Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
28 août 2023 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2325022/8 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mars 2024 et un mémoire en réplique enregistré le
25 juin 2024, M. B..., représenté par Me Atger, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2023 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ", de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé portant autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; c'est à tort que le tribunal a considéré comme inopérant ce moyen ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de renouvellement du titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris en date du 19 février 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les observations de Me Atger, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien né le 21 août 1990, entré en France le
19 septembre 2020, selon ses déclarations, a sollicité, le 21 février 2023, le renouvellement de son titre de séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 août 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 9 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les moyens communs soulevés à l'encontre des différentes décisions contestées :
2. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. B....
Sur la décision portant refus de renouvellement de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié le 13 mars 2022 d'un titre de séjour pour raisons de santé, valable jusqu'au 15 mars 2023. Pour refuser à l'intéressé le renouvellement de ce titre de séjour, le préfet de police de Paris s'est notamment fondé sur l'avis du 11 juillet 2023 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui mentionnait que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du Mali, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des résultats de virologie de janvier 2023 et du compte-rendu de consultation du 27 juillet 2023, établi par le docteur C..., praticien hospitalier au sein du service de chirurgie digestive hépato-biliaire endocrinienne à l'hôpital Cochin, produits par le requérant, qu'il souffre d'une hépatite B et d'une hépatite D et que son état de santé nécessite un suivi spécialisé tous les six mois en service hospitalier, des bilans biologiques, virologiques et morphologiques réguliers ainsi que la prise à vie d'un traitement médicamenteux à base d'Entécavir, commercialisé sous la dénomination de Baraclude.
6. M. B... soutient qu'il ne pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Mali dès lors que l'Entécavir n'y est pas disponible et que la prise en charge des hépatites virales y est insuffisante. S'il ressort, en effet, des pièces du dossier produites par le préfet de police en première instance que l'Entécavir ne figure pas sur la liste des médicaments essentiels au Mali prise par arrêté du 26 août 2019 du ministre de la santé, le préfet de police soutient que le traitement de M. B... est substituable par une autre molécule, la Lamivudine, un antiviral dont la molécule est disponible au Mali selon la liste de médicaments précitée. Par ailleurs, pour attester de l'insuffisance de la prise en charge médicale au Mali, M. B... se prévaut notamment d'un rapport de l'Organisation mondiale de la santé sur la politique en matière de prévention et de contrôle de l'hépatite virale daté de 2013, d'un article publié par la société française de médecine d'urgence daté de 2021, d'un document de l'organisation mondiale de la santé de 2015 intitulé " Lignes directrices pour la prévention, les soins et le traitement des personnes atteintes d'une hépatite B chronique ". En l'espèce, ces rapports, au demeurant anciens, ne permettent pas d'établir qu'à la date de l'arrêté en litige,
M. B... ne pourrait bénéficier effectivement d'un suivi approprié à son état de santé au Mali. Il en est de même du communiqué de presse de SOS hépatites Mali daté de 2011. En outre, le préfet de police produit des pièces démontrant qu'une prise en charge des hépatites existe au Mali en produisant une liste de laboratoires d'analyses médicales conventionnés ainsi qu'un article de aBamako.com daté d'octobre 2023 sur un hépato-gastro-entérologue dont il apparaît qu'il est le président du Réseau malien de lutte contre les hépatites depuis 2008. Dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément précis et objectif de nature à démontrer que la Lamivudine ne serait pas substituable à l'Entécavir, et que par conséquent l'intéressé ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie au Mali, en refusant de renouveler le titre de séjour de M. B... pour raison de santé, le préfet de police, n'a pasméconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France en 2020, n'y a été admis à séjourner qu'en raison de son état de santé. L'épouse de l'intéressé et ses deux enfants ainsi que ses deux parents résident au Mali où M. B... a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans. M. B... ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française et n'établit pas avoir noué des liens personnels intenses et stables sur le territoire français. Par suite, et en tout état de cause, compte tenu des conditions de séjour de l'intéressé, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'illégalité de cette décision, invoquée par M. B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. B... n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux relevés au point 8.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2024.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
N DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°24PA01212 2