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17/07/2024 | FRANCE | N°22PA00669

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 17 juillet 2024, 22PA00669


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... D..., M. B... D... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à verser à Mme C... D... la somme de 841 965,06 euros ainsi qu'une rente annuelle de 2 500 euros pour ses dépenses de santé en réparation des préjudices subis en raison de l'infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge du 8

décembre au 19 décembre 2008 au sein de l'hôpital Cochin, d'autre part, de condamne...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., M. B... D... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à verser à Mme C... D... la somme de 841 965,06 euros ainsi qu'une rente annuelle de 2 500 euros pour ses dépenses de santé en réparation des préjudices subis en raison de l'infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge du 8 décembre au 19 décembre 2008 au sein de l'hôpital Cochin, d'autre part, de condamner l'ONIAM à verser à MM. B... D... et A... D..., en leur qualité de fils et d'époux de Mme D..., la somme de 63 000 euros.

Par un jugement n° 1815195 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a condamné l'ONIAM à verser une somme de 179 849,14 euros à Mme D..., ainsi qu'une rente annuelle de 5 829 euros, payable à trimestre échu et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, et a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à rembourser à l'ONIAM la somme de 143 879,31 euros, ainsi que 80% du montant de la rente versée annuellement à Mme D... au titre de l'assistance à tierce personne et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme une somme de 68 248,6 euros, assortie des intérêts à compter du 31 octobre 2018 et leur capitalisation.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2022, Mme D..., représentée par Delmas, a demandé à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à lui verser la somme de 800 000 euros ainsi qu'une rente annuelle de 11 500 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge du 8 décembre au

19 décembre 2008 au sein de l'hôpital Cochin ;

3°) de condamner l'ONIAM, à verser la somme de 60 000 euros à M. B... D... et M. A... D..., en leur qualité de fils et d'époux ;

4°) de condamner l'ONIAM au versement d'une somme de 29 000 euros au titre du préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- le rejet d'une partie de ses demandes indemnitaires viole la loi " handicap " du

11 février 2005 et porte atteinte à sa dignité ;

- la responsabilité fautive de l'AP-HP aurait dû être retenue au taux de 100% ;

- c'est à tort que son état antérieur a été considéré comme responsable de 20% de ses préjudices alors que le lupus responsable de ses fausses couches était en rémission depuis plus de vingt ans ;

- son état de santé s'est détérioré depuis la date de consolidation ;

- l'aide par une tierce personne limitée à une heure par jour par les premiers juges doit être révisée ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'expertise.

Par des mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés le 10 mai 2022 et

27 novembre 2023, l'ONIAM représenté par Me Ravaut, conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué en réduisant le montant des indemnisations allouées par le tribunal en ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique temporaire et permanent et en déboutant Mme D... de ses demandes au titre des dépenses de santé, d'assistance par une tierce personne, des préjudices d'agrément et sexuel, et à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il demande la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne le montant des indemnités mises à sa charge, en tenant compte du décès de Mme D... dans la liquidation des préjudices permanents ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à l'action récursoire de l'ONIAM contre l'AP-HP et en ce qu'il a indiqué que la CPAM ne disposait pas d'une action récursoire à son égard ;

- les demandes formulées au titre des frais de transports, des frais de santé et des frais pharmaceutiques, des frais d'analyses, des frais téléphoniques, des frais ménagers, des pertes de gains professionnels, d'incidence professionnelle, des frais d'aménagement du véhicule u logement, doivent être rejetées en l'absence de justificatifs ;

- c'est à tort que le tribunal a alloué à Mme D... une somme de 1464,90 euros au titre du forfait journalier dès lors que la CPAM a pris en charge des frais hospitaliers et que Mme D... n'a pas produit les débours de sa mutuelle ;

- Mme D... n'a pas produit les justificatifs de non versement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) ; sauf à ce qu'elle en justifie, la demande au titre de l'aide par tierce personne jusqu'à son décès, sera rejetée ;

- l'indemnisation versée au titre du déficit fonctionnel temporaire ne saurait excéder la somme de 16 954,50 euros ;

- l'indemnisation versée au titre du préjudice esthétique temporaire ne saurait excéder la somme de 1 000 euros ; l'indemnisation versée au titre du préjudice esthétique permanent devra être ramenée à 400 euros compte tenu du décès de la victime ;

- l'indemnisation versée au titre du déficit fonctionnel permanent ne saurait excéder la somme de 9 000 euros ;

- les demandes au titre du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel, du préjudice permanent exceptionnel et du préjudice lié aux pathologies évolutives, doivent être rejetées ;

- les conclusions indemnitaires présentées par le mari et les enfants de la victime doivent être rejetées dès lors que leur préjudice n'est pas démontré ;

- le jugement attaqué sera confirmé pour le surplus.

Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 27 novembre 2023 et un mémoire récapitulatif enregistré le 23 avril 2024, l'AP-HP représentée par Me Tsouderos, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la Cour ramène le montant des demandes de l'appelante à de plus justes proportions et au rejet des conclusions de la CPAM du Puy de Dôme.

Elle soutient que :

- la demande de condamnation de l'ONIAM à indemniser le fils de Mme D... est irrecevable en l'absence de liaison du contentieux à l'égard de ce dernier comme l'ont jugé les premiers juges et dès lors qu'il n'a pas interjeté appel du jugement attaqué ;

- les demandes au titre des dépenses de santé, des frais de déplacement, des pertes de gains professionnels, d'incidence professionnelle, des frais d'aménagement du logement et du véhicule, du préjudice permanent exceptionnel, du préjudice d'agrément et du préjudice lié à des pathologies évolutives, seront rejetées ;

- le surplus des indemnités allouées par le tribunal sera confirmé.

Par des mémoires enregistrés le 9 juin 2023, le 5 janvier 2024 et le 22 avril 2024, la CPAM du Puy de Dôme, représentée par Me Niel, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la réformation du jugement attaqué en condamnant l'AP-HP à lui verser la somme de 85 310,74 euros en remboursement des dépenses de santé exposées au profit de Mme D..., avec intérêts à compter du 31 octobre 2018 et capitalisation de ces intérêts et la somme de 1 191 euros au titre de l'indemnité de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa créance définitive s'établit à 85 310,74 euros en remboursement des dépenses de santé actuelles exposées au profit de Mme D... ;

- l'indemnité forfaitaire de gestion est fixée à 1 191 euros pour 2024.

Par un courrier du 12 février 2024, M. B... D... et M. A... D..., ayants-droits de Mme C... D..., décédée le 25 septembre 2022, déclarent se désister purement et simplement de la requête d'appel.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2024, l'ONIAM représentée par Me Ravaut, indique maintenir ses conclusions d'appel incident.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement avant dire droit du 3 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a jugé qu'il existait un lien causal entre l'infection contractée par Mme D... lors de la pose de cathéters sur chacune de ses mains à l'occasion de sa prise en charge par l'hôpital Cochin en décembre 2008 et la paraplégie dont elle a été atteinte au décours de l'intervention du 6 janvier 2011 et les séquelles dont elle restait atteinte, et après avoir relevé que son taux de déficit fonctionnel permanent était supérieur à 25%, a estimé qu'en application des dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, il appartenait à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de réparer intégralement ces dommages et a ordonné la production de conclusions indemnitaires chiffrées afin de pouvoir statuer sur la demande de

Mme D.... Par un jugement du 14 décembre 2021 dont Mme D... a relevé appel par une requête enregistrée le 14 février 2022, le tribunal a condamné l'ONIAM à verser une somme de 179 849,14 euros à Mme D..., ainsi qu'une rente annuelle de 5 829 euros, et a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à rembourser à l'ONIAM la somme de 143 879,31 euros ainsi que 80% du montant de la rente versée annuellement à Mme D... au titre de l'assistance par une tierce personne et à verser à la caisse primaire s'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme une somme de 68 248,6 euros assortie des intérêts à compter du 31 octobre 2018 et leur capitalisation. Mme D... est décédée le

25 septembre 2022.

Sur le désistement et les conclusions d'appel principal et incident :

2. Par un courrier du 12 février 2024, les ayants-droits de Mme D... ont déclaré se désister purement et simplement de l'instance. Il y a lieu de leur donner acte de ce désistement.

3. Par des mémoires enregistrés postérieurement à ce désistement, la CPAM du Puy-de-Dôme, l'ONIAM et l'AP-HP ont indiqué maintenir leurs conclusions d'appel principal et incident.

Sur le taux de perte de chance retenu par le tribunal :

4. Il résulte de leurs écritures que ni l'ONIAM ni l'AP-HP ne contestent la fixation à 80% du taux de perte de chance pour Mme D... d'éviter l'infection nosocomiale dont elle a été victime du fait des manquements aux règles d'asepsie commises par l'hôpital Cochin, retenu par les premiers juges et déterminant le montant de la condamnation de l'AP-HP au titre de l'action récursoire exercée par l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique. Si la CPAM du Puy-de-Dôme soutient que la faute commise est à l'origine directe de l'infection, elle se borne à renvoyer au rapport d'expertise et aux écritures de Mme D... sans porter aucune critique sur les motifs du jugement attaqué. Il y a donc lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 27 de ce jugement, de confirmer ce taux de 80% de perte de chance.

