Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2017, ainsi que des majorations s'y rapportant.
Par un jugement n° 2110069/1-1 du 29 mars 2023 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 24 mai 2023 et le 11 juillet 2024 M. B..., représenté par Me Sebban, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2110069/1-1 du 29 mars 2023 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales restant à sa charge au titre de l'année 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie de l'origine d'un crédit bancaire de 1 000 euros provenant du fonds de garantie pour les victimes du terrorisme et qui n'est, de ce fait, pas imposable ;
- il justifie l'origine d'un crédit bancaire de 15 000 euros provenant d'un rachat partiel d'un contrat d'assurance-vie ;
- il justifie l'origine de crédits bancaires d'un total de 7 403,22 euros provenant de la location meublée d'un bien immobilier ;
- il justifie que l'exercice de sa profession d'avocat a été déficitaire au cours de l'année 2017 compte tenu de charges non admises alors qu'elles sont déductibles par leur caractère professionnel ;
- les manquements délibérés retenus pour appliquer les majorations ne sont pas établis.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'en imposant la somme de 15 000 euros en tant que revenus d'origine indéterminée, l'administration fiscale a commis une erreur de qualification catégorielle .
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sebban pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. B... portant sur l'année 2017 et d'un contrôle sur pièces de son activité d'avocat portant sur la même année, l'administration fiscale lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales au titre de l'année 2017. M. B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel et déchargé M. B... des impositions en litige à concurrence d'une réduction de la base de l'impôt sur le revenu de l'année 2017 d'une somme de 178 230 euros, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
2. Dès lors que les rehaussements portant sur des revenus d'origine indéterminée ont été établis selon la procédure de taxation d'office, en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, le requérant supporte la charge de la preuve de leur exagération.
3. Le requérant reprend en appel le moyen tiré de ce que la somme de 1 000 euros créditée sur un compte bancaire dont il est titulaire en 2017 proviendrait du fonds de garantie pour les victimes du terrorisme et ne constituerait pas un revenu imposable, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.
4. Il est loisible au contribuable taxé d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que les sommes concernées, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie déterminée de revenus. Dans ce cas, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause. Il n'appartient toutefois pas au juge de l'impôt de substituer d'office au fondement de l'imposition contestée un autre fondement légal, en l'absence de conclusions de l'administration en ce sens. Il s'en déduit que, lorsque le contribuable taxé d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales établit, au soutien de conclusions visant à la décharge des impositions régulièrement établies sur ce fondement, que les sommes en litige se rattachaient à une catégorie déterminée de revenus, il appartient à l'administration, si elle l'estime utile, de demander au juge, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, une imposition des sommes en litige selon les règles applicables à la catégorie d'imposition concernée. La procédure d'imposition d'office suivie sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales demeurant régulière, il n'y a pas lieu de subordonner cette demande au respect de la procédure contradictoire. A défaut d'une telle demande de la part de l'administration, le juge ne pourra qu'ordonner la décharge de l'imposition établie à tort, sur le fond, au titre du revenu global.
5. Pour la première fois en appel, M. B... produit des pièces qui établissent que la somme de 15 000 euros créditée au cours de l'année 2017 sur un compte bancaire dont il est titulaire, taxée en tant que revenu d'origine indéterminée, provient du rachat partiel d'un contrat d'assurance-vie et ne peut, dès lors, être imposée en tant que revenus d'origine indéterminée. A défaut d'une demande de l'administration que cette somme soit imposée selon les règles applicables à la catégorie d'imposition adéquate, M. B... est fondé à obtenir la réduction de sa base d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales de l'année 2017 à hauteur de cette somme de 15 000 euros.
6. Également pour la première fois en appel, M. B... produit des pièces qui établissent que la somme de 7 403,22 euros créditée au cours de l'année 2017 sur un compte bancaire dont il est titulaire, qui a été taxée en tant que revenu d'origine indéterminée, provient de la location meublée d'un bien immobilier et que la somme de 1 700 euros comprise dans ce montant n'est pas imposable dès lors qu'elle correspond à un dépôt de garantie versé par le locataire.
7. Toutefois l'administration fiscale est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition en substituant un motif à un autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu du motif substitué.
