Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 21 octobre 2020 par laquelle le maire d'Egreville a exercé le droit de préemption sur un bien situé rue des Gravilliers et cadastré section F n° 1088 et la décision du 12 novembre 2020 par laquelle il a motivé l'exercice de ce droit.
Par un jugement n° 2103630 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 août 2023 et un mémoire en réplique enregistré le 2 avril 2024, la commune d'Egreville, représentée par Me Pouilhe, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun n° 2103630 du 9 juin 2023 ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement a écarté sans motivation l'application des dispositions du dernier aliéna de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme ;
- M. C... ne justifiait pas de son intérêt pour agir ;
- les conclusions dirigées contre le courrier du 21 octobre 2020 sont irrecevables dès lors qu'il ne s'agit que d'un courrier informant le notaire que la commune est susceptible d'exercer son droit de préemption ; la décision de préemption n'est intervenue que le 12 novembre 2020 ;
- le droit de préemption était maintenu malgré la caducité du plan d'occupation des sols en application du dernier aliéna de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, le terrain se trouvant dans la partie actuellement urbanisée de la commune ;
- la préemption se faisant au prix et aux conditions proposés, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le prix n'aurait pas été indiqué dans la décision du 12 novembre 2020 ;
- aucune consultation du service des domaines n'était requise compte tenu du prix de vente.
Par des mémoires en défense enregistrés le 1er novembre 2023 et le 11 avril 2024, M. C..., représenté par Me Pancrazi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Egreville le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la commune d'Egreville ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,
- et les observations de Me Pancrazi, pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Les consorts D... ont adressé à la commune d'Egreville une déclaration d'intention d'aliéner concernant un bien immobilier situé rue des Gravilliers et cadastré section F n° 1088. Par un courrier du 21 octobre 2020, la commune a informé le notaire qu'elle exerçait son droit de préemption et, par un courrier du 12 novembre 2020, elle a formalisé cette décision. La commune d'Egreville fait appel du jugement du 9 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun, saisi par M. C..., a annulé les décisions des 21 octobre 2020 et 12 novembre 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En mentionnant au point 5 de leur jugement, que les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme dont se prévaut la commune, qui ne visent que " le droit de préemption prévu au deuxième alinéa de l'article L. 210-1 ", n'ont pas pour objet, ni pour effet, de maintenir le droit de préemption urbain en cas de caducité du plan d'occupation des sols, les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse au moyen de défense présenté par la commune.
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées en première instance :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un compromis de vente en date du 23 juillet 2020 et de la déclaration d'intention d'aliéner, que M. C... avait, en qualité d'acquéreur évincé, intérêt à agir contre la décision de préemption en litige.
4. En second lieu, il ressort des termes du courrier adressé le 21 octobre 2020 au notaire signataire de la déclaration d'intention d'aliéner par le maire que " la commune d'Egreville exerce son droit de préemption urbain sur la vente de la parcelle F 1088 pour une surface de 00 ha 04 a 55 ca ". Par suite, ce courrier formalise la décision de préemption prise par la commune et celle-ci n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de la demande tendant à son annulation étaient irrecevables. Il s'ensuit que la commune d'Egreville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté les fins de non-recevoir qu'elle a opposé en première instance.
En ce qui concerne la légalité de la décision de préemption en litige :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date (...) ". Aux termes de l'article L. 211-1 dudit code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan. (...) Dans les parties actuellement urbanisées des communes couvertes par un plan d'occupation des sols devenu caduc en application de l'article L. 174-1, le droit de préemption prévu au deuxième alinéa de l'article L. 210-1 est maintenu ". Et aux termes de ce deuxième alinéa : " Pendant la durée d'application d'un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l'Etat dans le département lorsque l'aliénation porte sur un des biens ou droits énumérés aux 1° à 4° de l'article L. 213-1 du présent code, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet de la convention prévue à l'article L. 302-9-1 précité. Le représentant de l'Etat peut déléguer ce droit (...). Les biens acquis par exercice du droit de préemption en application du présent alinéa doivent être utilisés en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du même code ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le plan d'occupation des sols de la commune d'Egreville était caduc à la date de la décision de préemption en litige. Par suite, la commune d'Egreville n'étant pas visée par un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation après le constat d'une carence en matière de logements locatifs sociaux, elle n'avait, conformément aux dispositions précitées, pas compétence pour exercer le droit de préemption urbain sur la parcelle en cause.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme : " lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : a) soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ; b) soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposées, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; c) soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation (...) ".
8. Ni la décision du 21 octobre 2020, ni celle du 12 novembre 2020 ne mentionne le prix proposé par la commune. Dès lors, son offre ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article R. 213-8 précitées, le fait de n'avoir pas indiqué un prix différent de celui mentionné sur la déclaration d'intention d'aliéner ne pouvant valoir acceptation implicite de ce prix.
9. En troisième lieu, il est constant que les décisions en litige n'ont pas été transmises au préfet dans le cadre du contrôle de légalité. Or, une telle transmission constitue, en vertu des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme et du 1er alinéa de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, une condition de la légalité de la décision de préemption.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". La décision du 21 octobre 2020 ne satisfait pas à ces prescriptions.
11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen soulevé à l'encontre de l'arrêté du 12 novembre 2020 n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder son annulation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Egreville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions de préemption des 21 octobre 2020 et 12 novembre 2020 du maire d'Egreville, ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux de M. C....
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune d'Egreville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune d'Egreville une somme de 1 500 euros à verser à M. C... sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Egreville est rejetée.
Article 2 : La commune d'Egreville versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Egreville et à M. B... C....
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- M. François Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 septembre 2024.
Le rapporteur, Le président,
F. A... I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03644