Sur le montant des indemnisations allouées par le tribunal :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de Mme D... :

S'agissant des dépenses de santé :

5. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a jugé que Mme D... justifiait qu'un montant de 1 464,90 euros de forfait journalier hospitalier en lien avec l'infection nosocomiale et qu'une facture de 80 euros correspondant à des frais d'analyse, étaient restés à sa charge. Toutefois, l'AP-HP et l'ONIAM soutiennent que faute pour Mme D... de démontrer que ces frais n'ont pas été pris en charge par sa mutuelle, sa demande doit être rejetée. Il résulte en effet de l'instruction que malgré les demandes qui lui ont été adressées, Mme D... n'a pas justifié avoir supporté ces dépenses. Sa demande à ce titre doit être rejetée et le jugement réformé sur ce point.

S'agissant de l'assistance par une tierce personne jusqu'à la date de consolidation :

6. Il résulte de l'instruction et n'est contesté ni par l'ONIAM et ni par l'AP-HP, que Mme D... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne à raison de 2 heures par jour du 1er février au 30 avril 2009, de 6 heures par semaine du 1er mai au 16 décembre 2009 puis du 18 décembre 2009 au 4 janvier 2011, de 3 heures par jour du 3 mars 2011 au 30 juin 2012, de 2 heures par jour du 1er juillet 2012 au 30 novembre 2013, puis du 1er décembre 2013 au 2 décembre 2015. Les besoins de Mme D... doivent ainsi être évalués, jusqu'à la consolidation de son état le 3 décembre 2015, à 3 900 heures. Sur la base d'un taux horaire de 14 euros retenu à bon droit par le tribunal pour une aide non médicalisée, le préjudice de Mme D... jusqu'à la consolidation de son état, doit être arrêté à la somme de 54 600 euros dès lors que contrairement à ce que soutient l'ONIAM,

Mme D..., doit être regardée comme ayant justifié en première instance n'avoir pas bénéficié au cours de cette période de la prestation de compensation du handicap, en dépit de la demande qu'elle avait formulé auprès de la caisse d'allocations familiales.

S'agissant de l'assistance par une tierce personne jusqu'au décès de Mme D... :

7. En ce qui concerne la période comprise entre la date de consolidation, soit le

3 décembre 2015, et le décès de Mme D... le 25 septembre 2022, il résulte de l'instruction que le besoin en aide par une tierce personne a été évalué à une heure quotidienne par l'expert, soit, sur la base de 412 jours annuels pour tenir compte des congés payés, 2 811 heures rémunérées au taux horaire de 15 euros retenu par le tribunal, soit 42 165 euros, dont il convient de déduire un montant mensuel de 330,30 euros au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile (APAD) versée par la MDPH du Val de Marne, soit 14 750 euros. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point.

S'agissant des frais divers :

8. Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué, en l'absence de contestation du montant de 565,24 euros alloué par le tribunal à Mme D... en remboursement de divers frais.

9. Enfin, s'agissant des frais de transport, d'avocat, des pertes de gains professionnels, de l'incidence professionnelle, des frais d'aménagement du logement et du véhicule, il y a lieu de confirmer le rejet par le tribunal des demandes d'indemnisation présentées par Mme D... en première instance.

En ce qui concerne les préjudices personnels de Mme D... :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire et permanent :

10. D'une part, il y a lieu de confirmer la somme de 22 616 euros allouée par le tribunal au titre des différentes périodes de déficit fonctionnel temporaire en lien direct avec l'infection nosocomiale, sur la base de 20 euros par jour retenu à bon droit par les premiers juges, jusqu'à la date de la consolidation de son état de santé, le 3 décembre 2015.

11. D'autre part, il résulte de l'instruction que pour la période postérieure et jusqu'à son décès, le 25 septembre 2022, soit 2 488 jours, Mme D... a été affectée d'un taux de déficit fonctionnel permanent de 30%. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'indemnisant par une somme de 15 000 euros. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point.

S'agissant des souffrances endurées :

12. Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué, en l'absence de contestation du montant de 11 000 euros alloué par le tribunal à Mme D... au titre des souffrances endurées.

