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26/09/2024 | FRANCE | N°24PA00366

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 26 septembre 2024, 24PA00366


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination pour son éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.





Par un jugement n° 2315548 du 16 janvier 2024, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demand

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Procédure devant la Cour :



Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination pour son éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2315548 du 16 janvier 2024, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 24 janvier 2024 et le 7 février 2024, M. B..., représenté par Me Cariti-Brankov, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2315548 du 16 janvier 2024 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 décembre 2023 de la préfète du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à Me Cariti-Brankov, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour avoir procédé à une substitution de base légale sans inviter les parties à présenter leurs observations ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et a été pris sans examen particulier de sa situation ;

- il a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu protégé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ;

- il est entaché d'erreur de fait dès lors qu'à la date de la décision attaquée il était en situation régulière du fait de sa demande de réexamen en cours d'instruction ;

- l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permet pas de mettre fin à son droit au maintien sur le territoire français ;

- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à raison des risques qu'il encourt en Turquie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc né le 17 octobre 1996 à Elazig, a fait l'objet d'un arrêté du 27 décembre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné d'office et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Il relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; / c) une décision de rejet ou d'irrecevabilité dans les conditions prévues à l'article L. 753-5 ; / d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; / e) une décision de clôture prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38 ; l'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 531-40 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; / 2° Lorsque le demandeur : / a) a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 531-36 ; / b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; / c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / d) fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. / Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ".

3. Pour écarter le moyen soulevé par M. B... et tiré de la méconnaissance de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le Tribunal a retenu que compte tenu des deux condamnations pénales prononcées à l'encontre de M. B... en 2022 et 2023 pour des faits de terrorisme et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, le requérant pouvait être regardé comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve, circonstance faisant obstacle à l'application du principe de non-refoulement des réfugiés, et donc à ce que sa qualité de demandeur d'asile s'oppose à l'édiction à son encontre d'une mesure d'éloignement.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., dont la demande d'asile avait été rejetée par une décision de l'Ofpra du 28 juillet 2020 confirmée par un arrêt de la Cnda du 13 décembre 2021, a présenté une demande de réexamen de cette demande d'asile, enregistrée le 28 novembre 2023 en procédure accélérée. L'intéressé ne peut être regardé comme ayant introduit sa demande de réexamen dans le but de faire échec à une décision d'éloignement, au sens du b du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'à la date d'enregistrement de sa demande de réexamen, il n'avait fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement. Il se trouvait par suite dans la situation prévue au 1° du même article, dans laquelle le demandeur d'asile a le droit de se maintenir en France jusqu'à une décision d'irrecevabilité de l'Ofpra. En l'espèce, il est constant que la demande de réexamen de la demande d'asile de M. B... n'avait pas été rejetée pour irrecevabilité à la date de l'arrêté contesté du 27 décembre 2023. Il s'ensuit que M. B... est fondé à soutenir qu'à la date de l'arrêté contesté, et contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, quel que soit son comportement en France, il bénéficiait du droit de se maintenir en France et ne pouvait, dès lors, faire l'objet des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français prises à son encontre le 27 décembre 2023.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire, fixant le pays de destination de sa reconduite et lui interdisant de retourner sur le territoire français.

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit à nouveau statué sur la situation de M. B.... Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de statuer à nouveau sur le cas de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

7. M. B... n'ayant pas formé de demande d'aide juridictionnelle, les conclusions tendant à la mise en œuvre, au profit de son défenseur, des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2315548 du 16 janvier 2024 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 27 décembre 2023 de la préfète du Val-de-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application des l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la préfète du Val-de-Marne et à Me Thelma Cariti-Brankov.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00366
Date de la décision : 26/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CARITI-BRANKOV

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-26;24pa00366 ?
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