes comportent un récipient pour garnitures périodiques ". Enfin, aux termes de l'article R. 4228-13 du même code : " (...)/ L'employeur fait procéder au nettoyage et à la désinfection des cabinets d'aisance et des urinoirs au moins une fois par jour ".
17. Il ressort de la décision en litige que pour infliger la sanction administrative d'un montant total de 59 700 euros, le DIRECCTE a retenu que lors de la visite de contrôle effectuée le 8 août 2019, l'inspectrice du travail avait constaté la présence de onze petits casiers, situés dans la zone de stockage des denrées, dépourvus de cadenas et pour certains de portes, ne permettant pas de suspendre des vêtements alors que les employés et responsables portent une tenue de travail, l'absence de sièges dans le vestiaire, la présence de cartons devant les portes des deux cabinets d'aisance, la saleté du cabinet d'aisance des hommes au sol et la présence d'une poubelle débordant de déchets et de cartons, et enfin l'existence d'un lavabo ne distribuant que de l'eau chaude et l'absence de moyen de séchage des mains. Elle a relevé que lors de sa visite du 11 septembre 2019, l'inspectrice du travail avait constaté que les installations sanitaires se trouvaient dans le même état que lors de sa précédente visite, que le cabinet d'aisance des femmes était difficilement accessible, qu'il était sale et jonché de rouleaux de papiers toilettes, que des cartons et un panier rempli de divers articles y étaient stockés et qu'il n'y avait pas de récipient pour les garnitures périodiques. Pour contester la matérialité de ces manquements, la société requérante se borne à soutenir qu'ils ne sauraient être établis du fait de l'absence de mise en demeure préalable à la décision en litige. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 10 et 11, ce moyen doit être écarté. Il s'ensuit que la matérialité de ces manquements, comme cela ressort au demeurant de l'instruction, est établie.
En ce qui concerne la nature de la sanction administrative et le montant de l'amende en litige :
18. Aux termes de l'article L. 8115-3 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 : " Le montant maximal de l'amende est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement. / Le plafond de l'amende est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification de l'amende concernant un précédent manquement de même nature. / Il est majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d'un an à compter du jour de la notification d'un avertissement concernant un précédent manquement de même nature ". Aux termes de l'article L. 8115-4 du même code : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ".
19. En premier lieu, il résulte de l'instruction, ainsi que le soutient la société requérante, que les manquements portant sur les installations sanitaires de l'entreprise ont été constatés par l'inspectrice du travail pour la première fois lors du contrôle effectué le 18 juillet 2018. Toutefois, il ressort des termes de la décision du 12 octobre 2020 infligeant l'amende en litige que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France s'est fondé, ainsi qu'il a été dit au point 17, sur les seules constatations résultant des contrôles des 8 août 2019 et 11 septembre 2019. Dans ces conditions, la société S.A.S.D. n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 8115-3 du code du travail fixant le montant maximal de l'amende applicables au présent litige seraient celles dans leur version issue de l'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 qui fixaient le montant maximal de l'amende à 2 000 euros, en vigueur jusqu'au 7 septembre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
20. En deuxième lieu, si la société requérante entend soutenir que l'administration n'aurait pas pris en considération l'ensemble des critères énoncés par l'article L. 8115-4 du code du travail, il ressort des termes de la décision du 12 octobre 2020 que pour décider de la nature de la sanction infligée à la société S.A.S.D., le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a pris en compte la nature et le nombre des manquements portant sur les installations sanitaires constatés lors des contrôles effectués par l'inspectrice du travail sur la période comprise entre le 8 août et le 11 septembre 2019, le nombre de salariés concernés par ces manquements, le comportement de la société S.A.S.D. qui n'a régularisé que partiellement la situation plus d'un an après le constat du 11 septembre 2019 ainsi que la situation de la société, notamment économique, après la crise sanitaire liée à la Covid-19. Dans ces conditions, ce moyen doit être écarté.