S'agissant du préjudice esthétique :

13. Il résulte de l'instruction et, notamment du rapport d'expertise médicale, que le préjudice esthétique strictement imputable à l'infection nosocomiale et aux complications neurologiques qui en ont résulté a été fixé par l'expert à 3 sur une échelle de 1 à 7 au titre du préjudice temporaire et à 2 sur 7 au titre du préjudice permanent, lié aux troubles de la marche et au port d'une canne. Il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 700 euros. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point.

S'agissant du préjudice sexuel :

14. Il résulte de l'instruction que l'expert a retenu un retentissement des séquelles de l'infection nosocomiale sur la vie sexuelle de Mme D.... Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en fixant le montant de sa réparation à 2 000 euros. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point.

S'agissant du préjudice d'agrément :

15. Il résulte de l'instruction que la perte de mobilité dont est restée atteinte

Mme D... en lien direct avec l'infection nosocomiale, l'a privée de sa pratique de la gymnastique dont elle justifie par la production d'une carte d'abonnement à un club sportif valable du 5 octobre 2008 au 5 octobre 2009. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément, compte tenu de l'état antérieur de la patiente et son décès, en fixant le montant de sa réparation à la somme de 2 000 euros. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point.

16. Enfin, il y a lieu de confirmer le rejet des demandes de Mme D... au titre du préjudice permanent exceptionnel et du préjudice lié à des pathologies évolutives, prononcée par le tribunal.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM doit être condamné à verser à Mme D... la somme de 125 231,24 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point.

Sur l'action récursoire de l'ONIAM à l'encontre de l'AP-HP :

18. Par les motifs non contestés par l'AP-HP, il y a lieu de faire droit à la demande d'action récursoire exercée par l'ONIAM contre l'AP-HP sur le fondement de l'article

L. 1142-21 du code de la santé publique et de mettre à la charge de cette dernière le remboursement de 80 % de la somme mise à la charge de l'ONIAM, soit 100 185 euros, au titre de la perte de chance dont l'AP-HP est responsable.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme :

19. La CPAM du Puy-de-Dôme n'est fondée à rechercher la responsabilité de l'AP-HP qu'au titre des fautes commises par cette dernière et à demander le remboursement des débours qu'elle a engagés que dans la limite de cette responsabilité.

20. La CPAM du Puy-de-Dôme produit une attestation de ses débours au titre de frais hospitaliers et de frais médicaux d'un montant de 85 310,74 euros ainsi qu'une attestation de son médecin conseil faisant état du lien de causalité entre lesdits débours et les séquelles résultant de la prise en charge fautive de Mme D.... Par suite, il y a lieu, après application du taux de perte de chance retenu de 80%, de condamner l'AP-HP à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme, la somme de 68 248,60 euros au titre des dépenses de santé, non contestées par l'établissement de santé et résultant des séquelles de Mme D....

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

21. En application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article

1er de l'arrêté du 18 décembre 2023 susvisé, la CPAM du Puy-de-Dôme est en droit d'obtenir le versement d'une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 191 euros. Cette indemnité doit être mise à la charge l'AP-HP.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

22. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.

23. Il y a lieu, dès lors, de faire droit aux conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme tendant à ce que la somme qui lui est allouée au point 22 du présent arrêt porte intérêt au taux légal à compter du 31 octobre 2018, date d'enregistrement de son mémoire au greffe du tribunal. La capitalisation des intérêts a été demandée aux termes de ce même mémoire. Par suite, il y a lieu dès lors, de faire droit à cette demande à compter du 31 octobre 2019, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais de l'instance :

24. Il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ONIAM et non compris dans les dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CPAM du Puy-de-Dôme.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. B... D... et M. A... D....

Article 2 : La somme que l'ONIAM a été condamnée à verser à Mme D... est ramenée à 125 231,24 euros.

Article 3 : L'AP-HP remboursera à l'ONIAM la somme de 100 185 euros.

Article 4 : L'AP-HP versera à la CPAM du Puy-de-Dôme une somme de 68 248,6 euros, assortie des intérêts à compter du 31 octobre 2018. Les intérêts échus à compter du 31 octobre 2019 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date.

Article 5 : L'AP-HP versera à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 1 191 euros au titre de l'indemnité des frais de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 6 : Le jugement n°1815195 du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : L'AP-HP versera une somme de 1 500 euros à l'ONIAM et une somme de 1 500 euros à la CPAM du Puy-de-Dôme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à M. A... D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience publique du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2024.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00669
Date de la décision : 17/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : NIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-17;22pa00669 ?
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