Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 février 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2207295 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Schwarz, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2207295 du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 février 2022 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du même code ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- elles sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elles se fondent ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 décembre 2022.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. A... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né en janvier 1949, est entré en France en mai 2000 selon ses déclarations. Le 28 juillet 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales. Par un arrêté du 23 février 2022 le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.
3. En outre, dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée, et statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.
4. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement duquel le préfet de police a également examiné la situation de l'intéressé en relevant que la commission du titre de séjour n'avait pas à être saisie pour avis dès lors qu'il n'était pas en mesure d'attester de façon probante d'une ancienneté de résidence depuis plus de dix ans : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".
5. M. B... soutient que le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans. Il ressort des écritures du préfet en première instance que M. B... a été admis au séjour entre 2010 et 2018 et que sa demande de renouvellement de titre de séjour a alors été rejeté. L'intéressé produit en outre un grand nombre de pièces, essentiellement médicales, impliquant sa présence en France et justifiant qu'à la date de l'arrêté contesté, il résidait en France habituellement depuis plus de dix ans, ainsi que l'ont au demeurant reconnu les premiers juges. Dès lors, en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour préalablement au rejet de la demande de titre de séjour de M. B..., le préfet a entaché sa décision d'un vice de procédure qui a privé le requérant d'une garantie.
6. Le refus de titre de séjour opposé à M. B... étant ainsi entaché d'illégalité, l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti doit, par voie de conséquence, également être annulée, de même que la décision fixant le pays de destination.
7. Il résulte de ce qui précède, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
9. Compte tenu de ses motifs, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas que soit délivré à M. B... un titre de séjour. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen.
Sur les frais du litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B..., Me Schwarz, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Schwarz renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2207295 du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ainsi que l'arrêté du 23 février 2022 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B..., Me Schwarz, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. François Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 septembre 2024.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00263 2