21. En troisième lieu, si la société requérante soutient que pour fixer le montant de l'amende, l'administration aurait dû prendre en considération la circonstance que les manquements qui lui sont reprochés et qui portent sur les installations sanitaires sont d'une gravité moindre que celle des autres manquements prévus par les dispositions de l'article L. 8115-1 du code du travail citées au point 7, il résulte de ces dispositions ainsi que des dispositions de l'article L. 8115-4 du même code citées au point 18, que le législateur n'a pas hiérarchisé les manquements en fonction des domaines de la législation du travail sur lesquels ils portent mais en fonction de leur gravité intrinsèque. Il ressort des constatations effectuées lors du contrôle du 28 septembre 2020 que la société S.A.S.D. n'a commencé à remédier aux manquements qui lui étaient reprochés qu'à partir du 14 septembre 2020, soit un an après le contrôle de l'inspectrice du travail du 11 septembre 2019 et après avoir reçu le courrier du 22 janvier 2020 de la DIRECCTE l'informant qu'elle était susceptible de se voir infliger une amende administrative. La société requérante soutient que les manquements qui n'ont pas été régularisés constituent des manquements mineurs. Toutefois, si un local vestiaire distinct a bien été aménagé pour les employés femmes et les employés hommes, les casiers ne permettaient toujours pas de suspendre deux vêtements de ville et étaient dépourvus de cadenas, deux casiers étaient incomplets et aucun siège n'avait été installé en méconnaissance de l'article R. 4228-6 du code du travail. La circonstance, à la supposer établie, que les employés ne souhaitaient pas de cadenas pour fermer leurs casiers et qu'ils pouvaient s'asseoir ailleurs que dans le vestiaire n'est pas de nature à minimiser la portée de ces manquements. En outre, si les cabinets d'aisance étaient relativement propres et munis de poubelles et si un moyen de séchage des mains avait été installé, le lavabo ne distribuait toujours pas d'eau à température réglable en méconnaissance de l'exigence prévue par les dispositions de l'article R. 4228-7 du même code. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires de la société requérante a diminué du fait de la crise sanitaire liée à la Covid -19 et s'élevait à 3 721 152 euros au titre de 2019 et à 3 155 869 euros au titre des dix premiers mois de 2020 et que la diminution du chiffre d'affaires évaluée par la société est comprise entre 10 et 23 % pour les mois de juin à octobre 2020. Depuis 2018, la société requérante connaît toutefois un résultat net négatif qui s'est élevé à - 286 830 euros au titre de 2019 et la situation intermédiaire en 2020 faisait apparaître un résultat net de l'ordre de - 182 000 euros. Cependant, eu égard à la nature et au nombre des manquements, au nombre de salariés concernés, à la persistance de ces manquements pendant plusieurs mois malgré les contrôles de l'inspectrice du travail et à la situation économique de la société, il ne résulte pas de l'instruction que le montant des amendes infligées par la DIRECCTE d'Ile-de-France, soit 600 euros et 900 euros chacun pour respectivement cinq manquements et trois manquements, alors que le montant maximum prévu par l'article L. 8115-3 du code du travail est fixé à 4 000 euros par manquement, serait disproportionné.
En ce qui concerne la réduction du montant de l'amende infligée :
22. Eu égard à l'ensemble des éléments énoncés au point 21, il n'y a pas lieu de réduire le montant de l'amende infligée. Par suite, les conclusions à fin de réduction de l'amende en litige doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à la décharge du paiement de l'amende administrative :
23. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.
24. Il ressort du point 6 du jugement du 26 septembre 2023 que le tribunal a annulé le titre de perception émis le 18 juillet 2023 pour un montant de 59 700 euros, correspondant à l'amende administrative infligée à la société requérante par la DIRECCTE le 12 octobre 2020, au motif qu'il n'était pas signé et que l'administration n'avait pas produit un état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement signé par l'ordonnateur désigné dans le titre de perception et que, par suite, ce titre de perception méconnaissait les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. Ce motif tiré de l'irrégularité en la forme du titre de perception n'est pas contesté en appel. Un tel motif n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'extinction de la créance litigieuse.
25. Par ailleurs, il résulte des points 7 à 22 du présent arrêt que les conclusions présentées par la société S.A.S.D. à fin d'annulation de la sanction administrative et de réduction du montant de l'amende doivent être rejetées. Dans ces conditions, et eu égard à ce qui a été dit au point 24, ses conclusions tendant à ce qu'elle soit déchargée du paiement de la somme de 59 700 euros mise à sa charge par le titre de perception émis le 18 juillet 2023 doivent également être rejetées.
26. Il résulte de tout ce qui précède que la société S.A.S.D. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société S.A.S.D. demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 23PA01403 et n° 23PA04819 de la société S.A.S.D. sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SASD et à la ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.
La rapporteure,
V. Larsonnier La présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 23PA01403, 23PA04819 2