8. Aux termes de l'article 35 du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I. - Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : (...)5° bis Personnes qui donnent en location directe ou indirecte des locaux d'habitation meublés(...) ". L'article 155 du même code dispose que : "I- (...) 2. Lorsqu'un titulaire de bénéfices non commerciaux étend son activité à des opérations dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices de l'exploitation agricole ou dans celle des bénéfices industriels et commerciaux, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices non commerciaux à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu.(...) IV. (...) 2. L'activité de location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés est exercée à titre professionnel lorsque les trois conditions suivantes sont réunies : (...)2° Les recettes annuelles retirées de cette activité par l'ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € (...) ". Enfin l'article 50-0 de ce code, relatif au régime des micro-entreprises, dispose que les activités de la catégorie 2 telle que la location meublée bénéficient d'un abattement forfaitaire pour charges de 50 % du chiffre d'affaires.
9. Il résulte de l'instruction que, compte tenu du montant des revenus tirés par M. B... de cette location meublée en 2017, exercée à titre non professionnel en application du 2° de l'article 155 IV du code général des impôts, ceux-ci sont imposables en tant que bénéfices industriels et commerciaux à hauteur de 2 851 euros compte tenu de l'abattement de 50 % pour charges dont ils bénéficient en application de l'article 50-0 du code général des impôts. Dans ces conditions, l'administration fiscale est fondée à demander en appel que la somme de 5 703,22 euros, qu'elle avait initialement imposée en tant que revenus d'origine indéterminée, soit désormais imposée dans cette catégorie de revenus. En conséquence, M. B... est seulement fondé à être déchargé de la différence entre les cotisations supplémentaires, en droits et majorations, résultant de l'imposition de la somme de 7 403,22 euros à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales en tant que revenus d'origine indéterminée, et les cotisations supplémentaires, en droits et majorations, résultant désormais de l'imposition de la somme de 2 851 euros compte tenu de l'abattement de 50 % prévu à l'article 50-0 du code général des impôts, à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et aux contributions sociales.
En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :
10. Pas plus en appel qu'en première instance M. B... n'établit, par la seule production de la copie d'un chèque débité de son compte bancaire le 22 septembre 2017 à l'ordre d'un M. A..., sans mention d'un prénom, que la somme de 11 200 euros ainsi payée correspondrait à l'acquittement d'une indemnité d'occupation au profit du propriétaire du local professionnel qu'il occupait, qui présenterait le caractère d'une charge professionnelle déductible du chiffre d'affaires de son activité individuelle d'avocat en l'absence en outre de preuve de l'encaissement de cette somme par le bailleur, alors de surcroît que l'ordonnance judiciaire du 5 octobre 2017 le condamnant à verser ladite indemnité d'occupation ne mentionne pas un tel paiement.
11. Si M. B... se prévaut comme en appel de ce qu'il aurait exposé en 2017 des charges à caractère professionnel, et par suite déductibles du chiffre d'affaires de son activité individuelle d'avocat, à hauteur de 157 272 euros pour le remboursement à une cliente d'un trop-percu d'honoraires en exécution d'une décision du bâtonnier du 22 janvier 2012, confirmée par la Cour d'appel de Paris le 3 mai 2016, de telles pertes de M. B..., ne peuvent être regardées comme des charges se rattachant à l'exercice normal de la profession, quand bien même elles n'auraient pas donné lieu à une mesure disciplinaire prononcée par les instances ordinales.
En ce qui concerne la majoration :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
13. Pour établir le caractère délibéré des manquements reprochés au requérant, l'administration s'est fondée sur l'absence de toute comptabilité, pendant l'année 2017, de l'activité d'avocat qui représente l'essentiel de ses revenus, ainsi que sur l'absence de déclaration, pour cette même année, des revenus issus de son activité de location meublée, dont le caractère imposable ne pouvait être ignoré par M. B.... Dans ces circonstances, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt. Dès lors, il n'est pas fondé à demander la décharge de la majoration appliquée sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander la décharge des impositions en litige à hauteur de ce qui est mentionné aux points 5 à 9, et que le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté.
Sur les frais de l'instance :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. B... demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des contributions sociales de M. B... pour l'année 2017 est réduite de la somme de 15 000 euros.
Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des contributions sociales de M. B... pour l'année 2017 est modifiée dans les conditions décrites aux points 8 et 9 du présent arrêt.
Article 3 : M. B... est déchargé, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, de la cotisation supplémentaire de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et du supplément de contributions sociales restant à sa charge au titre de l'année 2017 correspondant aux modifications de la base d'imposition définies aux articles 1er et 2.
Article 4 : Le jugement n° 2110073/1-1 du 29 mars 2023 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02321