Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 26 octobre 2022 par lesquels la préfète du Val-de-Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur reconduite.
Par un jugement nos 2211614, 2211615 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé ces arrêtés et enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. et Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête enregistrée le 13 janvier 2024 sous le n° 24PA00233, la préfète du Val-de-Marne, représentée par Me Termeau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2211614, 2211615 du 14 décembre 2023 ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme A....
Elle soutient que les arrêtés litigieux ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les requérants ne justifient pas de l'existence de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel permettant la délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés les 28 février, 20 juin et 26 juin 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Leloup, concluent, dans le dernier état de leurs écritures, à titre principal, au rejet de la requête et à la validation du jugement attaqué en ce qu'il a annulé les arrêtés du 26 octobre 2022, à titre reconventionnel, à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de leur délivrer une carte de séjour temporaire, mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et, à titre subsidiaire, à la validation du jugement attaqué en ce qu'il a enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de leur délivrer une carte de séjour temporaire, mention " salarié ", dans le même délai. Ils concluent également à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que le moyen soulevé est infondé.
II- Par une requête enregistrée le 19 février 2024 sous le n° 24PA00812, la préfète du Val-de-Marne, représentée par Me Termeau, demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement nos 2211614, 2211615 du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun.
Elle soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.
La requête a été communiquée à M. et Mme A... qui n'ont pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- et les observations de Me Leloup, avocat, pour M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par des arrêtés du 26 octobre 2022, la préfète du Val-de-Marne a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et Mme A..., ressortissants philippins nés respectivement le 30 mai 1985 et le 3 mars 1993, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur reconduite. Par un jugement nos 2211614, 2211615 du 14 décembre 2023 dont la préfète relève appel, sous le n° 24PA00233, le tribunal administratif de Melun a annulé ces arrêtés et a enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. et Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La préfète demande, par une requête enregistrée sous le n° 24PA00812, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 24PA00233 et n° 24PA00812 ont le même objet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
4. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Pour annuler les arrêtés contestés, pris notamment au motif que les demandes d'autorisation de travail présentées par M. et Mme A... avaient fait l'objet d'un avis défavorable de la plateforme interrégionale des services de la main d'œuvre étrangère en raison d'un salaire mensuel perçu inférieur au SMIC, les premiers juges ont relevé que M. et Mme A... justifiaient, d'une part, d'une insertion professionnelle et, d'autre part, d'une bonne intégration personnelle en France et que la préfète du Val-de-Marne avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant leur admission exceptionnelle au séjour, en les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant le pays de destination de leur reconduite.
6. La préfète du Val-de-Marne soutient que M. et Mme A... ne justifient d'aucune circonstance humanitaire ou d'un motif exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que leurs demandes d'autorisation de travail ont fait l'objet d'un avis défavorable de la plateforme interrégionale des services de la main d'œuvre étrangère en raison d'un salaire mensuel perçu inférieur au SMIC, qu'ils sont tous deux en situation irrégulière et ne qu'ils justifient pas être dépourvus d'attaches privées et familiales dans leur pays d'origine, où leur cellule familiale peut se reconstituer. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, comme exposé au point 5 du jugement attaqué, M. et Mme A..., entrés sur le territoire national respectivement le 3 décembre 2015 et le 27 juin 2014 établissent, par les pièces qu'ils ont produites en première instance et qu'ils produisent en appel, l'ancienneté et l'intensité de leur insertion professionnelle, sociale et personnelle en France.
7. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Val-de-Marne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés du 26 octobre 2022 par lesquels elle a refusé de délivrer à M. et Mme A... un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur reconduite.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
8. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement nos 2211614, 2211615 du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun, les conclusions de la requête n° 24PA00812 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions reconventionnelles aux fins d'injonction présentées par M. et Mme A... :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent, de délivrer à M. et Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... d'une somme totale de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête n° 24PA00812 de la préfète du Val-de-Marne.
Article 2 : La requête n° 24PA00233 de la préfète du Val-de-Marne est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. et Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat (ministère de l'intérieur et des Outre-mer) versera une somme totale de 2 000 euros à M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, à M. B... A... et à Mme C... A....
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
La rapporteure, Le président,
I. JASMIN-SVERDLIN J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 24PA00233, 24PA00812