Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa candidature au sein du Secrétariat général pour l'administration de la police de la Réunion dans le cadre du mouvement polyvalent des personnels actifs de la police nationale au titre de l'année 2021, d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a fait droit aux demandes de mutations de M. K... F..., de M. H... I..., de M. L... J..., de M. B... G... et de M. C... E... et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa mutation au sein du secrétariat général pour l'administration de la police de La Réunion dans un délai d'un mois.
Par un jugement n° 2114377/5-3 du 29 mars 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 28 avril 2023 et le 12 juillet 2024 M. D..., représenté par Me Pitti-Ferrandi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2114377/5-3 du 29 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa candidature au sein du secrétariat général pour l'administration de la police de La Réunion dans le cadre du mouvement polyvalent des personnels actifs de la police nationale au titre de l'année 2021 ;
3°) d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a fait droit aux demandes de mutations de M. K... F..., de M. H... I..., de M. L... J..., de M. B... G... et de M. C... E... ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa mutation au sein du secrétariat général pour l'administration de la police de La Réunion dans un délai d'un mois ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa candidature n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- la décision rejetant sa demande de mutation est entachée de détournement de pouvoir ;
- en l'absence de preuve que les candidatures de MM. F..., I..., J..., G... et E... avaient plus de mérites que la sienne, la décision de rejet de sa demande ainsi que les décisions accordant une mutation à ces agents sont entachées d'erreur de fait ;
- il est le seul à justifier que le centre de ses intérêts matériels et moraux se situait à la date de la décision attaquée à La Réunion et que sa candidature était prioritaire ;
- sa manière de servir fait l'objet d'évaluations aussi ou plus favorables que celles des 5 agents ayant obtenu une affectation à La Réunion ;
- compte tenu de son ancienneté, des responsabilités exercées et de ses évaluations, la décision refusant de lui octroyer la mutation demandée est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête de M. D....
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. K... F..., de M. H... I..., de M. L... J..., de M. B... G... et de M. C... E... n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pitti-Ferrandi pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., brigadier de police affecté à la direction de la police aux frontières à l'aéroport d'Orly, a sollicité le 23 novembre 2020, dans le cadre du mouvement de mutation polyvalent au titre de l'année 2021, sa mutation à compter du 1er septembre 2021 à La Réunion. Par un télégramme du
4 mai 2021, le ministre de l'intérieur a diffusé la liste des agents mutés notamment à La Réunion, dont ne faisait pas partie M. D.... En conséquence, M. D... a demandé au tribunal d'annuler la décision implicite, révélée par ce télégramme, par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation, ainsi que des décisions portant mutation à La Réunion de M. F..., de M. I..., de M. J..., de M. G... et de M. E.... M. D... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Dès lors qu'il est constant que, ainsi qu'il est énoncé dans un télégramme du 20 novembre 2020 adressé à tous les fonctionnaires et fixant les modalités de candidatures à la mutation, la date limite de dépôt des candidatures était le 24 décembre 2020 et ces demandes pouvaient être annulées jusqu'au 12 février 2021, aucune décision implicite de rejet de la demande de mutation de M. D... n'a pu naître avant le 13 avril 2021. Il est également constant que la décision de ne pas faire droit à la demande de mutation de M. D... a été révélée par le télégramme du 4 mai 2021 fixant la liste des agents mutés outre-mer au titre de l'année 2021. Par suite, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, en l'absence de toute preuve que M. D... ait eu connaissance de cette décision avant le 21 mai 2021, date à laquelle il a saisi le médiateur de son ministère, la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'intérieur et tirée de la tardiveté de la requête de M. D..., enregistrée au greffe du Tribunal le 5 juillet 2021, doit être écartée.
3. Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " I. - L'autorité compétente procède aux mutations des fonctionnaires en tenant compte des besoins du service. II. - Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et sous réserve des priorités instituées à l'article 62 bis, les affectations prononcées tiennent compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée : 1° Au fonctionnaire séparé de son conjoint pour des raisons professionnelles, ainsi qu'au fonctionnaire séparé pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité s'il produit la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts ; 2° Au fonctionnaire en situation de handicap relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail ; 3° Au fonctionnaire qui exerce ses fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ; 4° Au fonctionnaire qui justifie du centre de ses intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie ; 5° Au fonctionnaire, y compris relevant d'une autre administration, dont l'emploi est supprimé et qui ne peut être réaffecté sur un emploi correspondant à son grade dans son service. (...) V. Dans les administrations ou services dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, les mutations peuvent être prononcées dans le cadre de tableaux périodiques de mutations. Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques, l'autorité compétente peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème rendu public. Le recours à un tel barème constitue une mesure préparatoire et ne se substitue pas à l'examen de la situation individuelle des agents. Ce classement est établi dans le respect des priorités définies au II du présent article. ".
4. Lorsque dans le cadre d'un mouvement de mutation, un poste a été déclaré vacant, alors que des agents se sont portés candidats dans le cadre du mouvement, l'administration doit procéder à la comparaison des candidatures dont elle est saisie en fonction, d'une part, de l'intérêt du service, d'autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés, appréciée compte tenu des priorités fixées par les dispositions de l'article 60 précité de la loi du 11 janvier 1984. L'administration doit également tenir compte de l'ancienneté dans le corps, de l'expérience professionnelle et du grade des candidats ainsi que des caractéristiques du poste à pourvoir. L'imputation de points à un " barème " concernant le mouvement annuel des fonctionnaires de police n'a pas pour objet et ne saurait avoir eu pour effet de priver l'autorité de nomination du pouvoir d'appréciation qui lui appartient dans l'intérêt du service, en lui imposant de pourvoir aux postes vacants dans l'ordre de ce barème, ce dernier n'ayant qu'un caractère indicatif.
5. Si la mutation n'est pas un avantage dont l'attribution constitue un droit pour le fonctionnaire qui l'a demandée, il appartient toutefois à l'administration de donner au juge de l'excès de pouvoir les motifs d'une décision de refus de mutation, afin de lui permettre d'exercer son contrôle. A l'appui de ses conclusions dirigées contre cette décision de refus, M. D... présente des allégations sérieuses tirées de ce que les 5 agents ayant obtenu leur mutation à La Réunion en septembre 2021 n'y avaient pas le centre de leurs intérêts matériels et moraux, et qu'aucun de ceux-ci ne présentait une candidature prioritaire au sens des dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984. A cet égard, les éléments avancés en appel par le ministre de l'intérieur étant par eux-mêmes dépourvus de force probante à l'exception de ceux concernant le caractère prioritaire de la candidature de M. I..., séparé de son conjoint pour des raisons professionnelles, l'état de l'instruction ne permet pas à la Cour de statuer sur ces moyens et, par suite, il y a lieu d'ordonner, avant-dire droit, un supplément d'instruction aux fins de permettre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de produire, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, tous éléments, appuyés de pièces justificatives, de nature à caractériser et établir le lieu du centre des intérêts matériels et moraux, en 2021, de MM. F..., J..., G... et E....
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. D..., procédé par les soins du ministre de l'intérieur et des outre-mer à la mesure d'instruction dont l'objet est défini au point 5 des motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé au ministre de l'intérieur et des outre-mer, pour l'exécution du supplément d'instruction prescrit à l'article 1er ci-dessus, un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. H... I..., à M. L... J..., à M. K... F..., à M. B... G... et à M. C... E....
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAYLa greffière,
C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01793